Rage des airs : et la raison pour laquelle l'avion nous pousse à péter les plombs est…<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Style de vie
Rage des airs : et la raison pour laquelle l'avion nous pousse à péter les plombs est…
©Centre de Traitement de la Peur de l'Avion

Peur panique

A l'approche des vacances, les Français vont prendre l'avion pour se rendre sur leur lieux de villégiature. Pourtant, l'idée de prendre l'avion fait paniquer certaines personnes. Il y a différentes raisons qui peuvent l'expliquer, et des traitements adéquats.

Xavier  Tytelman

Xavier Tytelman

Spécialiste de la sécurité aérienne. Ancien aviateur militaire sur aéronefs de patrouille maritime (missions sur Atlantique 2, N262, P3-C, Nimrod, Falcon...). Consultant spécialisé dans l'industrie aéronautique. Responsable et formateur au Centre de Traitement de la Peur de l'Avion (www.peuravion.fr). 

Voir la bio »
Velina Negovanska

Velina Negovanska

Velina Negovanska est psychologue clinicienne, docteur en psychologie et spécialisée dans le traitement des phobies et la gestion de l'anxiété. Elle est fondatrice du Centre de traitement de la peur de l'avion (www.peuravion.fr) et auteur du livre "Je n'ai plus peur de l'avion" aux éditions Dunod.

Voir la bio »

A l'approche des vacances, toujours plus de français s'apprêtent à se rendre à leurs destinations de villégiature par avion. Cependant, certaines personnes peuvent vite perdre leur calme et commencer à s'énerver à cette occasion. Comment expliquer que l'avion soit un lieu privilégié d’énervement ? 

Dr Velina Negovanska : Depuis plusieurs dizaines d'années, les psychologues ont en effet observé une étonnante propension des voyageurs à devenir agressif, ce phénomène est appelé "air rage". Dans la très grande majorité des cas, ces comportements sont liés à la peur de l'avion qui provoque la levée de nos freins sociaux. Pour faire simple, la peur laisse le cerveau des émotions s'exprimer et le cortex arrête de jouer son rôle de gardien des conventions sociales.

Quand le cortex est "éteint", les réponses rationnelles rassurantes ne sont par ailleurs plus d'aucun secours (c'est pour cela que l'on ne peut pas rassurer une personne qui a peur de l'avion en lui faisant remarquer que tout se passe bien), et le cerveau des émotions donne alors l'un de ces trois ordres : faire le mort (on reste dans ce cas prostré), fuir (on est très agité et on a besoin de bouger) ou se battre. L'énergie monte dans les avants-bras pour être prêt à donner des coups, comme si l'on devait affronter un lion, et c'est pour cela que de nombreux passagers écrasent leur accoudoir... C'est en fait leur cerveau des émotions qui leur donne l'ordre de se battre ! Le corps fournit par ailleurs l'énergie nécessaire à un effort physique en faisant accélérer les rythmes respiratoires et cardiaques.

Deux autres facteurs expliquent l'air rage, le premier est l'inconfort. Les chercheurs ont découvert un lien direct entre l'espacement entre les sièges et la fréquence du phénomène. Le deuxième facteur est plus étonnant : l'agressivité est quatre fois plus fréquente lorsque l'avion comporte une première classe dans l'avion ! Quand tous les passagers embarquent par les portes avant de l'avion, les voyageurs de Première Classe voient défiler l'ensemble des voyageurs moins chanceux qu'eux. Les occupants de la Seconde peuvent pour leur part constater la débauche d'espace et de confort de la Première Classe à laquelle ils n'auront pas accès. Dans ces conditions, la fréquence de l'air rage double en Seconde et est multipliée par douze en Première !

On le voit, de nombreux facteurs liés à la peur de l'avion, au confort et même aux inégalités sociales sont à l'origine de ces situations. Si l'on ajoute la consommation d'alcool et ses effets désinhibiteurs, 

Quel est le pourcentage et quels sont les motifs de craintes des Français ? Quelles sont les peurs dont ils souffrent à l'idée de prendre l'avion ? Existe-t-il des traitements ? Comment ces différentes peurs peuvent-elles être prises en charge ? 

