Quand tout se dissout… partis, hommes politiques, idées : les leçons du déclin de la IVe République<!-- --> | Atlantico.fr
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Marianne, symbole de la République
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Retour sur le passé

Le marasme politique actuel rappelle, au premier abord, une autre situation, celle de la fin de la IVe République avec son cortège de gouvernements impopulaires, d'alliances éphémères et d'hommes politiques en perte de vitesse. Soixante ans après, le contexte semble le même.

Atlantico : Les résultats du premier tour des élections municipales témoignent d'un désaveu des Français vis-à-vis de leur système politique. L'ambiance politique actuelle a-t-elle des points communs avec celle qu'a connue la IVe République au moment de son déclin ?

Jean Petaux : Je ne le pense pas du tout. Si je reprends les termes de votre question le mot « désaveu » me semble extrêmement fort et disproportionné par rapport à la réalité. Les chiffres de la Direction générale des collectivités locales (DGCL) du Ministère de l’Intérieur (rapport 2013) indiquent que sur les 36 681 communes françaises, 947 seulement ont plus de 10 000 habitants, soit 2,58%. Le Front national n’a présenté ses listes que dans moins d’une de ces communes sur deux aux élections municipales. Et parmi ces 450 villes où il s’est « compté » en quelque sorte, les dix doigts des deux mains suffiront largement pour dénombrer les mairies qui seront dirigées par une majorité FN au soir du dimanche 30 mars. Où est-il le « désaveu par rapport au système politique » à partir de ces faits précis ? Plus de 30 000 communes sur les 36 681 sont d’ores et déjà exonérées de second tour : leurs conseils municipaux ont été élus complètement dimanche dernier. Parmi les villages et villes de plus de 1000 habitants où la modification de mode de scrutin impliquait les « listes bloquées » (9800 communes) une seule (Gironde-sur-Dropt, 1136 habitants) n’a vu aucune liste se présenter. Mieux encore : pour la première fois dans les villages de moins de 1000 habitants, la déclaration de candidature était obligatoire. Seule une petite centaine de ces villages n’a pas enregistré le nombre de suffisants de candidatures pour « remplir » les conseils municipaux. Contrairement à une idée communément répandue il n’y a aucune difficulté à trouver des candidats à la fonction d’élus dans ces villages. Le fait que la loi fixe désormais le nombre de conseillers dans les communes de moins de 100 habitants à 7 au lieu de 9 a d’ailleurs parfois posé de vrais problèmes pour savoir qui allaient être les deux « sortant.e.s » absent.e.s du futur conseil.

On peut, bien entendu, évoquer un autre fait qui est celui de l’abstention « record ». Certes le premier tour des Municipales 2014 montre une progression de l’abstention, pour une consultation qui avec l’élection présidentielle est toujours la plus « participante ». Mais cette montée de l’abstention n’est aucunement propre à la France et elle est générale et progressive depuis plus de 25 ans désormais dans toutes les élections. Rien de spectaculairement nouveau donc.

Vous avez, à mes yeux, raison sur un point en revanche : c’est la référence à une « ambiance politique »… Le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle n’est pas placée sous le signe de l’irénisme et marquée par un optimisme foncier. Mais cela n’a rien à voir avec celle que la France a pu connaitre entre  1956 et 1958 (fin de la IVème République). Raison pour laquelle la référence à une quelconque crise de régime me semble tout à fait inappropriée.

Jean Garrigues : Le point commun entre la situation actuelle et celle qu'a connue la Ive République, c'est évidemment une crise de confiance envers les partis politiques et les gouvernants. A l'époque, l'instabilité gouvernementale était chronique et la classe politique se trouvait dans l'incapacité de résoudre la crise algérienne. On peut ainsi établir un parallèle entre l'incapacité des élites à résoudre les problèmes qui se posent à notre société mais aussi en termes d'alternance des partis de gouvernement.

Pourtant quel que soit le régime, les Français n'ont pas toujours été défiants vis-à-vis de leurs gouvernants. En période de construction ou de reconstruction, lorsqu'un grand dessein leur était proposé, les Français avaient confiance. Ce fut le cas au début de la IIIe République lorsqu'il s'agissait de construire la démocratie parlementaire, au début de la IVe République où il s'agissait de reconstruire la France et de mettre en place l'Etat providence, et au début de la Ve République aux côtés du général De Gaulle où il s'agissait de redonner une place à la France sur la scène internationale. Aujourd'hui, il manque aux Français, un discours mobilisateur et rassembleur et des objectifs de long terme.

