Quel avenir pour l'UE ? Voilà pourquoi 2022 pourrait être une année clé pour l'Europe<!-- --> | Atlantico.fr
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La conférence sur l’avenir de l’Europe s’est conclue samedi dernier après un an de travaux.
La conférence sur l’avenir de l’Europe s’est conclue samedi dernier après un an de travaux.
©OLIVIER HOSLET / POOL / AFP

Institutions européennes

Alors que la Conférence sur l'avenir de l'Europe s'est conclue samedi dernier, 300 propositions élaborées par les citoyens qui y participaient ont été retenues. Dans la foulée, le Parlement européen a adopté une procédure permettant d'envisager une révision des traités. Mais pour quoi faire et avec quelles chances de succès ?

Guillaume Klossa

Guillaume Klossa

Penseur et acteur du projet européen, dirigeant et essayiste, Guillaume Klossa a fondé le think tank européen EuropaNova, le programme des « European Young Leaders » et dirigé l’Union européenne de Radiotélévision / eurovision. Proche du président Juncker, il a été conseiller spécial chargé de l’intelligence artificielle du vice-président Commission européenne Andrus Ansip après avoir été conseiller de Jean-Pierre Jouyet durant la dernière présidence française de l’Union européenne et sherpa du groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe (Conseil européen) pendant la dernière grande crise économique et financière. Il est coprésident du mouvement civique transnational Civico Europa à l’origine de l’appel du 9 mai 2016 pour une Renaissance européenne et de la consultation WeEuropeans (38 millions de citoyens touchés dans 27 pays et en 25 langues). Il enseigne ou a enseigné à Sciences-Po Paris, au Collège d’Europe, à HEC et à l’ENA.

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Atlantico : La conférence sur l’avenir de l’Europe s’est conclue samedi dernier après un an de travaux. Les résultats seront présentés aux chefs d’État et de gouvernement de l’Union le 9 mai mais on connaît déjà un certain nombre de propositions qui ont été sélectionnées par les citoyens. Quels premiers enseignements tirés de cette conférence ?

Guillaume Klossa : L’enseignement majeur de la conférence sur l’avenir de l’Europe, c’est que quand on fait réfléchir dans la durée des citoyens de l’Union, tirés au sort et sans expérience ou engagement européens antérieurs, représentatifs de la diversité des sensibilités politiques et nationales de l’Union, et qu’on les met en situation de penser l’intérêt général européen, ils font des propositions pour approfondir et rendre plus puissante l’Union européenne dans le sens d'une plus grande souveraineté et autnomie stratégique européennes et non pour limiter son action.

Il est remarquable de noter que la quasi-totalité des citoyens qui ont été tirés au sort ont accepté de participer à l’exercice de la conférence et qu’une de leurs demandes est de généraliser cette expérience, qu’ils considèrent comme transformatrice, à l’ensemble des citoyens européens et de créer un processus d’association continue des citoyens à la préparation des décisions européennes. Ils déplorent également le manque d’une éducation civique européenne commune essentielle pour se projeter collectivement et éprouver cette citoyenneté européenne qui, loin de s’opposer à leur citoyenneté nationale, la complète. Cette expérience est également pour eux l’occasion de développer un sentiment d’appartenance remarquable.

Les demandes exprimées par les citoyens européens vont dans le sens du renforcement des compétences de l’Union sur des sujets longtemps considérés comme des sujets essentiellement nationaux comme la santé, le social, l’éducation, la défense, la politique étrangère et sur lesquels ils estiment que très souvent le bon échelon d’action est le niveau européen.

Ils souhaitent également une Union qui se transforme en une véritable démocratie transnationale et plurilingue capable de décider rapidement. Ils souhaitent des processus de décision plus efficaces, plus rapides et qui dépendent moins de l’unanimité des États membres. Leur souhait est de transformer l’Europe en véritable démocratie apte à prendre des décisions rapides dans un vaste domaine de compétences allant de la fiscalité au numérique.

Le moment que nous vivons actuellement pourrait-il permettre un renouveau pour l’avenir de l’Union Européenne ?

Les crises que nous connaissons depuis cinq ans ont mis en avant la nécessité des Européens de réagir de manière unie et rapide sur des sujets qui n’étaient pas au cœur des compétences de l’Union Européenne : domaines sanitaire, social, industriel, numérique, énergétique et militaire plus récemment. Aucun des États membres, y compris la France et l’Allemagne, n’auraient été en mesure de réagir efficacement seuls face à ces crises. On voit d’ailleurs comme le Royaume-Uni se retrouve désormais à la marge sur tous ces sujets, et devient tantôt un satellite des Etats-Unis, tantôt de l’Union européenne.

Ces crises ont contribué à accélérer la prise de conscience d’une solidarité profonde entre les sociétés des Etats membres.

La crise ukrainienne a fait par ailleurs comprendre aux citoyens de l’Union qu’il existait une véritable société européenne partageant des valeurs communes et des intérêts profonds partagés, c’est un choc majeur de conscience.

La convergence de ces deux dynamiques crée un momentum européen, une fenêtre d’opportunité historique. Il s’agit moins de permettre un renouveau de l’Union européenne - elle s’est profondément transformée depuis 5 ans - que de donner à l’Union les moyens de se transformer en une véritable grande puissance démocratique, écologique, sociale, culturelle et industrielle dans un monde en mutation radicale au sein duquel la taille critique est un facteur majeur d’influence. C’est cette perspective que le président Emmanuel Macron a tracée avec justesse lors de la présentation des priorités de la présidence française du Conseil de l’Union européenne en décembre dernier.

Comment accueille-t-on les dynamiques soulevées par cette consultation tant au niveau national qu’au sein des institutions européennes?

