Quand le Grexit s’éloigne, le Brexit s’approche<!-- --> | Atlantico.fr
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David Cameron a annoncé que le référendum britannique sur la sortie de l'Union européenne aura lieu en 2016.
David Cameron a annoncé que le référendum britannique sur la sortie de l'Union européenne aura lieu en 2016.
©Reuters

Effet domino

Une nouvelle loi de la physique ? Non : une pure logique économique et financière. Le Grexit - la sortie de la Grèce de la zone euro - aurait sans doute empêché le Brexit - la sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne. La réciproque pourrait être vraie : si le Grexit s’éloigne, le Brexit s’approche.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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D’abord, le Grexit aurait très affaibli la zone euro, conduisant à de fortes tensions monétaires et politiques au sein de la zone et de l’Union. Les taux d’intérêt auraient beaucoup monté au sud, Italie et Espagne, en France aussi, et baissé en Allemagne, au moins au début. L’euro aurait fléchi, inquiétant les investisseurs à long terme. Pour eux, il ne s’agit pas seulement de l’effet d’aubaine d’un euro plus faible pour exporter vers les Etats-Unis ou, depuis les Etats-Unis, pour acheter des entreprises européennes devenues moins chères. Il s’agit surtout du chamboulement d’un monde qui "devait" devenir tri-monétaire : dollar, euro et renminbi (la monnaie chinoise) et qui deviendrait subitement bi-monétaire : dollar et renminbi.

Ensuite, en cas de Grexit, la demande du Royaume-Uni de renégocier les Traités pour donner plus d’influence aux pays et moins "à Bruxelles", autrement dit pour s’éloigner d’une dynamique fédérale aurait pu, en apparence au moins, sembler facilitée. En apparence au moins, face à une Bruxelles affaiblie, une BCE secouée, une Allemagne cherchant ses marques et un sud apeuré. Economiquement et diplomatiquement, en effet, le Royaume-Uni est la bonne conscience libérale de l’Union Européenne, proche de l’Allemagne et souvent moins de cette France qui inquiète.

En cas de Grexit, deux voies peuvent alors s’ouvrir :

  • soit le renforcement des règles au sein de la zone euro, pour éviter que se reproduise le drame grec,
  • soit une nouvelle organisation des règles dans l’Union européenne, avec plus de prérogatives revenant aux états-nations, une coordination renforcée au niveau de l’Union et donc une autre, relativement affaiblie, à celui de la zone. La dynamique de l’Union passe alors par l’ouverture internationale, notamment par la signature des traités internationaux et la flexibilité des marchés, sous influence anglaise. Elle remplace la convergence par les règles en zone euro, sous influence allemande.

Mais aujourd’hui que le Grexit s’éloigne, au moins temporairement, et au-delà des rancœurs qui vont monter, la zone euro a montré une forte solidarité. L’engagement qui s’est manifesté par les plans de financement et les mesures demandées à la Grèce ne peuvent s’arrêter là. Et ne le doivent pas, au risque de courir à l’échec. Il s’agit certes de faire en sorte que la Grèce renforce ses capacités productives et change ses comportements fiscaux et sociaux. Ceci ne peut se faire que sous la pression des pairs, mais à la condition expresse que les pairs, eux aussi, changent.

Le sort de l’union monétaire est lié au sauvetage de la Grèce. La zone euro ne doit pas faire passer ses décisions récentes pour une opération punitive, mais avancer. Il ne s’agit pas de psychologie des peuples mais de rapprocher les objectifs, les moyens et les systèmes de surveillance, avec plus d’incitations à converger, pour tous. Ceci impliquera que le Conseil Ecofin soit plus puissant, dirigé par exemple par un Chef d’Etat ou de gouvernement. Ceci impliquera surtout que la stratégie européenne se renforce, notamment au niveau du Parlement européen, avec des échanges plus nourris avec les Parlements nationaux. Il peut s’agir de faire "descendre" plus de prérogatives au niveau national, le souci anglais, mais plus profondément de renforcer les liens stratégiques entre niveau européen et niveau national. Ce que l’Angleterre refuse.

Cette grille de lecture montre que rien n’est joué. La partie facile, tout étant relatif, celle des milliards de crédits, est en cours. Pour réussir, il s’agit de lier la sortie de crise de la Grèce au renforcement des liens au sein de la zone euro. Alors la position britannique devient très inconfortable, ce que les marchés financiers vont vite remarquer. La livre baisse, les taux anglais montent, les capitaux vont davantage vers les Etats-Unis, l’Asie ou même la zone euro. L’Ecosse fait entendre sa différence.

Il s’agira donc, dans les mois qui viennent, d’avoir deux fers au feu en zone euro. Premier fer : se renforcer pour éviter le Grexit. Deuxième fer : éviter le Brexit. Et là aussi, la solution, c’est de se renforcer !

Article également publié sur le blog de Jean-Paul Betbèze

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