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Quand la société est agressée par les enfants qu'elle n'a pas su protéger
©wikipédia

Retour de bâton

Les processus violents s’inscrivent tôt chez l’enfant. C'est pourquoi il faut se donner les moyens d’intervenir sur les conditions qui favorisent l’apparition de ce trouble, et ce dès la petite enfance.

Dominique Dumont

Dominique Dumont

Dominique Dumont est une journaliste belge.

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Maurice Berger

Le Docteur Maurice Berger est pédopsychiatre, ancien professeur associé de psychologie de l’enfant Université Lyon 2, responsable du diplôme universitaire « Expertise légale en pédopsychiatrie et psychologie clinique de l’enfant ». Il a publié en 2019 Sur la violence gratuite en France: Adolescents hyper-violents, témoignages et analyse (éditions de l'Artilleur). 

 

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De l’incivilité au terrorisme, comprendre la violence sans l’excuser : pourquoi avoir choisi de sortir ce livre maintenant?

Maurice Berger : Depuis 1979, notre équipe du CHU de Saint-Etienne étudie les causes des comportements violents qui débutent souvent dans l’enfance. En 1992, j’indiquais que nous allions "fabriquer" des milliers de futurs adultes qui se tourneraient vers diverses formes de violence. Mes conclusions n’étaient pas audibles à cause du déni dont cette question a fait l’objet jusqu’à récemment. Pour diffuser le fruit de notre travail, il a fallu attendre que la situation soit devenue à ce point grave qu’on ne puisse plus minimiser son ampleur.

J’ai donc choisi d’écrire un ouvrage accessible à tous et pas seulement aux professionnels de l’enfance parce que nous assistons à une très forte détérioration de la situation. Nous sommes confrontés à de plus en plus d’enfants violents, qui le deviennent de plus en plus tôt et qui frappent de plus en plus en fort. Les cas de violence gratuite, vandalisme et d’insultes se multiplient. Lorsqu’il y a un différend, on passe de plus en plus vite des insultes aux coups. A l’école, et même dès la crèche, les professionnels les plus anciens, ceux qui disposent d’un certain recul sont unanimes : les digues ont lâché.

Je ne vais citer qu’un exemple de comportement récent qui illustre l’impasse à laquelle nous sommes arrivés. Aujourd’hui, certains adolescents des quartiers dits sensibles déclarent "planifier" leur parcours de vie en s’octroyant une période pour "prendre du bon du temps" entre 10 et 25 ans, période pendant laquelle ils légitiment le vol avec agression physique, le racket, le trafic de drogue, les violences gratuites. Une véritable culture de quartier s’est construite ainsi autour d’un modèle que l’on peut résumer de la façon suivante : "On a le droit de consacrer des dizaines de milliers d’euros pour s’habiller en vêtements de marque et mener grand train dans le Midi, quels que soient les moyens employés pour générer les revenus". Après quoi, ces sujets s’imaginent rentrer dans le rang, fonder une famille, en considérant que tous leurs péchés seront lavés par la pratique religieuse qu’ils débuteront alors. Or cela est à la fois inacceptable et impossible.

Inacceptable car on ne peut pas ignorer les traces physiques et psychologiques laissées chez les victimes de ces agressions. Impossible car c’est entre 10 et 17 ans que l’on apprend un métier et à s’insérer dans la société. Quelle alternative proposer à ces générations qu’on a laissé dériver, en particulier en ne proposant pas une pédagogie adaptée à ses difficultés spécifiques d’apprentissage ? Comment remonétariser la valeur de l’effort ? Un tel pari n’est pas forcément perdu d’avance.

Comment entendez-vous réagir face à ce tsunami ?

Ce n’est pas un tsunami. Ce changement  s’est opéré petit à petit sous l’influence de divers facteurs tels qu’une structure familiale clanique ; l’exposition à des scènes de violence conjugale pendant les deux premières années de la vie ; la loi de 2007 réformant la protection de l’enfance qui s’est centrée sur l’adhésion des parents, fut-elle de surface, aux mesures éducatives proposées au lieu de se centrer sur la protection du développement affectif de l’enfant et sur la satisfaction de ses besoins fondamentaux, etc. 

Où situez-vous les processus liés à l’émergence des comportements violents ? 

Tout d’abord, il faut préciser qu’il ne s’agit pas d’agressivité, qui est  destinée à une personne précise, comme la jalousie d’un aîné à l’égard d’un puiné, et sensible à la parole. Ici, on parle d’une violence structurée dès l’enfance et qui n’est pas passagère.

Par simplifications journalistique, sociologique, politique, le "prêt à penser" cherche dans la précarité, dans le traumatisme de l’immigration, ou dans "l’identification à l’agresseur" les causes de la violence.

La précarité est un facteur de stress qui aggrave les difficultés éducatives des parents, mais elle ne les explique pas. Tous les parents en situation de précarité n’ont pas un enfant violent. Parallèlement, plus de 50% des parents d’enfants violents ont une situation financière tout à fait saine. Enfin, en cas de précarité, il faut aussi s’interroger sur ses causes. Est-elle liée à des facteurs extérieurs ou à la structure psychique des individus ?

Quant au traumatisme lié au racisme, ou dû à l’immigration, cet argument ne suffit pas. Car on constate qu’il existe une composante culturelle qui joue un rôle essentiel. La question est : comment une culture aide, ou pas, un sujet à contenir sa violence au sein de sa famille et en dehors d’elle. Par exemple, la culture de l’honneur peut s’exprimer de la même manière violente dans le pays d’origine et dans le pays d’accueil, où elle est alors inadéquate.

Il fallait donc aller plus avant. Plutôt que de nous contenter de juguler les crises de violence des sujets qui nous étaient adressés, avec des calmants en attendant la crise suivante, au cours de ces trente-cinq dernières années, nous avons préféré tenter de traiter la structure psychologique de ces sujets pendant plusieurs années. Ceci nous a permis de découvrir des dysfonctionnements psychiques inexplorés jusque-là. La psychanalyse ne nous permettait pas d’expliquer l’ensemble des processus observés. Il a fallu aller chercher aussi du côté de la théorie de l’attachement, des neurosciences, et même de l’anthropologie pour certains aspects culturels

Ainsi, la question de la culture d’origine ne peut pas être éludée lorsqu’on constate qu’un des facteurs principaux de la violence réside dans l’exposition des enfants aux scènes de violence conjugale. Elle s’inscrit particulièrement dans le psychisme de l’enfant dès les six premiers mois de vie. Cette exposition au cours des quatre premières années constitue même le premier facteur prédictif de troubles post-traumatiques dont la violence explosive est une des conséquences. C’est pourquoi toute culture construite autour de l’inégalité entre les hommes et les femmes peut être à l’origine de violences conjugales et par là même produire de la violence chez les enfants et les adolescents. Dans le Centre éducatif renforcé où je travaille, 70% des jeunes qui sont admis pour des faits de violence grave, ont été, avant toute chose, abimés par l’exposition à des scènes de violence répétitives entre leurs parents pendant les deux premières années de leur vie sans avoir été frappés eux-mêmes.

A cela, il faut ajouter les effets extrêmement délétères de la négligence sur le développement de l’enfant. La négligence, forme de maltraitance  sournoise, c’est quand on ne parle pas à un enfant petit, quand on ne lui sourit pas, quand on ne le porte pas, quand on ne le regarde pas. C’est aussi  quand on ne joue pas avec lui, alors que le jeu permet de transformer la violence de l’enfant en "comme si". Rien d’étonnant dès lors à constater que les jeunes violents n’ont, le plus souvent, pas acquis le faire semblant.

D’une manière générale, déclarer qu’on aime son nourrisson ne suffit pas à satisfaire ses besoins affectifs. Un bébé a plus besoin d’être rassuré, que d’être aimé.  Il a un besoin vital, au niveau psychique, de se sentir en sécurité, et certains parents disent aimer leur enfant, ce qui est exact, mais sont incapables de se décentrer d’eux-mêmes. Ils ont eu une enfance tellement désastreuse qu’ils n’ont pas d’ "enfant en eux" qui leur permette de sentir le besoin qu’éprouve leur enfant d’être pris dans leurs bras pour se calmer. Et on est là devant le facteur causal le plus important : l’histoire personnelle des parents. L’enfant, lui, a besoin de disposer d’un adulte bienveillant à proximité, stable, qui perçoit et répond rapidement à ses besoins. C’est cette personne qui apaise le bébé et lui offre le cadre nécessaire pour se développer normalement.

