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Qui travaille  et qui gagne quoi ? Les lignes qui bougent... et celles qui bougent moins dans les couples
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Égalité homme/ femme

D'après une étude de l'Insee publiée la semaine dernière, 79% des Français estiment que les femmes devraient toujours pouvoir travailler lorsqu'elles le désirent. Il y a 40 ans, ils étaient bien moins nombreux.

Rachel Silvera

Rachel Silvera

Rachel Silvera est économiste, maîtresse de conférences à l'Université Paris-Nanterre et co-directrice du groupe de recherche MAGE (Marché du travail et genre)- CERLIS -Universitéde Paris. Elle a publié : Un quart en moins. Des femmes se battent pour en finir avec les inégalités de salaires, La Découverte, 2014. 

 
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Atlantico : D'après une étude de l'Insee publiée la semaine dernière, 79% des Français estiment que les femmes devraient toujours pouvoir travailler lorsqu'elles le désirent. Il y a 40 ans, si les hommes n'était pas opposé purement et simplement au travail des femmes, ils étaient 40% à estimer qu'elles ne devraient pas travailler avec des enfants en bas âges et 22% à estimer qu'elles ne devraient travailler qui si nécessaire.

L'étude de l'Insee montre une évolution très significative des opinions à l'égard du travail des femmes et ce peu importe le niveau d'étude, les différences de revenus ou encore le lieu de résidence. À quoi doit-on cette évolution des mentalités ? Est-ce dû majoritairement à une progression globale du niveau de diplôme ?

Rachel Silvera : Tout d'abord, il faut souligner le fait qu'il existe une progression considérable et que globalement, on voit que ce qui pouvait distinguer le point de vue des français sur ce sujet était notamment le niveau de diplômes, de revenus et de résidence. Il y a aujourd'hui un progrès global et pratiquement plus aucunes différences entre chaque catégorie. Si l'on est cadre ou ouvrier, quel que soit le niveau de revenus et de diplômes, le fait d'être favorable au travail des femmes traverse toute la société française. Cela s'explique par une évolution de la société, le fait que les femmes sont de plus en plus diplômées, et même si l'on sépare les faits des diplômes, on voit une nette évolution. Cela va au-delà des changements structurels de la société. Un autre facteur qui joue énormément est que les femmes ont toujours travaillé et travaillent plus encore. Ce que ne dit pas l'étude en revanche, c'est qu'il ne peut y avoir de croisement. Sur ce résultat-là, il faudrait savoir ce que les hommes des catégories "cadres" ou "non cadres" en pensent. Je me demande aussi pourquoi on demande cela aux français en général et pas au sujet du travail des hommes, cette idée que le travail serait un non-choix pour les hommes et un choix pour les femmes. Dans le gros des ménages, le salaire des femmes est vital !

Pourtant, si globalement le fait qu'une femme puisse travailler n'est plus remis en question, la question du revenu semble toujours diviser davantage. D'après une étude réalisée par l'Université anglaise de Bath, si les hommes sont soulagés lorsque leur épouse travaille et gagne jusqu'à 40% du revenu global du ménage, leur niveau de stress augmente lorsque ce revenu dépasse 40% des deux salaires cumulés. Si la question du travail des femmes est totalement acceptée alors comment expliquer que le cliché selon lequel l'homme doit pourvoir aux besoins de sa famille persiste ?

Il faudrait savoir, déjà, comment l'étude mesure le stress des hommes. Et puis on est en droit de se demander quel est le niveau de revenu dont on parle. Il y a un échantillon important, mais je ne sais pas si c'est contrôlé. Je ne sais pas non plus si dans les milieux modestes, la question se serait posée de la même façon.

Ce qui est sûr, néanmoins, c'est que ce n'est pas parce que les femmes travaillent, ont des emplois salariés, que les mentalités sont complètement égalitaires dans notre société. La place des uns et des autres reste encore très marquée. Certes, travailler et avoir des enfants ne choque plus, mais il n'empêche qu'on attend encore des femmes qu'elles effectuent plus de travail domestique par exemple. Ce sont encore les mères qui gardent les jeunes enfants de moins de 3 ans même si elles travaillent. Travailler n'est donc pas le seul vecteur d'égalité au sein du couple et dans la société. 

La question du salaire est une des questions centrales quand on évoque l'égalité hommes-femmes, parce que c'est le nerf de l'autonomie individuelle. Certains modèles américains permettent de comprendre les négociations au sein des couples, en étudiant notamment la possibilité de divorcer. Plus les revenus et les diplômes des femmes sont élevés, plus elles sont en capacité de dire non et de s'opposer. Le niveau de vie et le niveau de diplôme jouent dans ces questions. Symboliquement, les hommes peuvent y voir la menace de perdre le cœur des décisions. Donc les résultats du test ne sont pas surprenants de ce point de vue. Quand on parle des hauts revenus en particulier, la symbolique du salaire est plus importante. 

Quelles conséquences tirer de ces études en terme d'évolution des mœurs dans la société ?

On va s'orienter vers des modèles de compensation. Dans ce type de modèles idéaux, un des deux conjoints commence à progresser dans sa carrière et laisse la place, lorsqu'il a atteint le niveau souhaité, à l'autre. Pour l'instant, le modèle n'est pas mis en place. Il n'y a pas de pays égalitaires pour le moment de ce point de vue-là. La première étude montre qu'on n'en est plus à s'interroger sur le fait que les femmes travaillent. L'évolution qui avait déjà été observée se poursuit donc. Il n'y a pas de remise en cause sociétale à ce niveau-là. Après, si la deuxième étude a été bien contrôlée et est scientifiquement valable, elle est bien sûr contradictoire.

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