Dans quoi la IVe République s'est abîmée et en quoi cela permet-il de comprendre la situation dans laquelle la France se trouve aujourd'hui ?

Jean Garrigues : En raison du système parlementaire et de la structure politique extrêmement fragmentée, les majorités de gouvernement n'étaient possible que dans des consensus extrêmement négociés. Il s'agissait de compromis plutôt que de véritables programmes de gouvernement. Ce qui explique la faiblesse de cette IVe République. Malgré les différences institutionnelles de la Ve République, nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation similaire. Nous retrouvons en effet cette impression d'un tronc commun des partis de gouvernement. Avec aux extrêmes de la vie politique, des partis - comme le Front de gauche et le Front national - rejetant ce tronc commun. Cela ressemble à ce qui se passait sous la IVe République où l'on parlait déjà d'une troisième force. Des gouvernements d'alliance se formaient entre gauche, centre et droite modérée. Et au deux extrêmes, vous trouviez, d'un côté les gaullistes et de l'autre côté les communistes. Aujourd'hui, nous sommes dans une situation sur le fond des programmes, où il y a ce que Marine Le Pen appelle "l'UMPS",  un rapprochement incontestable, surtout depuis le pacte de responsabilité, entre les positions du PS et celles de l'UMP. Et aux deux extrêmes, ces positions sont contestées par d'un côté le FN et le FG. Avec des fonctionnements institutionnels très différents, on se retrouve avec des géographies politiques qui ne sont pas si éloignées que cela.

Jean Petaux : La chute de la IVe République est véritablement un naufrage consécutif à une « crise de régime ». La France, contrairement à de nombreux pays démocratiques comparables, a connu depuis 1789 pléthore de systèmes politiques. Dans le désordre : cinq constitutions « républicaines », un « consulat », deux « empires », une « monarchie constitutionnelle », une « monarchie absolue mais tempérée », un régime « fasciste à la française » (Vichy) : bref les crises de régimes n’ont pas manqué en 225 ans. Dans la quasi-totalité des cas ces changements se sont opérés à la suite soit de renversements violents du pouvoir en place, soit de « coups d’Etat », soit  consécutivement à une défaite nationale consécutivement à une guerre (1870 et 1940). En 1958, dans la crise du 13 mai qui va conduire à la nomination à la présidence du Conseil du général de Gaulle de la part de René Coty on n’est dans aucune de ces configurations, mais on n’en est pas loin non plus… La IVe République, mal née constitutionnellement, a survécu douze ans à trois malformations politiques et institutionnelles « congénitales » : 1) de par le système politique dit de « Troisième force » les deux plus grandes formations politiques des années 1947 – 1952 (le PCF et le RPF) sont quasiment exclues de la vie politique nationale ; 2) la question coloniale (dès 1945 en Indochine mais on pourrait dire aussi d’ailleurs à Madagascar et bien sûr dès les massacres de Sétif le 8 mai 1945, jour de la fin de Seconde guerre mondiale) se pose très vite et c’est à une série de défaites politiques (et militaires) chroniques que le régime va être confronté pendant ses 12 ans de fonctionnement ; 3) l’instabilité politique et gouvernementale permanente confère à la haute fonction publique française les rênes de la gouvernance de l’Etat : elle va d’ailleurs merveilleusement s’acquitter de sa tâche dans une œuvre de reconstruction nationale que les acteurs politiques de la Ve République vont systématiquement minorer. Ces trois déficits politiques et institutionnels cumulés vont aboutir à une déliquescence structurelle qu’une prolongation de l’expérience modernisatrice et réformatrice du mendésisme (18 juin 1954 – fin janvier 1955) aurait peut-être permis d’éviter. Il aura suffi qu’un « simulacre » de tentative de coup d’Etat (opération « Résurrection ») se présente face à ce « grand corps malade » qu’est devenue la IVe République en mai 1958 pour que le régime politique s’écroule, pacifiquement en métropole il faut le rappeler, en moins de trois semaines. Là encore il n’y a rien de commun avec la situation actuelle. Nul, aujourd’hui ne conteste les institutions de la Ve République. Les tenants d’une VIe République ont remballé leur projet au rayon des inventeurs du « concours Lépine constitutionnel ». C’est peut-être là d’ailleurs que réside l’une des clefs du mal-être actuel en France : l’absence de véritable solution alternative « radicale » au sens de « radicalement différente » de ce qui est proposé. Seule la sortie de l’Europe (et donc de la zone euro) peut paraître comme un choix très différent mais du fait de sa spécificité financière et économique il n’apparaît même pas comme un « contre-projet politique global ».

