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Le tatouage électronique sera-t-il l'innovation numérique de l'année 2013 ?
Le tatouage électronique sera-t-il l'innovation numérique de l'année 2013 ?
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Trend numérique

Le forum Netexplo, qui se tient jusqu'à vendredi soir au siège de l'UNESCO à Paris, présente les dernières tendances numériques mondiales.

Julien Lévy

Julien Lévy

Julien Lévy est professeur affilié à HEC et directeur de la filiale E-business.

Auteur du "Mercator: théorie et pratique du marketing" aux Editions Dunod

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Atlantico : Le forum Netexplo qui se déroule à l'Unesco à Paris jusqu'à ce soir (parution demain matin sur le site) a retenu 100 innovations numériques. Y a t-il des tendances qui se dessinent cette année ? Lesquelles ? 

Julien Lévy : Il est toujours difficile de déduire des tendances d'un ensemble très riche d'innovations, issues des quatre coins du monde, provenant de startups, d'universités, d'associations et sur des sujets les plus variés. Et pourtant, dans cette diversité, on voit des lignes de force et nous en avons présenté six au total, autour de trois grands thèmes. 

Le premier de ces thèmes, c'est "ma vie dans le cloud", qui ne porte pas tellement sur la dimension informatique du cloud (le fait qu'on délocalise et qu'on mutualise les ressources et les capacités de traitement informatique) que sur ses usages. On voit beaucoup de projets fondés sur l'idée d'un cloud bienveillant, des ressources et des actions en ligne, disponibles ou réalisées en ligne, qui sont là pour prendre soin de vos objets, de votre santé, de vous, qui vous guident et vous réconfortent. C'est la tendance "Cloud Care".

Parmi de nombreux exemples, CareSquare, une startup belge qui favorise le maintien à domicile de personnes âgées dépendantes, en les reliant à de nombreuses ressources dans le réseau, et à un suivi par différents interlocuteurs.Le complément à ce cloud qui veille, c'est le cloud qui surveille, tendance qu'on a appelée "crowd cop", quand "big brother" devient "your brother"... mais pour votre bien ! On devient acteur de la surveillance (pour dénoncer ou mobiliser par exemple) ou objet de la surveillance, par exemple quand la reconnaissance faciale est utilisée à grande échelle, ou quand on accepte d'être soi-même surveillé, en échange de services personnalisés ou de bénéfices variés. Cette "surveillance bienveillante" est éminemment ambiguë. 

Le deuxième thème, "ma vie au-delà des apparences", répond à la généralisation de l'"intelligence collective", de l'opinion publique en ligne, des avis de consommateurs... Les avis d'experts "institutionnels" sont durablement décrédibilisés mais l'opinion publique en ligne, n'est ni si transparente, ni si vertueuse qu'on pouvait le penser. Nous savons bien qu'elle entraîne une masse d'informations fausses ou trompeuses et l'utilisation du Web 2.0 par un marketing 2.0 fait craindre que cette intelligence collective soit utilisée et manipulée. Les conséquences, ce sont de nombreux projets qui cherchent à "revenir aux faits" – notre troisième tendance – que ce soit pour dégonfler le "crowd-enfumage" (faux comptes Twitter par exemple), les fausses informations que nous recevons, valider les opinions en ligne. Mais il n'est pas sûr que ces tentatives soient toujours convaincantes. Au-delà des apparences, signifie également au-delà des sens, c'est-à-dire "décoder le réel" – notre quatrième tendance – grâce à la technologie. C'est l'extraordinaire inventivité des innovations qui décodent le réel pour des personnes qui ont un handicap sensoriel, ou bien la matière, et même jusqu'au corps d'autrui comme PVI qui, en analysant le son de la voix, peut diagnostiquer une maladie de Parkinson et définir son état d'avancement. Cas typique d'innovation technologique remarquable, à la portée thérapeutique considérable, et qui ouvre une voie effrayante, consistant à décoder le corps d'autrui pour savoir sur sa pensée, son comportement, sa santé, ce qu'il ne peut plus cacher.