Dr Velina Negovanska : On estime que 20% de la population souffre de la peur de l'avion, de l'inconfort jusqu'à l'incapacité à voyager. Les typologies de peur sont variées mais on peur en déterminer 4 catégories :

- peur du crash et de mourir avec tous les aspects techniques (turbulences, pannes...),
- mauvaise gestion de l'anxiété qui se traduit par "la peur d'avoir peur", avec des difficultés parfois des semaines avant chaque vol et éventuellement des symptômes physiologiques (cœur qui s'accélère, mains moites, bouffées d'angoisse...),
- le besoin de contrôle, dans ce cas c'est le fait de ne pas maîtriser la situation ou d'avoir l'impression de ne pas pouvoir agir qui pose problème,
- les autres phobies sans lien avec l'avion mais qui empêchent de le prendre et qui ont des conséquences également dans la vie quotidienne : claustrophobie, peur du vide, peur des microbes...

Ces différentes peurs peuvent s'accumuler mais elles ne se soignent pas de la même manière. Les trois premières catégories de peur se soignent bien dans le cadre des stages comprenant trois éléments : l'intervention d'un psychologue, une formation technique par un pilote de ligne puis une mise en situation dans un simulateur de vol. Le but est d'obtenir des réponses rassurantes, de faire en sorte que ces réponses prennent le dessus sur les pensées catastrophe (c'est le rôle de la psychologue avec les techniques cognitives), puis de marquer le cerveau des émotions de manière positive grâce au simulateur de vol donne. Celui-ci donne une information visuelle, et voir qu'un avion est capable de planer dans ces conditions ultra réalistes est bien plus puissant que de simplement savoir qu'un avion plane... Toutes les informations sont sur http://www.peuravion.fr
Les phobies spécifiques comme la claustrophobie obtiennent pour leur part les meilleurs résultats grâce à un suivi avec un psychologue formé aux thérapies comportementales et cognitives. Vous pourrez trouver un tel spécialiste sur http://www.aftcc.org/carte_membres

Concernant la prise de médicaments, leurs conséquences sont malheureusement nulles ou défavorables dans 89% des cas... en effet, un médicament ne change pas l'idée négative, et si l'on pense qu'une turbulence est dangereuse alors le meilleur décontractant du monde ne changera rien à nos idées.

Comment expliquer que les gens développent ce type de peurs ? Sont-elles rationnelles ?

Dr Velina Negovanska : Environ 40% des gens ayant peur de l'avion ont vécu une expérience traumatisante : vol turbulent, atterrissage dur, hôtesse qui fait la tête... Dans l'immense majorité des cas, il ne s'est rien passé de grave mais le passager passe un vol stressant. Une fois qu'un vol s'est mal passé, on arrive au vol suivant avec l'anxiété du voyage précédent, et la peur s'accroit ainsi avec le temps. Cela signifie aussi que 60% des personnes souffrant de cette peur ne peuvent pas identifier de point de départ à leurs difficultés, mais dans tous les cas elle se renforce avec le temps, les mauvaises expériences et les événements médiatisés.

Xavier Tytelman : Par définition, la peur de l'avion n'est pas rationnelle puisqu'il est statistiquement plus probable d'avoir un accident en marchant 5 minutes en ville plutôt qu'en traversant la moitié du monde en avion. Néanmoins, la peur de l'avion est souvent liée à des idées fausses qui rendent cette peur très rationnelle pour ceux qui en souffrent. Si l'on prend l'exemple des turbulences, de nombreuses personnes pensent qu'elles peuvent faire tomber l'avion jusqu'au sol ou qu'elles peuvent casser une aile. Dans les faits, une turbulence ne dépasse pas quelques dizaines de centimètres d'amplitude, mais avec la vitesse de l'avion on peut ressentir un sentiment de chute de plus de 10 mètres ! C'est comme en voiture, prenez un dos d'âne à 20 ou à 100 km/h, le ressenti ne sera absolument pas le même. Et bien en avion, on prend ces bosses à 800 km/h... Une fois que l'on a toutes les bonnes réponses comme celle-là, il est bien plus facile de redevenir rationnel.

Dr Velina Negovanska : Les voyageurs savent que le risque en avion n'est pas nul, mais il est infiniment plus faible que pour toute autre activité de notre vie quotidienne. Le but n'est donc pas de faire croire que le risque est inexistant, mais de remettre le risque à sa juste place, bien derrière le moindre trajet en voiture. Cette capacité à redevenir rationnel repose grandement sur la séance de simulateur de vol et sur les techniques cognitives qui permettent de "garder le cortex allumé" et d'apaiser le cerveau des émotions.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !