Pourquoi le « talent » doit se payer à sa juste valeur, même dans les entreprises publiques !<!-- --> | Atlantico.fr
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Un bon patron, ça ne court pas les rues. Donc, un « talent » se paie à sa juste valeur.
Un bon patron, ça ne court pas les rues. Donc, un « talent » se paie à sa juste valeur.
©Flickr/Victor1558

Méritocratie

A cause de l'ouverture à la concurrence, l’activité des EDF, GDF, SNCF, RATP et autres La Poste a été profondément chamboulée. Ces entreprises véhiculent une nouvelle image moderne mais, en coulisses, la réalité est plus sombre. Extraits de "Chères, très chères entreprises publiques" de Olivier Baccuzat et Boris Cassel (2/2).

Olivier   Baccuzat et Boris Cassel

Olivier Baccuzat et Boris Cassel

Olivier Baccuzat et Boris Cassel sont reporters au service économie du Parisien-Aujourd’hui en France.

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Dans son projet pour l’élection présidentielle, le PS prévoyait de passer à la paille de fer les émoluments des dirigeants des entreprises publiques. C’était la proposition numéro quinze de leur programme[1].

« Nous limiterons les rémunérations abusives : rémunérations variables n’excédant pas la part fixe, écarts de rémunérations de un à vingt maximum dans les entreprises à participation publique, présence des salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance et les comités des rémunérations »,

promettaient les responsables de la rue de Solférino. Quid de l’argent ainsi économisé ? Les socialistes ne précisaient pas s’il devait être versé aux actionnaires (dont l’Etat en l’occurrence), aux salariés de l’entreprise, réinvesti ou s’il devait financer des baisses de prix pour les clients. Cette proposition des socialistes, Christine Lagarde l’a jugée absurde à de nombreuses reprises quand elle était aux Affaires. Selon l’ex-ministre des Finances, en effet, plafonner les salaires des patrons des entreprises publiques reviendrait à se tirer une balle dans le pied. « Pourquoi y aurait-il deux poids et deux mesures » avec d’un côté « des low cost, ceux du secteur public, et de l’autre ceux qui ne sont pas plafonnés, ceux du secteur privé ? » faisait valoir Christine Lagarde quelques semaines avant son départ pour Washington[2]. Et d’ajouter que « si on appliquait » la proposition du PS, « cela amènerait à diminuer les salaires de tous les dirigeants, y compris ceux de Louis Gallois et Guillaume Pépy ». Une manière de dire que les deux hommes sont des gagne-petit comparé à leurs homologues des autres entreprises. Une demi-vérité. Car si le patron de la SNCF ne gagne « que » 250 000 euros par an (ex-directeur de cabinet de Martine Aubry au ministère du Travail, il dit s’en contenter largement d’ailleurs), le dirigeant d’EADS a quand même engrangé 2,6 millions d’euros en 2010.

Bien payer les talents

Autre argument mis en avant par Christine Lagarde et son entourage : un bon patron, ça ne court pas les rues. Donc, un tel « talent » se paie à sa juste valeur. A ce titre, estiment les pouvoirs publics, les salaires versés aux dirigeants des sociétés dont l’Etat est actionnaire ne sont pas follement excessifs. Il faut admettre que, lorsqu’on épluche les plus gros salaires de la place de Paris, on ne peut pas dire que les dirigeants d’entreprises publiques sont les plus délirants. En 2010, seuls trois patrons d’entités contrôlées partiellement ou totalement par l’Etat figuraient parmi les cinquante plus gros salaires du SBF 120[3]. Ces chiffres confortent donc l’argument du gouvernement selon lequel les Proglio et consorts sont payés au prix du marché. Ni plus ni moins.

Mais « ce marché qui déterminerait les montants des rémunérations est une fiction, persifle Jean Arthuis, comme si les salaires, les golden hello, les golden parachutes, retraites chapeaux et autres stock-options résultaient du jeu de l’offre et de la demande[4]». Pour l’élu de la Mayenne, il ne fait aucun doute que cette référence à une supposée échelle de valeurs des salaires est destinée « à mettre en condition le représentant de l’Etat qui siège dans les instances dirigeantes de ces organismes, caution implicite d’une décision lourde. Abandonné par sa hiérarchie qui se garde bien de donner des orientations, sans autres repères, sans instructions, associé à une prise de décision, il peut ainsi justifier son acquiescement».

Le parlementaire met le doigt sur un point important : le rôle des administrateurs représentant l’Etat dans les instances de direction de ces entreprises. Des postes clés. Même si les patrons des entreprises sont régulièrement reçus au ministère des Finances pour « faire le point », dixit un haut fonctionnaire de Bercy, c’est au sein des conseils que sont définis et votés, à l’arrivée, les grands axes de la stratégie industrielle ou commerciale de grands groupes comme EDF, GDF Suez, La Poste, Areva, Renault, Air France-KLM, la SNCF ou encore France Télévisions. C’est là, également, que sont validées les nominations des dirigeants et leurs rémunérations. L’endroit idéal, donc, pour défendre et privilégier les intérêts de l’Etat.


[1] Projet socialiste 2012, « Le changement ».

[2] « Matinale » de France Inter, 11 avril 2011.

[3] Indice qui regroupe les 40 titres du CAC 40 et les 80 valeurs les plus liquides du premier et du second marché de la Bourse de Paris.

[4]SOS finances publiques. Osons les vraies réformes !, Calmann-Lévy, 2011

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Extrait de Chères, très chères entreprises publiques PLON (16 février 2012)

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