Réelection d’Emmanuel Macron : et maintenant, amis libéraux, que fait-on ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron prononce un discours après sa victoire à l'élection présidentielle française. Paris, le 24 avril 2022
Emmanuel Macron prononce un discours après sa victoire à l'élection présidentielle française. Paris, le 24 avril 2022
©LUDOVIC MARIN / AFP

Concertation

La course présidentielle 2022 est déjà derrière nous. On peut considérer comme moi que l’élection de Marine Le Pen aurait signifié un désastre pour la liberté, la prospérité et la fraternité des Français. Il n’en demeure pas moins que la reconduction d’Emmanuel Macron à l’Élysée ne règle rien, raison pour laquelle il n’a pas eu ma voix non plus

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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La France est comme suspendue au-dessus du vide. Elle l’était avant le scrutin, elle l’est toujours après et l’avenir est toujours aussi douloureusement incertain.

Sur l’économie, un petit chiffre.

D’après les suivis de la Banque de France, le nombre de faillites d’entreprises est reparti à la hausse au premier trimestre 2022 par rapport à 2021 (environ + 35 %). Pas encore les niveaux « habituels » de la période pré-Covid, de l’ordre de 50 000 par an, mais l’amorce d’un « retour à la normale » préoccupant (courbe violette dans le schéma ci-dessous) :

Autrement dit, le « quoi qu’il en coûte » a permis de maintenir à flots des entreprises qui, dans un environnement non faussé par une abondance de soutiens distribués tous azimuts (pour le dire gentiment), auraient dû mettre la clef sous la porte.

Il est à craindre que le taux de chômage de 7,4 % sur lequel les équipes macroniennes se sont abondamment appuyées pour souligner la qualité de leur bilan ne soit qu’une illusion soutenue par une dette publique caracolante. Et bien sûr, la récession qui s’annonce en conséquence des perturbations économiques dues à la guerre russe en Ukraine ne va certainement pas arranger les choses (mais n’en est pas la raison initiale).

Sur les libertés individuelles, une petite date.

La question de l’état d’urgence sanitaire est toujours à l’ordre du jour. Si le pass vaccinal a été (électoralement) suspendu avant les élections, il est impératif que le régime très spécial de sortie de l’état d’urgence sanitaire qui s’applique jusqu’au 31 juillet 2022 prenne fin définitivement.

Dans la situation actuelle où le Covid-19 est devenu courant mais peu dangereux et où le taux de reproduction R est redevenu inférieur à 1, le gouvernement conserve la possibilité de limiter les déplacements, de fermer certains lieux et de réinstaurer le pass à volonté. Ce qui se décidera à ce sujet le 31 juillet – nouvelle prolongation ou fin de l’urgence sanitaire – en dira beaucoup sur les orientations du nouveau gouvernement en matière de liberté. 

Déclassement et malentendus.

Je reste plus que jamais convaincue que la réforme libérale est la seule voie possible pour sortir la France de son profond marasme économique, identitaire et social. Le succès d’un Mélenchon, le succès d’une Marine Le Pen tels qu’ils ressortent du scrutin présidentiel reposent essentiellement sur une demande d’amélioration radicale du pouvoir d’achat de la part de citoyens qui se voient sombrer dans un déclassement social et culturel sans fin et craignent pour l’avenir de leurs enfants. D’où la tentation du repli sur soi.

Le problème, c’est que les solutions de la France insoumise comme celles du Rassemblement national consistent à déshabiller Pierre pour habiller Paul en fonction de préférences sociales, nationales et/ou écologiques, avec tout ce que cela implique d’endettement et d’accroissement de la sphère de l’État et de réduction des capacités productives. Cercle vicieux du déclassement et de l’appauvrissement.

Contrairement à une idée très en vogue dans les cercles officiellement illibéraux, il est à noter qu’Emmanuel Macron ne fut nullement l’artisan de la moindre réforme libérale lors de son premier mandat. Il a pu en avoir certains discours et déplacer symboliquement de minuscules curseurs, mais concrètement, il a surtout réussi à porter les dépenses et la dette publiques à 60 % et 113 % du PIB respectivement. Comme le rétorquait récemment Daniel Cohn-Bendit à Ségolène Royal, « le quoi qu’il en coûte, c’est le contraire du néolibéralisme »

Et surtout, alors qu’il avait une fenêtre de tir ainsi qu’une forme d’état de grâce pour réformer en profondeur au début de sa présidence, il a préféré mettre en scène à la télévision la signature d’une loi d’affichage sur la moralisation de la vie publique, abaisser la limite de vitesse sur route de 90 à 80 km/h et s’engouffrer bille en tête dans une transition écologique désordonnée et désastreuse pour le pouvoir d’achat. La France était une curiosité dans le monde développé de 2017, elle l’est encore plus aujourd’hui. 