S’il ne dispose pas de cet adulte dit "figure d’attachement sécurisante", l’enfant petit est angoissé. Or nous savons qu’un bébé ne peut pas réguler tout seul ses émotions de colère, de peur. Il lui faut pour cela disposer d’un adulte capable de le rassurer en le prenant dans les bras et en lui parlant. Mais il existe une période critique d’ouverture du cerveau à cette corégulation des émotions, génétiquement programmée entre 8 et 24 mois. Passé ce délai, l’enfant aura beaucoup de difficultés à réguler sa violence et pourra présenter ultérieurement une forte impulsivité.

Par ailleurs, dès la naissance, tout ce que perçoit un enfant laisse une trace neuronale. De 0 à 24 mois, l’enfant va voir ses connections synaptiques se multiplier de façon fulgurante. Dans un second temps que l’on appelle l’élagage synaptique, entre 3 et 6 ans, deux tiers de ces connections vont disparaître au rythme de trois millions par seconde : les connections les plus utilisées vont se renforcer au détriment des autres qui seront éliminées. C’est ainsi que les images et les sensations traumatiques seront stockées et pourront resurgir en lui sous la forme de l’image d’un parent violent qui le fait agir sans qu’il puisse se contrôler.

Plus encore, le stress, à travers l’impact de l’augmentation du cortisol qu’il provoque, peut compromettre le développement de certaines zones du cerveau comme l’amygdale ou l’hippocampe qui sont déterminantes dans la régulation des comportements violents. Les mauvais traitements et les négligences subies dans la petite enfance peuvent même perturber l’expression d’un gène (NR3C1) régulateur du stress.

Les perspectives que laissent entrevoir ces découvertes scientifiques semblent en porte-à-faux avec une certaine forme d’idéologie qui guide nos conceptions de la parentalité, ainsi que nos pratiques judiciaires. La famille évolue et on a parfois le sentiment que l’enfant devient le parent pauvre…

Je pense que nous ne sortirons pas de l’impasse tant que nous ne remettrons pas en question certains de nos principes. Le Québec est en pointe en matière de protection de l’enfance. Mais ce fut au prix d’une mise à plat complète du système dans les années 1970 grâce à la fameuse enquête des "trente mille". Celle-ci avait été initiée par les familles d’accueil désemparées par les insurmontables troubles du comportement des enfants de 2 ou 3 ans qui leur étaient confiés. Les résultats de ce travail ont mis en évidence  l’évolution catastrophique de la plupart de ces enfants  vers une déficience intellectuelle, une errance, des troubles psychiatriques, de la délinquance avec de la criminalité… A partir de là, les autorités ont décidé de reconfigurer l’ensemble des dispositifs, à commencer par la loi, en les centrant sur les besoins de l’enfant.

En France, la loi de mars 2016 élaborée avec l’aide d’experts étrangers vient d’indiquer que le but premier de la protection de l’enfance est de garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel, et social, sa sécurité, etc. Et les décrets d’application insistent sur la nécessité de la stabilité de son parcours de vie. Jusqu’à présent, on avait préféré bricoler, aménager de façon ponctuelle, ce qui a fini par conduire à des incohérences. Le futur nous dira comment cette loi sera utilisée. Mais même avec cette loi de 2016, des incohérences subsisteront en cas de séparation ou de divorce d’un couple parental, puisqu’en matière d’autorité parentale, un juge peut prendre une décision de résidence alternée précoce, ce qui est incompatible avec le besoin de stabilité des personnes et des lieux d’un enfant petit, et nous ne savons pas traiter les troubles que risque d’induire cette discontinuité.

Centrer notre action sur les besoins de l’enfant, c’est reconnaître la théorie de l’attachement, qui est en réalité un ensemble d’observations cliniques théorisées. Or la théorie de l’attachement, dont les origines remontent à l’enquête commandée en 1951 par l’OMS à John Bowlby sur les liens entre carences de soins maternels et troubles mentaux dans l’immédiat après-guerre, a encore du mal à être acceptée.

Premièrement, elle met à mal la théorie de la précarité. En Angleterre, la loi sur la protection de l’enfance, le Children Act, attribue plus d’importance à la pauvreté psychologique des parents qu’à la précarité matérielle.