Au niveau national, ce qui est frappant, c’est qu’il y a une attente, au sein d’une majorité d’États membres, pour une plus grande intégration européenne sur des sujets comme la défense, la politique étrangère, la santé ou la démocratie. Paradoxalement, cela va à l’encontre de beaucoup de positions et surtout d'intérêts électoraux, souvent opportunistes, de partis politiques nationaux, de droite comme de gauche. De manière générale, on observe dans tous les Etats membres une opinion publique européenne plus favorable à l’intégration que ne le sont les partis politiques.

Au sein des institutions, on observe une forte dynamique politique notamment au sein du Parlement européen. Cinq des principaux groupes politiques du Parlement européen (les conservateurs, les socialistes et démocratiques européens, les verts, les libéraux et la gauche européenne) se sont prononcés pour la résolution appelant à une convention dans le but d’adapter les institutions à une nouvelle donne politique, géopolitique, écologique et sociale et renforcer l’intégration européenne.

Pour que cette convention soit prise en compte, il faudrait que 14 des 27 des États-membres se prononcent en faveur. Aujourd’hui, 10 ont fait comprendre qu'ils étaient prêts à soutenir la convention dans la foulée de l’important discours du premier ministre italien Mario Draghi au Parlement européen mardi. Au moins quatre autres devraient exprimer un avis favorable dans les semaines qui viennent. Il devrait donc y avoir lors de la réunion des chefs d’Etat et de gouvernement de juin une majorité au sein du Conseil européen pour appeler à une convention qui ouvre la voie a une réforme des traités.

Quel rôle la France peut-elle jouer ? De quelle dynamique Emmanuel Macron peut-il bénéficier ?

Dans ce contexte, le président de la République française, à un moment où la France préside le conseil de l’Union européenne, a une carte historique à jouer pour proposer à ses partenaires la perspective d’une modernisation des institutions qui passe à la fois par une meilleure utilisation des potentialités des traités existants et une réforme ciblée des traités dans des domaines clés comme la santé, le numérique, la dimension sociale, la défense, l'énergie ou la politique étrangère dans le sens d'une autonomie stratégique accrue de l'Union européenne. La déclaration des chefs d'Etat et de gouvernement faite à Versailles le 11 mars dernier appelant à un renforcement des capacités de défense, à une réduction de la dépendance énergétique et à la construction d'une base économique européenne plus solide, a préparé les esprits à cette réforme.

Le discours qu’Emmanuel Macron doit prononcer lundi à Strasbourg  à l’occasion de la clôture de la conférence sur l’avenir de l’Europe est dès lors très attendu.

Le président de la République bénéfice à la fois de la légitimité que lui donne la présidence du Conseil de l’Union européenne que la France exerce jusqu’en juin et qui lui donne la responsabilité de s’exprimer au nom du Conseil, mais aussi de la dynamique politique de sa réélection et plus généralement de celle de l’opinion publique européenne majoritairement en faveur d’un renforcement de l’Union.

Dans la dynamique actuelle, que penser de ceux qui veulent changer l’Europe par la désobéissance comme c’est le cas de Jean-Luc Mélenchon et de NUPES ?

Dans les faits, la plupart des revendications de Mélenchon depuis 15 ans ont été mises en place au niveau européen : la BCE a adapté à partir de 2012 et le quoi qu’il en coûte de Mario Draghi sa politique monétaire pour en faire une politique de soutien aux économies et à la baisse du chômage rompant avec l’orthodoxie antérieure. L’Union Européenne a montré qu’elle pouvait être solidaire en mettant en place un grand plan de relance qui a soutenu les États les plus fragilisés, elle a prouvé qu’elle pouvait être sociale en mettant en place un programme de soutien à la lutte contre le chômage partiel de près de 100 milliards d’euros bien plus ambitieux que ce qu’avaient préconisés les économistes les plus à gauche, elle a prouvé qu’elle pouvait être sanitaire en permettant à tous les citoyens d’accéder aux vaccins... L’Union est également à l’avant-garde de la transition écologique mondiale, loin devant les autres puissances. Elle a fait une pause sur les accords commerciaux internationaux voire en a bloqué.

Tout cela répond aux attentes profondes des citoyens européens et s’inscrit dans une dynamique de maturation politique et de transformation continue de l’Union. L’Union d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celle de 2005 a laquelle implicitement se réfère constamment Mélenchon.

Si l’on doit utiliser une image, l’Union arrive à la fin de son adolescence et est en train d’entrer dans l’âge adulte.

Dès lors, quel est le sens de la désobéissance pronée par Mélenchon, si ce n’est un slogan électoral, lorsque les institutions montrent qu’elles sont flexibles et qu’elles intègrent les nouvelles réalités politiques, économiques, écologiques et sociales ? Ce n’est qu’une posture politique par rapport à un débat français polarisé de manière excessive sur la question européenne et qui est complètement décalé par rapport à ce qui se passe dans la réalité.

On entend bien ce désir de plus d’Europe exprimés par les citoyens mais comment préserver la ligne de crête avec l’intérêt pour l’état nation que l’on sait aussi très fort dans les différents pays européens? Comment concilier les deux approches dans ce moment charnière ?

C’est tout l’objet de la convention de la réforme des institutions qui pourrait être décidée à l’occasion du Conseil européen de juin prochain. Je pense que la bonne approche est de ne pas se positionner de manière théorique par rapport à l’intérêt des Etats nations ou de celui des institutions européennes mais de manière plus concrète par rapport aux défis qui doivent être relevés et aux biens communs qui doivent être produits dans l’intérêt des citoyens en matière de sécurité, de santé, de démocratie, de protection sociale, de transformation écologique, de disponibilité énergétique, de cohésion sociale...  

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