Réforme des retraites : les syndicats vont payer très cher s’ils tentent un bras de fer avec l’État<!-- --> | Atlantico.fr
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Des syndicalistes posent devant la Tour Eiffel, le 9 février 2023 en marge d'une journée de mobilisation.
Des syndicalistes posent devant la Tour Eiffel, le 9 février 2023 en marge d'une journée de mobilisation.
©ALAIN JOCARD AFP

Atlantico Business

En cas d’échec du plan de réforme des retraites, la victoire des syndicats sera amère. Ils risquent fort de perdre ce qui leur reste de pouvoir et de légitimité. Le président de la République a sans doute les moyens de s’en remettre.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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A lissue de la prochaine journée de manifestations, lampleur du mouvement à Paris et en province nous donnera une idée des perspectives d’évolution de ce conflit. A priori, rien ne permet de penser que le jeu social va se calmer et qu’on pourrait revenir à une phase de débat politique. Rien parce qua priori les positions sont assez braquées.

Du côté du pouvoir, le gouvernement a fait à peu près toutes les avancées possibles pour donner au corps social les garanties qu’il semblait réclamer. Il peut difficilement aller plus loin sans vider complètement de son contenu le projet de réforme. Au départ, le projet avait pour but de rééquilibrer financièrement le fonctionnement du régime par répartition. De discussion en compromis, le gouvernement a accepté des aménagements qui réduisent beaucoup le potentiel d’économies possible. Encore un effort, monsieur le bourreau et la réforme finirait par coûter plus cher que le système initial. Donc la réforme serait inutile et dans ce cas, le gouvernement a deux solutions.

Ou bien, il passe en force via le 49.3 mais le projet aura fait tellement de mécontents quil aura du mal à sappliquer. Politiquement ce sera invivable.

Ou bien, il abandonne le projet en rase-campagne et la situation politique devient également insupportable.

Le président Macron se retrouve alors avec des moyens politiques quil peut très bien actionner. Ces moyens constitutionnels vont de la dissolution au remaniement du gouvernement. Fort de sa légitimité présidentielle, il peut se replier sur la fonction régalienne qui lui appartient et se consacrer principalement à la géopolitique. En espérant que la situation économique et financière nentraîne pas le pays dans les bras de la Banque mondiale pour cause dendettement et surtout dincapacité à redresser le bateau, ce qui était lobjectif de la réforme des retraites : montrer au monde entier quon est capable d’éviter la faillite.

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Dans tous les cas de figures, le président peut passer les presque 3 années restantes à préparer son avenir, à défaut davoir pu sécuriser celui du pays.

Du côté de lopinion et des syndicats, les choses risquent d’être beaucoup plus rock’n roll. En imaginant que la poursuite des manifestations débouche sur la violence de rue et entraine labandon du projet, il nest pas certain que lopinion fasse porter la responsabilité de l’échec sur le gouvernement qui a débattu plusieurs années, alors que les syndicats qui sont parties prenantes dans le système dassurance vieillesse, nont pas proposé dalternatives fortes et cohérentes.

L’Etat, le président et le gouvernement ont certainement fait beaucoup derreurs dans le processus de concession et de communication, mais les syndicats, eux, ont failli dans leur responsabilité de proposer des alternatives au projet gouvernemental.

Une majorité de lopinion (75% nous disent les sondages) sont opposés à un recul de l’âge légal de départ à la retraite avec un taux plein, mais une même proportion est consciente que le régime de retraite est fragilisé et quil aurait besoin dune réforme. Doù le blocage de ce débat. Les vraies questions que pose un tel blocage sont très simples.

La première reviendra à se demander pourquoi tant de haine. La réponse se situe dans labsence coupable de culture économique dans la société française. Ce débat sest permis de balayer tous les arguments les plus fallacieux ou incohérents qui soient. On a appris que les régimes de retraite n’était pas en difficulté, quavec un déficit de 3% l’Etat pouvait payer et à la limite faire payer les riches milliardaires capitalistes. Cette méconnaissance des mécanismes économiques les plus élémentaires a transformé un débat qui devait porter sur des ajustements techniques pour tenir compte de contraintes démographiques qui simposent à tout le monde en un débat de société (ce qui nest pas aberrant) et le débat de société se retrouve dominé par des déferlements de haine. Haine dans la rue et haine au parlement, ce qui est terrifiant et qui montre à quel niveau de médiocrité intellectuelle et morale est tombée une grande partie de la classe politique.

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La deuxième question revient à se demander en quoi la rue et les syndicats seraient plus légitime quune majorité (très étroite, cest vrai) au parlement, ou le chef de l’État. Sous la toise des valeurs de la démocratie, on peut dire que les manifestations regroupent en moyenne et à chaque fois plus dun million de personnes qui défilent contre la retraite à 64 ans. Cest à peu près le nombre dadhérents aux principaux syndicats français. Mais se souvient-on que le nombre d’électeurs à la présidentielle et aux législatives qui ont voté pour des candidats qui prônaient un âge de retraire à 65 ans a été aux environs de 30 % du corps électoral.

Donc on pourrait dire, en simplifiant, que les opposants déclarés aux 64 ans, qui le disent et le montrent en défilant dans la rue sont 2 millions. Alors que ceux qui seraient prêt à pratiquer une retraite à 65 ans sont plus de 20 millions. La légitimité n’appartient pas à la rue.

Si les syndicats qui ont retrouvé un contrôle de la rue qui leur avait été pris par les gilets jaunes et le covid, veulent conserver leur influence et leur rôle de contre-pouvoir, leur responsabilité est de proposer des solutions compatibles avec les contraintes de la société. Si les syndicats nassument pas cette responsabilité, la rue reprendra un pouvoir quelle cédera à la violence des casseurs.

La troisième question revient à savoir si une réforme des retraites est absolument indispensable.Si on veut préserver la retraite par répartition qui est le cœur du modèle social français, elle est indispensable. Le régime doit donc être équilibrer comme tous les systèmes assuranciels. Les actifs paient pour les inactifs et l’Etat na rien à faire là-dedans. L’Etat est intervenu pour sauver le système en difficulté, en puisant largent public à condition quil se réforme, sinon l’Etat ne trouvera plus de financement sauf à ruiner les pauvres, abimer les entreprises ou racketter les très riches.

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Mais effectivement la réforme nest pas nécessaire, si on estime que le régime par répartition ne fonctionne pas, les assurés sociaux trouveront dautres solutions dans les plans d’épargne et de capitalisation sous gestion privée afin dassurer leur avenir.

Si la rue lemporte sur le débat parlementaire, si la réforme nest pas indispensable, les syndicats auront perdu la partie en perdant le contrôle des caisses de retraite par répartition. Ils auront perdu la partie, leur rôle, leur fonction et leur légitimité. Les syndicats sont co-gérants du système. Sils renoncent à cogérer, ils ne servent plus à rien.

La victoire sera donc bien amère.

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