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Remaniement en vue, le moment Philippe est-il venu ?
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Monsieur le Premier ministre

Après un été mouvementé et une rentrée animée avec la tempête des affaires et des départs en cascade, le Premier ministre pourrait assumer un rôle clé. La logique politique voudrait que le président de la République s'appuie en effet sur une personnalité qui a su résister au désamour des Français et qui pourrait le protéger.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Alors qu'un remaniement ministériel est attendu pour les prochaines heures, en quoi le contexte politique actuel, actant la faiblesse de la position d'Emmanuel Macron dans l'opinion, pourrait se traduire par une opportunité pour Edouard Philippe ? 

Jean PETAUX : Le Premier ministre est dans une situation paradoxale. Il n’est pas impacté personnellement par la succession des « affaires » (avec beaucoup de guillemets) qui  viennent polluer la présidence d’Emmanuel Macron : formulations inutilement clivantes ; cas Benalla ; démissions de Nicolas Hulot et de Gétrard Collomb ; images contre-intuitives (comme celle qui a tourné en boucle depuis dimanche sur les réseaux sociaux avec les deux jeunes gens de Saint-Martin). Pour autant malgré le fait que tous ces événements ne le concernent pas, comme il est dans un « attelage » avec le chef de l’Etat (les fameuses « deux têtes de l’exécutif » ou comme on disait dans les années 70 « la dyarchie »), sa cote de popularité est aussi impactée même si elle se dégrade moins rapidement que celle du président.
Peut-il en tirer profit ? Politiquement la réponse est évidemment négative car chercher à capitaliser sur la tendance  baissière d’Emmanuel Macron  dans l’opinion publique (en quelque sorte profiter de la désaffection présidentielle) serait immanquablement perçu comme une marque de déloyauté absolue ou de cynisme brutal.
Les conditions politiques ne sont pas réunies actuellement pour qu’Edouard Philippe prenne publiquement ses distances avec le chef de l’Etat et quitte Matignon. Car le jeu est bien binaire dans ce contexte. Le PM n’a que deux options dans l’alternative actuel : soutenir ou se démettre. Et pour se démettre il faudrait qu’il y ait encore une fracture politique rendue publique entre les deux hommes qui réifierait une démission par exemple. Or il n’y a pas de désaccord politique entre le PR et son PM. Voilà pourquoi finalement, opportunité ou pas, Edouard Philippe voit son sort lié à celui du chef de l’Etat.

La démission de Gerard Collomb ne peut-elle pas également être un signe, parmi d'autres, qu'Edouard Philippe détient un pouvoir plus important dans la macronie que cela n'est généralement évoqué ?  

Non et oui. Non parce que la démission de Gérard Collomb est totalement en dehors de la « sphère Philippe ». Le PM y est tellement pour rien que Collomb avait même gagné tous ses arbitrages budgétaires justement grâce à l’appui de Matignon contre Bercy. Oui car elle montre la faiblesse actuelle du titulaire du fauteuil élyséen passé en quelques mois du statut de « Jupiter » à celui de « Judépiter ». C’est la comparaison qui pose problème à Emmanuel Macron, par l’influence d’Edouard Philippe…

Dans quelle mesure Emmanuel Macron aurait-il intérêt à voir Edouard Philippe assumer plus largement l'action du gouvernement, et permettre ainsi son retour vers une fonction présidentielle au-dessus des vicissitudes du quotidien ? Sa personnalité peut-elle le permettre ? 

Vous avez totalement raison de poser la question en ces termes. Evidemment qu’Emmanuel Macron aurait tout intérêt à laisser « le paratonnerre » Edouard Philippe prendre la foudre jusqu’à, dans l’absolu, griller comme un fusible dans une fonction de coupe-circuit. C’est d’ailleurs la lettre de la Constitution qui fête ses 60 ans en ce moment : la président préside et le chef du gouvernement gouverne. Mais ce n’est pas l’esprit et ce n’est surtout pas la disposition d’esprit du chef de l’Etat. Le président Macron, sans prétendre à l’hyper-présidence qui fut celle (affichée) d’un Nicolas Sarkozy, allant même jusqu’à traiter en public son premier ministre François Fillon de « collaborateur », n’envisage pas d’être a minima un président qui « inaugure les chrysanthèmes » et au quotidien un « souverain lointain ». Il lui faut descendre dans l’arène, relever le gant et engager des combats politiques sans cesse recommencés. Sa personnalité est ainsi faite qu’il fonctionne par omni-présence. Alors qu’il aurait tout intérêt à prendre de la hauteur et laisser ses ministres (et le premier d’entre eux évidemment) s’impliquer dans les combats de première ligne, c’est lui « qui s’y colle ». C’est audacieux mais vain. Et surtout contre-productif en termes de remontée dans l’opinion. Ce qu’il faudrait à Emmanuel Macron, président de la République, c’est de vivre l’expérience de la cohabitation. Avec un premier ministre hostile.
Comme ce n’est pas le cas, le président Macron n’a plus de « fidèle protecteur » et se prend tout le vent qui tourne en tourbillons actuellement sur la scène politique française, européenne et mondiale.

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