Marine Le Pen dénonce régulièrement le système UMPS mais les thèmes de l'euro, de l'Europe, de la mondialisation semblent fracturer le cœur même des partis. Peut-on encore parler au sein des partis de blocs idéologiquement unis ?

Jean Garrigues : Les deux grands partis de gouvernement sont traversés en interne par une contestation du modèle dominant qui est un modèle "européiste", libéral. Certaines sont des contestations protectionnistes, c'est le cas par exemple d'Arnaud Montebourg au Parti socialiste et dans l'espace de la droite d'un homme comme Nicolas Dupont-Aignant. Ces contestations se rapprochent des positions du Front national sur la conception de l'europeo-centrisme de nos politiques. De la même manière, à gauche du parti socialiste, on peut considérer que le courant qui se reconnait dans la lutte des classes et dans une sorte de priorité à un traitement social de la crise économique, se rapproche du Front de gauche. On peut donc se demander s'il n'y a pas plus de proximité entre le courant que peuvent représenter  Benoît Hamon ou Marie-Noëlle Lienemann et le Front de gauche qu'avec Manuel Valls. Ces tensions se retrouvent à l'UMP entre la droite forte, la droite sociale et la droite républicaine qui se réclame de Jacques Chirac.

Au fond, cela a toujours existé. Les gauches comme les droites ont toujours été plurielles et cela ne les a pas empêchées de former des majorités relativement homogènes. Néanmoins, depuis les années 1980, une nouvelle force modifie la vie politique française depuis, ce sont Les Verts. On voit bien que cela complique l'espace politique de la gauche : les Verts sont aujourd'hui le principal problème d'une éventuelle recomposition de la gauche. L'élection de 2012 a permis de faire passer au second plan les tiraillements ou les tensions existantes au sein des gauches. Mais comme toujours en période de défaite, les tensions réapparaissent. Là, le choix est nécessaire entre les différents courants de la gauche et il est fondamental. Je dirais même que ce choix est déjà tracé, et ce , depuis l'annonce du pacte de responsabilité. Au fond, ce choix est celui d'un certain conformisme européen qui reflète une sorte de conversion aux lois du marché. Le problème est que ce choix n'est pas compris par les Français, il est même refusé par une grande partie des électeurs de gauche puisqu'ils se sont abstenus. Quel que soit le gouvernement issu du remaniement, il sera d'emblée désavoué par une grande partie de l'électorat de la gauche. En lançant ce pacte de responsabilité avant les élections municipales, François Hollande s'est privé d'une marge de manoeuvre qui aurait pu le conduire vers autre chose.

