Rapport du COR : cette proposition de modification qui aurait pu éviter bien des confusions sur l’état du système de retraites<!-- --> | Atlantico.fr
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Certaines conventions de calcul du COR entretiennent la confusion sur l'état réel du système de retraites français
Certaines conventions de calcul du COR entretiennent la confusion sur l'état réel du système de retraites français
©JOEL SAGET / AFP

Nuage de fumée

Le Conseil d'Orientation des Retraites (COR) envisage de supprimer une convention budgétaire utilisée pour établir son diagnostic sur l'état du système de retraites. Celle-ci a pu nourrir certaines illusions sur la nécessité de redressement financier.

Eric Weil

Eric Weil

Eric Weil est un ancien conseiller retraites qui tente d’informer sur le sujet.

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Atlantico : Est-ce que selon vous ce serait une bonne nouvelle de supprimer la convention budgétaire "Effort de l'Etat Constant (EEC)" sur la participation de l’État dans le financement du système de retraite des prochains rapports annuels du COR ?

Éric Weil : Pour rappel, avant il y avait 3 conventions relatives à la participation de l'Etat dans le financement du système : « Équilibre permanent des régimes (EPR) », « Effort de l’État constant (EEC) » et « taux de cotisation constant (TTC) ». Depuis le dernier rapport, la convention TTC avait disparu. D'après les dernières informations, la convention « Effort de l’État Constant (EEC) » pourrait disparaître à son tour des prochains rapports. Ne resterait donc plus que la convention "Equilibre permanent des régimes (EPR)" aujourd'hui appliquée en lois de finance.

Elle implique déjà que chaque année l’État transfère environ 30 milliards d’euros afin de mécaniquement équilibrer le régime des fonctionnaires de l’État -et accessoirement quelques régimes spéciaux tels que celui des marins ou de la SNCF. Ces 30 Mds€ sont essentiellement transférés à travers des sur-cotisations de l'État employeur qui se montent à 74% pour les fonctionnaires civiles de l'Etat, contre 16% de taux de cotisations patronales pour les salariés du privé. Cette convention permet déjà d'équilibrer artificiellement le régime des fonctionnaires d'Etat. De sorte qu'en théorie si demain dans la population active il y avait 100% de fonctionnaires, le système de retraite serait parfaitement équilibré grâce à cette convention. Celle-ci, déjà critiquable, est aujourd'hui appliquée dans le cadre des lois de finances.

Coexiste encore une seconde convention, dont il est question qu'elle n'apparaisse plus dans les prochains rapports du COR, qui va encore plus loin dans la participation financière de l'État au système de retraite. C'est la convention "Effort de l'État constant (EEC)" qui implique que, quelles que soient les projections en termes de besoin de financement pour équilibrer le régime des fonctionnaires de l'Etat, l'État continuera à l'avenir à autant subventionner le système relativement au PIB. Et ce, indépendamment de la manière dont évoluent les régimes que l'État est censé équilibrer. Or, ce qu'indiquent les derniers rapports du COR, c'est qu'en projeté, la masse des pensions des fonctionnaires sur la masse des pensions totales va avoir tendance à baisser. Sous deux effets : d'une part, la part de fonctionnaires, relativement à la population active, va avoir tendance à baisser ; d'autre part, la part de prime dans leur rémunération, non comptée dans le calcul des pensions des fonctionnaires, va avoir tendance à augmenter. Si ces projections sont justes, elles conduiront à ce que l'Etat devra, en pourcentage de PIB, moins financer le système à l'avenir. Pourant, en appliquant cette convention "Effort de l'Etat Constant (EEC)" dans les projections présentées par le COR, on fait croire que l’État continuerait à autant financer le système en part de PIB. Concrètement, l'Etat ferait ainsi plus qu'équilibrer le régime des fonctionnaires d'Etat (et quelques autres régimes spéciaux) : il subventionnerait aussi les autres régimes.

Cette convention, à mon sens, est donc profondément trompeuse au sens où elle entretient une illusion sur les besoins de financement réels du système des retraites. Artificiellement, elle montrait des projections faisant tendre le système, sans aucune réforme, vers l’équilibre. D'ailleurs, pendant les débats une grande partie des opposants à la réforme s'appuyaient sur cette convention pour nier le fondement même d’une réforme, qu’elle qu’en soit les modalités, visant à rééquilibrer le système.

 La suppression de cette convention serait donc une excellente nouvelle car l'objectif des rapports du COR est d'établir un consensus autour du constat le plus réaliste possible sur la situation financière du système de retraite. Or, cette convention participait non pas à créer un consensus, mais à brouiller le débat en s'illusionnant sur la situation réelle du financement du système.

Qu'est-ce qu'on aurait gagné comme clarté si le débat sur les réformes des retraites actuel avait été fait sans cette convention finalement ?

On aurait gagné de la clarté et de la lisibilité sur la situation réelle du système des retraites. On aurait pu fonder le débat sur un constat plus réaliste et partagé. On peut dire qu'une réforme n'est pas nécessaire ou en proposer d'autres (c'est un choix politique). Mais je pense qu'on ne peut pas dire quand on est honnête que le système est équilibré. Or cette convention participait à donner des arguments pour y faire croire. Il est donc dommage que cette décision, si elle est prise, ne se soit pas appliquée avant la publication du dernier rapport du COR sur lequel s'est largement fondé le débat sur la situation financière du système. Ça aurait permis de centrer le débat non pas tant sur le déséquilibre ou non du système (factuellement, il l’est), mais sur les options politiques qu'on en tire. Une option pouvant être d'assumer ce déséquilibre par l'endettement ou en le finançant par d'autres ressources. En revanche, ce qui à mon sens n’est pas intellectuellement défendable c'est de dire que le système est équilibré. Malheureusement, cette convention a donné des arguments à cette thèse pendant tout le débat sur la réforme des retraites. 

Est-ce qu’au-delà de cette convention, il faudrait que le rapport du COR fasse d'autres aménagements dans sa présentation des projections budgétaires du système ?

 Aujourd'hui le corps présente 8 projections à travers 4 hypothèses de productivité et 2 sur les conventions budgétaires dont on vient de parler. Que la convention EEC n’apparaisse plus serait une bonne chose (cf. supra).

On pourrait même aller plus loin si l’on veut afficher la crue réalité du déséquilibre du système. Certains experts, dans la revue Commentaires sous le pseudonyme Sophie Bouvrin, indiquent être favorables à ce que le COR présente une convention hors sur-cotisations de l'État, qui permettent chaque année le transfert de ces fameux 30 milliards par an. Elle consisterait essentiellement à normaliser le taux de cotisation de l'État employeur au niveau de n'importe quel autre employeur (en prenant aussi en compte l’assiette de calcul des cotisations différentes entre le public et le privé). Cette convention afficherait un déséquilibre bien plus important (jusqu’à 30Mds en plus), pouvant mieux faire prendre conscience de l’ampleur des déficits publics causés par notre système. Une nouvelle fois, ces déficits peuvent se justifier en fonction des choix politiques faits. Mais il faut savoir qu’ils existent et pèsent lourd dans la balance budgétaire.

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