Renaissance et le trou noir idéologique du bloc macroniste et de ses alliés<!-- --> | Atlantico.fr
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Les élections législatives et le premier tour des élections présidentielles ont montré qu’au cours de son premier mandat, Emmanuel Macron n’a pas réussi à ancrer dans le pays sa formation politique.
Les élections législatives et le premier tour des élections présidentielles ont montré qu’au cours de son premier mandat, Emmanuel Macron n’a pas réussi à ancrer dans le pays sa formation politique.
©Ludovic MARIN / AFP

Au centre, rien de nouveau

Les multiples composantes du centre-droit misent beaucoup sur les sénatoriales qui se tiennent ce dimanche pour renforcer leurs positions. Pourtant, si les candidats et partis sont nombreux sur le créneau, aucune vision politique nouvelle n’y émerge vraiment.

Denis  Jeambar

Denis Jeambar

Denis Jeambar est journaliste et auteur. Il a été rédacteur en chef d'Europe 1 et l'Express. Il collabore aujourd'hui à Public Sénat et Marianne. Il a récemment écrit Ne vous représentez pas ! Lettre ouverte à Nicolas Sarkozy (Flammarion - 2011)

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Atlantico : Suite à la rentrée parlementaire de Renaissance et de ses alliés du Modem et de Horizons, dans quel état se trouve le centre ? Emmanuel Macron et ses alliés sont-ils empêtrés dans un trou noir idéologique ? 

Denis Jeambar : Les élections législatives et le premier tour des élections présidentielles ont montré qu’au cours de son premier mandat, Emmanuel Macron n’a pas réussi à ancrer dans le pays sa formation politique. Le Modem est à la marge, sans être inscrit dans les profondeurs du pays. C’est un échec du chef de l’État, qui n’a pas réussi à implanter son pays, à permettre à ses collaborateurs de faire émerger de vrais leaders. En effet, dans le paysage macronien, il y a très peu de figures capables d’être écoutées. 

D’ailleurs, je ne vois pas très bien la doctrine de Rennaissance. De même pour celle d’Emmanuel Macron. Le « en même temps » s’est perdu dans des sables mouvants, tantôt à gauche, tantôt à droite. Nous avons donc l’impression d’avoir un président qui navigue à vue, sans arriver à prendre le large et emporter les français dans un grand paquebot. 

Ont-ils encore une vision sur l’Europe ? Le rapport à l'autorité ? L'éducation ?

Emmanuel Macron a des convictions européennes fortes. Pourtant, il n’a pas réussi à fédérer les européens et la France se trouve très isolée. Nous voyons bien que les pays d’Europe du Sud vivent leur vie indépendamment des autres. La Pologne ou la Hongrie ont des difficultés avec la France, qui n'est peut être pas en mesure de comprendre leurs inquiétudes. 

Depuis la guerre en Ukraine, ce sont les États-Unis, et non pas l’Europe, qui arrivent à convaincre. Il aurait fallu s’engager dans une politique active de défense, ce qui n’a pas été le cas. En somme, Emmanuel Macron n’a jamais réussi à créer une dynamique, et l’Europe de la Défense n’a toujours pas vu le jour. 

Emmanuel Macron, peut-être par conviction au départ, a vu ce qui pouvait se passer dans le « pays profond », ce qui a entraîné un coup de barre à droite, un coup de barre autoritaire, notamment sur le sujet de l’immigration dernièrement. Le chef de l’État essaye d’incarner l’autorité du président de la République mais elle est aujourd’hui très entamée. En somme, il n'y a jamais eu de théorisation de l’autorité au sein de ce gouvernement. 

En ce qui concerne l’éducation, je pense qu’il y a eu une prise de conscience quant aux difficultés sur la situation. Nous verrons quelle politique va engager notre nouveau ministre de l’Éducation, malgré le fait qu’il y a une vision complètement contraire avec son prédécesseur. Encore une fois, on navigue parfois à droite, parfois à gauche.  

La politique, c’est l’art du clivage. Est-ce que le clivage est dans l’ADN du centre ? C’est pas plutôt le consensus ?

Je ne sais pas très bien ce qu’est le centre. Beaucoup s’en sont revendiqués. Parfois ils se positionnaient à droite et tentaient de rassembler 2 Français sur 3. Je pense au contraire que la démocratie, c’est la confrontation des idées, l’alternance. Sans possibilité d’alternance - et si c’est la vision d’Emmanuel Macron - le centre n’est qu’un corps mou qui grossit en fonction des problèmes et des désirs des pays. In fine, le centre n’a jamais construit un projet idéologique que je puisse comprendre. Même celui de François Bayrou ne se définit que par opposition à la droite ou à la gauche, mais cela ne constitue pas une vision du pays. 

Édouard Philippe qui ne dit pas grand chose en ce moment est, selon les sondages, la personnalité politique préférée de l’actuelle majorité présidentielle. Il dit, je le cite, avoir une idée assez claire de sa candidature. Mais les français ont du mal à s'identifier. Qu’est-ce qu’incarne Edouard Philippe ? Et est-ce que c’est lisible par les électeurs ?

Édouard Philippe incarne une histoire, un passé, mais aussi une collaboration avec le président de la République en tant que Premier ministre. Il incarne donc un bilan. Mais il incarne aussi un pas de côté avec le macronisme et essaye de faire entendre ses différences. Pourtant, on ne peut pas défier le philippisme sans savoir ce qu’il nous proposera. Rappelons qu’il vient de l’UMP, de la branche d’Alain Juppé. Je le définirai donc comme un libéral de droite décentralisateur à tendance Girondine. Il avait avancé des choses intéressantes sur les retraites, mais le chef de l’État a coupé court à toute action concrète. S’il revenait au pouvoir, envisagerait-il une réforme telle que celle qu’il avait envisagée en tant que Premier ministre ? Il est très dur aujourd’hui de savoir ce qu’il incarnera s’il accédait au pouvoir. Il a une expérience du juppéisme, du macronisme et désormais une expérience de maire d’une grande ville. 

Je reste persuadé qu’Édouard Philippe ne veut pas - et ne peut pas - être un Macron bis pendant la campagne présidentielle. D’ailleurs, on voit bien qu’il reproche au chef de l’État de ne pas projeter le pays dans une vision d’avenir. 

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