Jean Petaux : Vous avez raison de pointer les « courants » et les « sensibilités » qui partagent les grandes formations politiques françaises. Cela a toujours existé. Au PS, depuis 1971 et surtout depuis les « Assises du Socialisme » en 1974 et le ralliement au PS de Michel Rocard et de ceux qu’on a alors appelé les « Cathos de gauche », François Mitterrand et les siens ont très vite parlé de « la deuxième gauche » pour stigmatiser ces « convertis » que pour des raisons historiques on ne pouvait nommer « Néo-socialistes ». À l’UMP,  fondée en 2004 par Alain Juppé, la réunification d’une partie des « droites »  (RPR d’un côté et UDF de l’autre) a aussi fondu deux visions très différentes de la construction européenne. On se souvient d’ailleurs en octobre 1992, pour le Traité de Maastricht, comment Jacques Chirac qui a appelé à voter « oui » et Philippe Seguin (qui pourtant allait soutenir Chirac dans le duel interne au sein du RPR  contre Balladur, en 1994-95) se sont opposés, Seguin étant un des chantres (talentueux) du « non » au Traité fondant l’Union européenne. Donc ces clivages ont toujours existé. Le 23 avril 1972, Georges Pompidou, fin tacticien, pour fractionner dans l’œuf la toute nouvelle « Union de la Gauche » rassemblant le PCF, le PS et le MRG (par ordre de puissance alors) organise un référendum sur l’adhésion du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark à la CEE. Cela ne s’est jamais reproduit depuis d’ailleurs en France. Le président Pompidou espère alors enfoncer un coin entre les positions diamétralement opposées du PS mitterrandien « europhile » et le PCF de Marchais très hostile à « l’Europe des marchés ». L’affaire va faire long feu mais la question européenne a été instrumentalisée à des fins purement politiques nationales. C’est classique, cela se reproduira plusieurs fois. En fait, même lors du clivage interne au PS lors du référendum sur le TCE le 29 mai 2005 lorsque Laurent Fabius, pour de strictes considérations tactiques dans la compétition interne pour la désignation du candidat à la présidentielle de 2007, appellera à voter « non », cette « fracture » ne laissera pas de traces durables. J’aurais tendance à dire que ces clivages au sein du PS et de l’UMP, pour réels qu’ils soient, sont aussi des « postures », des marqueurs symboliques qui permettent de se différencier de tel ou tel concurrent interne. Les acteurs politiques s’emparent de sujets inscrits à l’agenda et constituent en quelque sorte une « pelote », un petit « fond de commerce » qui les place sous la lumière des projecteurs le temps de pousser leur ritournelle… Arnaud Montebourg, chantre de la démondialisation pendant la campagne des « primaires citoyennes » de l’automne 2013 est certes le champion du « made in France » depuis qu’il est au gouvernement, mais que pèse le port de la marinière face aux prises de position françaises dans l’accord de libre-échange qui se négocie en ce moment entre l’UE et les USA ? J’aurais donc tendance à répondre à votre question sur l’unité (ou l’absence d’unité) idéologique des partis politiques par la proposition suivante : « le ciment des partis politiques aujourd’hui en France c’est l’ambition partagée d’une victoire à l’élection présidentielle à venir, seule véritable clef de voute de la vie politique française et pas autre chose, surtout pas l’idéologie ». À moins que ce ne soit « l’idéologie de la gagne », celle qui fait croire, pour paraphraser Louis Althusser, qu’elle n’est justement pas une idéologie alors qu’elle en est la forme la plus rusée.

Émoi suscité par la promulgation de la loi pour le mariage pour tous, incapacité du gouvernement à apporter des réponses en particulier au problème du chômage, classe politiques décrédibilisée par les "affaires" etc. Le contexte actuel est-il comparable à celui de 1956 ? Où s'arrête la comparaison entre la situation de la 4e et celle que nous traversons actuellement ?

Jean Garrigues : Non, le contexte actuel n'est pas comparable, car en 1958, il n'y avait pas de crise mondiale. Au contraire, le pays connaissait une période de croissance et la prospérité est le principal élément de la confiance. La sortie de crise de la IVe République se fait autour d'un homme providentiel, la figure du général De Gaulle. Mais la figure de Nicolas Sarkozy ne pourra pas remplir cette fonction. Par ailleurs, la solution à la crise de 1958 était franco-française. Le général De Gaulle en résolvant la question algérienne et en transformant les institutions, trouve une issue à la crise de la IVe République. Aujourdhui, la sortie de crise dépend de facteurs qui sont essentiellement européens, voire internationaux. La France n'a pas les cartes en main pour sortir le pays de la crise. Nous sommes dans une situation beaucoup plus problématique. S'il y a des solutions franco-française sur le modèle de ce fait Matteo Renzi en Italie, elles demandent précisément une rupture claire entre celui qui détient le pouvoir, François Hollande en l'occurrence, et sa famille politique.