Ensuite, certains psychanalystes français éprouvent toujours des difficultés à prendre en compte l’importance de l’attachement. Pourtant, les spécialistes de l’attachement  insistent sur le fait que la nécessité pour l’enfant d’éprouver un sentiment de sécurité depuis sa naissance n’est pas antinomique par rapport à la construction de l’identité, la transformation des sentiments de colère et d’amour en ambivalence, etc. Mais on sait que ne pas avoir disposé d’une figure d’attachement sécurisante peut infiltrer toute la construction psychique ultérieure, qui peut être envahie par l’angoisse d’être abandonné ou incompris lorsqu’on émet un message.

Enfin, la théorie de l’attachement va à l’encontre de l’idéologie du lien biologique. Fondamentalement, elle est décentrée du biologique puisqu’elle va privilégier un lien avec la personne la plus à même de fournir une sécurité affective à un enfant, personne qui n’a pas forcément de lien de parenté avec lui. Simultanément, des enfants maltraités peuvent conserver des liens avec leur famille sans pour autant y être maintenus.

Prendre en considération la théorie de l’attachement, signifie aussi que la société s’engage à fournir les moyens pour remplir ce besoin de sécurité. C’est coûteux, mais cela coûte encore plus cher de ne pas le faire. Cela implique une prise de conscience et une réflexion au niveau sociétal, institutionnel, et politique. Regardez les chiffres mis en évidence par le Dr. Daniel Rousseau, pédopsychiatre, dans l’enquête longitudinale "Saint-Ex" qui porte sur l’évolution jusqu’à l’âge de 20 ans de 129 enfants placés avant l’âge de 4 ans suite à des dysfonctionnements éducatifs importants des parents. On y découvre que, lorsque le délai entre le signalement et le placement est inférieur à 10,1 mois, le coût moyen de la prise en charge d’un sujet est de 700 000 euros à 20 ans.Par contre si ce délai est supérieur  à 16,7 mois, le coût moyen grimpe à 2,5 millions d'euros , et cela sans avoir pris en considération les dommages subis par les victimes. Sans compter que plus les prises en charge interviennent tard, moins les résultats sont probants. C’est ainsi que la société se retrouve avec de plus en plus d’adolescents dits "incasables".

J’ai insisté dans cet ouvrage sur diverses mesures concrètes, dont certaines sont en rupture totale avec les pratiques actuelles, et qui pourtant me semblent essentielles pour désamorcer le cercle vicieux dans lequel sont plongés de nombreux enfants de génération en génération. Il faudrait investir massivement dans la prévention en petite enfance, dès la crèche. Le temps n’est pas notre allié. Les processus violents s’inscrivent tôt chez l’enfant. Il faut se donner les moyens d’intervenir sur les conditions qui favorisent l’apparition de ce trouble. Pour ceux qui malheureusement ne pourront pas en bénéficier, il faudrait une prise en charge précoce et efficace.

Faut-il y voir un changement dans le statut de l’enfant ?

Oui, nous avons perdu un repère essentiel, celui de la butée. En perdant les limites éducatives, nous avons engendré une catastrophe dans la société. Le statut des limites posées à l’enfant  s’est profondément détérioré. Ces limites sont désormais systématiquement tournées en dérision, à commencer par les médias qui portent-là une responsabilité importante. Cela a un impact considérable sur le statut des parents qui voient leur légitimité remise en cause. Ils ne trouvent plus d’étayage au sein de la société pour les soutenir dans une de leurs missions fondamentales, celle qui consiste à aider l’enfant à se civiliser, à domestiquer la violence naturelle présente chez beaucoup d’entre eux.

Sans compter que s’opposer de la sorte à son enfant implique la capacité de supporter de ne pas être aimé de lui, même ponctuellement. Pour y parvenir, il faut être suffisamment sûr de soi et disposer d’une certaine estime de soi. Avoir la société de son côté, comme c’était le cas, facilitait cette tâche qui incombe aux parents.

Au contraire, nous assistons à un lâchage culturel, un lâchage du groupe social sous la forme d’une "mentalité de groupe" sur la question de l’interdit. Aujourd’hui, celui qui défend la notion de limite éducative au bon sens du terme, est qualifié de "vieux schnock", de réactionnaire. Dans un contexte de dissolution du surmoi et de recherche du plaisir immédiat, bon nombre de parents qui parvenaient à poser des interdits cohérents mais non excessifs grâce aux valeurs transmises par le groupe extérieur et la crainte que l’enfant ne leur fasse honte - le "qu’en dira-t-on ?"- sont désormais privés de cette ressource.