Enfin, dernier thème, "ma vie sans frontière" s'intéresse à toutes les initiatives qui cherchent à repenser l'interface homme / machine pour la rendre la plus fluide et transparente possible (le "sans couture") et, prolongation de cette tendance, la dernière qu'on a appelée "immanence" qui consiste à vivre dans un monde où le "on" et le "off line" sont tellement intégrés, que cette distinction perd son sens, du jeu vidéo qui pénètre le traitement thérapeutique, au "doudou pour adulte" (mais oui !), sorte de coussin anthropomorphe dans lequel on glisse son smartphone, qui permet de parler au téléphone à un être cher en le serrant contre soi, en entendant le battement de son cœur qui est reproduit par l'analyse du ton de la voix... (serre-t-on le doudou ou la personne distante réincarnée ?). Ce qui est fascinant dans ces tendances, c'est qu'elles sont toutes ambiguës, apportant de grands avantages et soulevant de grandes interrogations quant aux conséquences inquiétantes qu'elles peuvent entraîner.

Comment est réalisée l'étude des tendances ?

Je reçois un grand nombre de dossiers, d'innovations documentées, et je pars souvent avec des hypothèses. Souvent, mes hypothèses sont totalement fausses. Par exemple, j'étais persuadé qu'on verrait une tendance "disconnect", comme se libérer et s'effacer des réseaux par exemple, mais nous n'avons rien vu de cela dans les dossiers qui remontaient et la tendance a été enterrée. Dans d'autres cas, une tendance s'impose d'elle-même par la multiplicité des dossiers sur le sujet, c'est le cas de l'immanence. Quand on pense tenir une tendance, on se plonge dans les dossiers qui sont censés l'illustrer, parfois on voit qu'ils ne confortent pas la tendance (il ne faut peut-être la rattacher à ce thème, ou bien la tendance est beaucoup plus fragile qu'on le pensait), dans d'autres cas, on voit apparaître des aspects qui complexifient l'enjeu et qui rendent la tendance en fait plus intéressante. 

Une tendance est en fait une interprétation, elle est donc nécessairement subjective, mais elle se nourrit et se confronte aux faits – la richesse des innovations que nous identifions à travers le monde –, et elle n'est donc pas arbitraire. Ce jeu entre faits et concepts est très stimulant. Nous ne faisons pas de prospective : nous sommes bien incapables de vous dire ce que sera l'avenir dans cinq ans. Nous essayons de détecter les tendances d'aujourd'hui, dont certaines vont s'amplifier, d'autres avorter, d'autres encore évoluer. Au total, les six tendances couvrent les deux tiers du Netexplo 100, ce qui me semble une bonne couverture – et cela n'avait guère de sens de rajouter par exemple une septième tendance pour "caser" 5% de plus de dossiers – et neuf des innovations du top ten.

Quels sont les moyens utilisés en amont par Netexplo afin de trouver et de réunir les innovations numériques du monde entier ? 

Netexplo a constitué un réseau de capteurs à travers le monde. Plus de 20 experts, généralement des universitaires, aidés de leurs classes d'étudiants, ont pour tâche d'identifier des projets originaux et exemplaires qui utilisent les technologies de l'information. Dans certains cas, comme les tatouages électroniques, ce sont des innovations technologiques qui ouvrent un champ considérable d'usages, dans d'autres, ce sont des usages très pertinents d'un technologie low tech. Ces capteurs, répartis en Afrique, en Amérique latine, du Nord, en Asie, en Europe, bref sur tous les continents ont remonté près de 1 000 innovations. Chacune est étudiée, beaucoup sont recalées assez vite, d'autres font l'objet d'investigations plus poussées, on réduit l'ensemble, on arbitre, on discute entre "experts" et finalement on n'en retient que 100. Sur ces 100, un panel d'expert élit le top 10, et parmi ce top 10, les partenaires de Netexplo élisent le Netexplo de l'année – qui a été décerné cette année, à juste titre, aux tatouages électroniques.

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