Qui a voté quoi au premier tour ? Radioscopie des leçons d’un scrutin<!-- --> | Atlantico.fr
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Un électeur s'apprête à voter pour les élections législatives.
Un électeur s'apprête à voter pour les élections législatives.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Législatives 2024

L'analyse des résultats du premier tour des législatives permet d'en apprendre plus sur le profil et les spécificités des électeurs qui se sont mobilisés pour chaque formation politique.

Stewart Chau

Stewart Chau

Stewart Chau est Directeur d’études chez Verian.

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Atlantico : Au lendemain du premier tour des élections législatives anticipées, quels sont les premiers enseignements qu’il est possible de tirer, au regard notamment du vote des catégories professionnelles (actifs et retraités) et des grands ensembles politiques ?

Stewart Chau : Commençons par rappeler que cette élection se démarque par une hausse de la participation qui est tout à la fois phénoménale et historique. C’est un point d’autant plus important à souligner que nous avons souvent parlé d’une démocratie dévitalisée en France, alors que les électeurs se sont très fortement mobilisés ce week-end. Cela s’explique, je crois, par un phénomène assez important et qui tient à la perception de l’enjeu. Dès lors que les Français identifient l’enjeu et qu’ils le jugent suffisamment important, ils ont tendance à participer. C’est d’ailleurs l’une des questions essentielles de cet entre-deux tours : comment l’enjeu sera-t-il défini ou perçu ? Faut-il penser qu’il s’agira du front républicain, dont on entend de plus en plus parler, qui pourrait pousser les uns et les autres à se mobiliser pour faire barrage au Rassemblement national ou est-ce qu’il s'agira à l’inverse d’exprimer un mécontemement à l’encontre du président de la République ? Il pourrait aussi s’agir de donner un second souffle à de nombreux députés modérés, qui pourraient donc soutenir le bloc central qui s’est réduit comme peau de chagrin aujourd’hui. C’est aux trois blocs qui ont émergé de le définir et il leur revient donc d’être le plus audible pour convaincre les électeurs de se rendre aux urnes le 7 juillet.

Autre point important, concernant la participation à cette élection législative anticipée : elle s’est faite de façon non différenciée, ce qui signifie qu’aucun parti n’en a profité plus qu'un autre. Ils ont tous fait le plein d’électeurs au sein de leurs socles traditionnels respectifs. La gauche a retrouvé un leadership incontesté sur les électeurs les plus jeunes, puisqu’elle a réussi à convaincre plus de 40% des moins de 35 ans, tandis que l’ancienne majorité présidentielle a performé chez les plus de 65 ans. Ses résultats, cependant, sont à nuancer puisqu’elle est challengée par le Rassemblement national sur l’ensemble des catégories de la population française. Le RN, pour sa part, a su capitaliser sur un socle électoral correspondant assez à la France salariée, de celle des ouvriers et des employées, à celle plus rurale où elle est incontestablement devant les autres. C’est précisément ce qui lui a permis de grimper autant dans les scores, car elle a su conquérir des électorats généralement plus hermétiques à son discours, notamment les dirigeants d’entreprises et les cadres, qui ont été plus de 21% à voter en sa faveur. Ils étaient 26% à voter pour le NFP, ce qui signifie que nous sommes peu ou prou dans la marge d’erreur sur ce pan de population. 

C’est d’autant plus étonnant que les cadres constituent généralement un électorat modéré, prompt à voter pour des formations de centre-gauche ou de centre-droit. Le fait que le RN arrive à capter autant de ces électeurs illustre combien il est en train de devenir un parti “attrape-tout”.



Quels sont les principaux ressorts qui expliquent les tendances de vote à cette élection ? Comment expliquer, par exemple, le poids du diplôme dans le choix d’une famille politique ?

Cela rejoint ce que nous disions précédemment : le vote Rassemblement national est de moins en moins typé. C’est précisément ce que j’appelle le phénomène de “l’attrape-tout’, qui correspond au moment où un parti politique devient si fort sur son socle qu’il est capable d’attirer à lui un certain nombre de tranches de la population qui lui étaient initialement très hermétiques. Une partie conséquente de ceux là n’auraient jamais envisagé de voter RN il y a de cela quelques années.Encore une fois, c’est la capacité du mouvement de Marine Le Pen à définir l’enjeu de l’élection qui a joué.Si, pour les plus diplômés, pour les catégories sociales les plus favorisées, le RN apparaît comme le moins pire dans la hiérarchie des périls (face à un Emmanuel Macron détesté et une gauche qui inquiète en raison de sa radicalité), on en arrive à une situation où il devient sociologiquement plus simple de se porter vers le vote RN. Par contestation ou par adhésion.

En l’état la dynamique électorale est claire : plus l’on est diplômé, plus l’on a tendance à voter en faveur du NFP. Moins on l’est, plus on a tendance à voter pour le Rassemblement national. Pour autant, la différence entre les plus diplômés votant NFP et les moins diplômés votant RN a tendance à se diluer avec le temps. Elle représente aussi un clivage géographique puisque c’est dans les grandes métropoles, et je pense avant tout à Paris où l’on retrouve un grand bassin d’étudiants pour certains très diplômés ou originaires de CSP plus aisées, que l’on vote le plus pour le NFP. Il y a un biais de diplôme, évidemment, mais il est aussi géographique et territorial.

A quoi ces enseignements doivent-ils nous préparer, en vue du second tour qui se tiendra ce dimanche 7 juillet ?

L’un des enseignements qu’il faut tirer en vue du second tour, c’est bien que le front républicain que l’on a connu traditionnellement est aujourd’hui largement mis à mal. Le Rassemblement national n’a jamais été autant perçu comme un non-danger pour la République et la démocratie en France, ce qui est une première depuis que nous avons commencé à faire, avec le journal Le Monde, un baromètre à ce sujet dans les années 80. 

Pour la première fois, une majorité des électeurs considère que le RN n’est pas un danger pour nos institutions. Il y a donc une forme de dilution de la rhétorique du front républicain, à laquelle le camp présidentielle essaie aujourd’hui de se raccrocher. D’autant plus qu’il a tenté d’entretenir une forme de confusion en mettant un signe égal entre l’extrême gauche et l’extrême droite, relativisant se faisant le vote Rassemblement national.

Dernier point important : le phénomène de rejet qui entoure la France insoumise, à gauche comme à droite. Un certain nombre des candidats issus de la FI ne parviendront pas à remporter un nombre suffisant de voies, faute de pouvoir compter sur celles des modérés de gauche ou de droite qui refuseraient de se reporter sur une figure issue du parti de Jean-Luc Mélenchon, même pour faire barrage au Rassemblement National.

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