Au niveau judiciaire, on raisonne comme avec des adolescents de 1945. Pourtant, beaucoup d’entre eux sont des sujets structurés  différemment. Et rencontrer des sursis multiples ne les aide en rien ! Dans la pratique, nous constatons que certains jeunes placés dans le quartier des mineurs en prison centrale sont  plus réceptifs au travail éducatif et plus capables de penser sur leurs sentiments et sur leur comportement parce qu’ils ont rencontré cette butée, ceci à condition qu’un adulte soit présent pour les écouter, et que leur séjour ne soit pas trop long sinon il existe le risque d’être inclus dans un réseau de trafiquants.

C’est pour cette raison que je plaide pour l’abaissement de la responsabilité pénale à 11 ans, en particulier dans les cas d’agression sexuelle (c'est-à-dire l'âge à partir duquel les mineurs sont considérés comme suffisamment âgés pour pouvoir commettre une infraction et pour être soumis à un droit pénal qui leur est spécifique. Il faut distinguer cette notion de la majorité pénale qui fixe l’âge à partir duquel un délinquant relève du droit pénal commun - ndlr), comme je le propose dans le dernier chapitre du livre intitulé "Maurice Berger délire".

Dans ce contexte, que pensez-vous de la disparition programmée de la fessée ?

Dans certaines circonstances, il est important d’avoir la possibilité d’administrer "une fessée tempérée" (il ne s’agit pas de gifler, ni d’humilier, ni de mettre une "rouste") lorsque c’est la seule butée que l’enfant prendra en compte, en particulier lorsqu’il nargue l’adulte et que tous les autres moyens éducatifs ont échoué. Dans un contexte d’éducation bienveillante, une seule fessée peut suffire "pour  la vie". La fessée matérialise, lorsque le reste a échoué, l’asymétrie saine et fondamentale entre adulte porteur d’interdits et enfant.

Le rôle des parents consiste, entre autres, à aider l’enfant à gérer son monde pulsionnel. Or c’est cela qui fait de plus en plus défaut dans notre société. Les enfants arrivent à l’école ou dans des structures parascolaires sans aucune maîtrise de leurs pulsions. Qu’il s’agisse des professeurs ou des entraineurs de foot, ces adultes parviennent de moins en moins à exercer leur mission, c’est-à-dire à transmettre, à enseigner car ils doivent d’abord tenir un rôle d’éducateur. Cela pénalise les générations actuelles d’enfants qui se voient ainsi privées de connaissances en raison de carences éducatives au niveau parental.

Pénaliser légalement la fessée ne fera qu’aggraver la situation sans pour autant freiner les parents très violents qui, de toute façon, ne prennent en compte que leur propre loi. Soyons sérieux, des générations d’enfants ont connu la fessée sans pour autant subir un traumatisme psychique durable. 

Une dernière question d’actualité. Que pensez-vous de la déradicalisation ?

Je n’ai jamais été en position d’exercer cette pratique, et je ne sais pas si elle est possible pour tous les sujets. Quelqu’un du ministère de l’Intérieur m’a posé la même question. Je lui ai répondu la même chose. Il m’a avoué que l’honnêteté de mon doute le rassurait plus que les certitudes brandies par beaucoup d’acteurs qui ont investi ce nouveau secteur. C’est bien avant d’en arriver là qu’il faut agir. Ca, j’en suis convaincu, car si on reprend l’histoire de la première "génération" de sujets radicalisés, Mohamed Merah à Toulouse, Medhi Nemmouche à Bruxelles, les frères Kouachi à Charlie Hebdo, Hayet Boumeddienne, la compagne de Coulibaly, le tueur de l’Hypercasher, etc., on se rend compte qu’ils ont été placés tardivement après avoir été exposés à des maltraitances et des négligences majeures, et que l’Etat islamique est attirant car il propose des certitudes "claires" concernant le bien et le mal à des sujets qui ont vécu dans un chaos éducatif qui les a empêchés de se construire un minimum de sens de l’identité. Malheureusement, la plupart des journalistes font débuter leurs difficultés au moment de leurs actes de délinquance à l’adolescence.

Propos recueillis par Dominique Dumont

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