De ce fait, j’ai observé avec tristesse un certain nombre de libéraux prendre fait et cause pour Emmanuel Macron avant le premier ou le second tour de l’élection. Qu’on ait pu se dire à titre personnel qu’on voterait Macron malgré ses insuffisances criantes pour éviter pire, je peux le comprendre. Qu’on en fasse une position officielle relayée dans la presse ne peut que contribuer à renforcer cette idée absurde que Macron serait libéral.

De la même façon, le choix annoncé par d’autres de voter Le Pen, moins par adhésion à ses idées que pour précipiter une forme de chute finale, me semble non seulement relever d’une stratégie d’apprenti sorcier mais contribuer tout autant à brouiller définitivement les idées politiques et à noyer la sphère libérale dans un brouet mal identifié de social-démocratie populiste et autoritaire.

Le blocage du « faire barrage à l’extrême-droite ».

Pour que les choses puissent évoluer, peut-être faudrait-il commencer par prendre conscience que notre vie politique quinquennale est soumise depuis presque 40 ans à la technique électorale introduite par François Mitterrand qui consiste à utiliser l’effet repoussoir du Rassemblement national pour se maintenir au pouvoir. Sclérose politique, économique et sociale assurée. 

L’effet est d’autant plus ravageur que Mme Le Pen semble extrêmement satisfaite de ce statu quo. Dimanche soir, animée d’une pugnacité qu’on cherchait vainement lors de son débat d’entre-deux tours avec Emmanuel Macron, elle rayonnait, allant jusqu’à parler de grande victoire pour son parti. À raison, car il s’agissait pour elle de rester incontournable dans la position confortable d’opposante, certainement pas d’abîmer sa stature contestataire dans l’exercice effectif du pouvoir.

Comment s’en sortir ?

Il serait, je pense, tout à fait contre-productif de proposer un « grand soir » libéral pur et parfait qui renverserait tout en un instant. Les Français, perclus d’égalitarisme, tellement habitués à l’encadrement de l’État, tellement méfiants à l’égard des initiatives privées et de la réussite, tellement hostiles à toute forme de mondialisation et de libre-échange et tellement peu enclins à défendre leurs libertés individuelles quand on leur promet de la sécurité sanitaire et la fin du terrorisme, doivent être apprivoisés peu à peu sur tous ces points essentiels.

Il est en revanche parfaitement possible d’imaginer un chemin progressif de réduction du poids de l’État et de réforme de nos structures les plus pénalisantes (marché du travail, hôpital, système éducatif) pour aller vers la libération réglementaires et fiscale des énergies créatrices et innovantes.

Il est parfaitement possible de restaurer le domaine régalien dans un esprit harmonieusement équilibré entre l’autorité nécessaire pour faire respecter la loi et la justice qu’on attend d’un État de droit, afin de garantir les droits naturels de tous les citoyens que sont la liberté, la propriété et la sécurité des biens et des personnes.

Ceci étant posé, expliqué, argumenté, justifié, dans un débat public ouvert, approfondi et sincère, point n’est besoin de recourir à la rhétorique éculée du barrage contre l’extrême-droite. La France a juste besoin d’un peu de courage pour regarder la réalité en face : observer le mouvement du vaste monde, cesser de compter sur la pensée magique de l’exception française qui justifie trop souvent d’en passer par des mesures semi-démocratiques et recueillir enfin tous les immenses bénéfices de la liberté.

C’est aujourd’hui que cela commence car 2027, c’est demain et demain, il sera trop tard. Avis à tous les amis de la liberté, avis à tous ceux qui veulent redresser la France, avis aux libéraux des tribunes et des matinales, avis aux libéraux de Contrepoints, avis à Denis PayreRafik SmatiDavid LisnardGaspard Koenig et tant d’autres que je ne connais pas : rassemblons-nous, travaillons, proposons, lançons-nous clairement dans la bataille des idées… et vive la France libre et prospère !

Résultats définitifsdu second tour de l’élection présidentielle 2022 :

Total Inscrits :              48,8 millions (abstention 28 % – blancs et nuls 6,2 %) 

Emmanuel Macron :                     18,8 millions de voix et 38,5 % des inscrits
Abstention, blancs, nuls :            16,7 millions de voix et  34,2 % des inscrits
Marine Le Pen :                             13,3 millions de voix et  27,3 % des inscrits

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