Jean Petaux :Je me méfie toujours des rapprochements entre des situations présentes et des événements survenus dans un passé plus ou moins proche. J’ai déjà dit, plus haut, combien la période de 1956-1958 ne me semblait pas du tout comparable à celle d’aujourd’hui. Dans le même ordre d’idées, la comparaison qui a pu être faite lors des manifestations contre « le mariage pour tous », avec le climat pré-insurrectionnel de février 1934 confinait réellement au ridicule. Il est toujours tentant de se « repasser » le film des événements passés. D’une part on joue à se faire peur, d’autre part on pense trouver les remèdes aux problèmes dans la manière avec lesquelles les crises antérieures ont été résolues. Mais dans la réalité les choses ne se déroulent pas ainsi. Ce serait trop simple (ou bien alors trop tragique…). Qu’il y ait des situations analogiques c’est possible mais cela ne veut pas dire qu’elles sont identiques. L’émoi suscité par la loi pour le « mariage pour tous » n’a concerné qu’une toute petite partie des électeurs, ceux qui se sont mobilisés. J’aurais tendance à dire que les conséquences du débat sur les « rythmes scolaires » ont eu bien plus d’effets dans la structuration du rapport « droite-gauche », surtout dans un pays où l’école primaire est plus considérée comme une garderie fonctionnant pendant le temps de travail des deux parents (en France 8 femmes sur 10 travaillent,  en Allemagne 4 sur 10). Sans parler de l’augmentation des impôts qui a touché un nombre croissant de contribuables salariés, « ficelés » à leurs revenus déclarés et donc immédiatement « tondables »… Alors cela peut paraître très matérialiste comme ressort comportemental et peu « raccord » avec une société française qui adorerait se fracasser sur des débats « éthiques », « philosophiques » et « politiques ».

S’il y a une comparaison avec 1956 c’est peut-être celle-ci : les Français d’alors voulaient goûter aux fruits de la croissance toute neuve, s’équiper en électro-ménager, ramener leur « DS Citroën » du Salon de l’Auto (plus prosaïquement d’ailleurs leur « 2 CV »…), ils n’en avaient pas grand-chose à faire de la survie de l’Empire français, étaient vraiment peu désireux d’envoyer leurs fils, au titre du « contingent » servir en Algérie et ont, tout simplement, été très vite reconnaissant au général de Gaulle, à partir de 1960, de les « débarrasser » de ce « lourd fardeau ». « La Corrèze avant le Zambèze » disait déjà le journaliste de Paris-Match, Raymond Cartier, justement en 1956, plaidant ainsi pour un retour aux priorités françaises en France. Peut-être qu’à ce titre il y aurait une analogie avec la situation actuelle : l’aspiration à une satisfaction des intérêts individuels contre les grands projets collectifs et les grandes ambitions à horizons lointains, considérées comme vaines…

Traversons-nous actuellement une crise de régime ? Peut-on aujourd'hui tirer des leçons de la manière dont nous sommes sortis de cette crise en 1958 ? Quelles sont les alternatives ?

Jean Garrigues : La crise de régime est une crise de dysfonctionnement de la Ve république. On peut considérer qu'il y a une crise de régime dans le sens où la présidentialisation ne suffit plus. La structure voulue par le général De Gaulle, avec un président de la République investi de larges pouvoir avec une majorité de gouvernement à l'Assemblée, ne suffit pas à trouver les clés d'une crise morale, sociale et collective qui se pose à la classe politique dans son ensemble. Cela peut aussi susciter une réflexion de transformation de notre espace politique, de transformation institutionnelle. Nous sommes dans une impasse de la présidentialisation. On peut faire le constat que dans trois grands pays voisins qui vivent sur des systèmes parlementaires, les solutions qui sont apportées semblent mieux fonctionner qu'en France.

Jean Petaux : Il n’y a pas de crise de régime aujourd’hui, dans la France de mars 2014. Il y a sans doute une évolution très profonde dans le rapport à la décision politique et à l’art de gouverner (aussi bien à l’égard des élus locaux que des parlementaires ou du président de la République) et/ou dans la relation aux institutions (dans tous les sens et la complexité du terme). La sortie de la crise en 1958 a été constitutionnelle, parce que la crise était de nature institutionnelle et politique  et, j’ose dire, « conjoncturelle ». De nos jours la crise est sans doute plus profonde et grave parce qu’elle à la fois structurelle et généralisée : sociale, économique, financière, technologique, environnementale, culturelle, sanitaire, etc. Cette énumération n’est pas ordonnée par importance puisque tout est important ici et que tout « fait système » et dans le temps et dans l’espace. C’est en ce sens qu’un projet alternatif n’a pas encore émergé, et que, sans reprendre le fameux « TINA » « There is no alternative » attribué à Margaret Thatcher, on peut, sans trop de risque d’être démenti considérer que ce qui prévaut aujourd’hui c’est plutôt « TINARN » : « There is no alternative, right now » que l’on pourrait traduire ainsi : « Il n’y a pas d’autre choix, pour le moment »… 

Pour lire le Hors-Série Atlantico, c'est ici : "France, encéphalogramme plat : Chronique d'une débâcle économique et politique"



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