Quand le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) semait la terreur en Occident<!-- --> | Atlantico.fr
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Terrorisme
Photo prise le 15 septembre 1974 à Paris après l'attentat contre le drugstore Publicis Saint-Germain impliquant le terroriste Ilich Ramirez, alias Carlos.
Photo prise le 15 septembre 1974 à Paris après l'attentat contre le drugstore Publicis Saint-Germain impliquant le terroriste Ilich Ramirez, alias Carlos.
©AFP

Bonnes feuilles

Clément Weill-Raynal publie « Rue Copernic L'Enquête sabotée 1980 2023 » aux Editions de l’Artilleur. Le 3 octobre 1980, une bombe d’une très forte puissance explosait devant la synagogue de la rue Copernic à Paris. Quatre personnes furent tuées, des dizaines d’autres blessées. Cet attentat antisémite a suscité une émotion considérable. Pourquoi, plus de quarante ans après l’attentat, l’affaire n’est toujours pas jugée ? Extrait 2/2.

Clément Weill-Raynal

Clément Weill-Raynal

Clément Weill-Raynal est journaliste, spécialiste des affaires judiciaires et auteur d’un document remarqué, Le fusillé du mur des cons. Il est l'auteur de la vidéo du "mur des cons" filmée au siège du Syndicat de la magistrature.

 

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L’ordonnance de non-lieu rendue par les juges d’instruction recèle d’autres particularités. Poursuivant leur raisonnement en faveur de Hassan Diab et s’inquiétant de possibles « manipulations de l’en‑ quête judiciaire », les juges s’interrogent sur la fiabilité des renseignements transmis par les Israéliens. Ils émettent l’hypothèse que ces derniers aient pu chercher à orienter les recherches vers le FPLP alors que d’autres pistes étaient envisageables. À cet égard, les magistrats écrivent : « Ces renseignements ciblent le FPLP-OS, émanation d’une organisation palestinienne, le FPLP, qui bénéficiait d’un certain crédit dans plusieurs pays occidentaux à la différence du groupe Abou Nidal, unanimement condamné pour ses actions terroristes et qui pouvait légitimement être soupçonné de cette attaque contre la synagogue de la rue Copernic compte tenu du mode opératoire et de la cible choisie. »

Ce dernier passage résonne étrangement. Afin de mettre en doute l’implication du FPLP – ou d’une de ses filiales – et suggérer qu’un autre groupe terroriste serait peut-être à l’origine de l’attentat, les magistrats semblent vouloir lui décerner un brevet de semi-respectabilité. En vertu de quelles actions le FPLP bénéficierait-il d’un « certain crédit » auprès de pays européens ? Comment serait-il envisageable de ne pas « condamner unanimement » les attentats qu’il a perpétrés depuis un demi-siècle ? Aucun système judiciaire occidental n’a jamais considéré que le FPLP fût un mouvement fréquentable. Aucun gouvernement ne leur a accordé la moindre reconnaissance. Et pour cause ! Le FPLP est encore aujourd’hui officiellement considéré comme une organisation terroriste par les États-Unis, l’Union européenne, le Canada, L’Australie et le Japon. Ses leaders ont toujours été persona non grata sur le territoire français, précisément en raison du caractère terroriste de l’organisation. Cette inscription du FPLP sur la liste noire de l’ensemble des pays occidentaux n’est pas de pure forme. Fondée en 1967 par le tristement célèbre Georges Habache, l’organisation d’inspiration marxiste a perpétré depuis un demi-siècle des dizaines d’attentats sanglants – en Israël mais aussi en Europe – dont certains ont eu un retentissement mondial. À ce titre, le groupe clan‑ destin est considéré comme l’un des précurseurs du terrorisme moderne. Est-il besoin de rappeler les plus marquants de ces attentats qui ont jalonné l’histoire du groupe terroriste palestinien ?

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Pourquoi l’histoire de l’attentat de la rue Copernic est aussi celle d’une gigantesque manipulation de l’opinion publique

Pour mémoire, on peut citer l’explosion en vol d’un avion de la Swissair à destination de Tel-Aviv, le 21 février 1970. Une bombe avait été placée dans la soute au départ de Zurich. Quarante-six morts. Six mois plus tard, en septembre 1970, le FPLP organise le plus grand détournement d’avion de toute l’histoire de l’aviation. Trois appareils de compagnies occidentales sont contraints de se dérouter et d’atterrir à Zarka en Jordanie. Plus de trois cents passagers sont retenus en otages. L’opération vise à obtenir la libération de terroristes palestiniens détenus dans des prisons européennes pour des attentats précédents. Sous la pression, les autorités des différents pays occidentaux concernés cèdent aux demandes des preneurs d’otages et libèrent les terroristes.

Le 26 mai 1972, un commando du FPLP ouvre le feu sur des touristes à l’aéroport de Lod, Tel-Aviv. Vingt-six personnes sont tuées dont dix-sept pèlerins chrétiens originaires de Porto Rico. À mettre aussi au crédit du FPLP, l’attentat aux jeux Olym‑ piques de Munich en 1972. Onze athlètes israéliens sont assassinés lors de la prise d’otages. La tuerie est revendiquée par un groupe palestinien baptisé « septembre noir ». On le sait aujourd’hui, derrière la façade de cette signature clandestine, le groupe septembre noir était l’émanation de plusieurs factions palestiniennes dont le FPLP qui y jouait un rôle prépondérant. C’est encore le FPLP qui est à l’origine en juillet 1976 du célèbre détournement de l’Airbus d’Air France sur Entebbe, en Ouganda. Lors de cette prise d’otages, les terroristes procédèrent à un tri sordide entre les passagers juifs et non juifs en se basant sur les prénoms et noms de famille relevés sur les passeports.

Le FPLP a frappé aussi en France. L’organisation terroriste avait à son service un homme de basses besognes particulièrement redoutable en la personne du terroriste international Ilich Ramirez Sanchez dit « Carlos ». De nationalité vénézuélienne, idéologue marxiste forcené, mégalomane et narcissique, fieffé antisémite, partisan de l’action violente, Carlos était dans les années 1980 responsable de la branche du FPLP chargée de commettre des attentats en Europe : grenade jetée au Drugstore Publicis de Saint-Germain-des-Prés, tir de roquettes contre un avion d’El Al à Orly, voiture piégée rue Marbeuf, bombes dans les TVG Marseille-Paris et le train Capitole Paris-Toulouse, assassinat de deux policiers de la DST rue Toullier à Paris… Dans une interview exclusive à un journal arabe lors de sa cavale, le chef terroriste s’est vanté d’avoir au cours de sa « carrière » tué quatre-vingts personnes. « Personne n’a exécuté plus de personnes que moi, dans la résistance palestinienne », a-t-il à nouveau fanfaronné lors de l’un de ses procès devant la cour d’assises spéciale de Paris, en 2017. Capturé en 1994, Carlos purge aujourd’hui plusieurs peines de réclusion criminelle à perpétuité. Il est incarcéré à la centrale de Poissy en région parisienne.

Opposé à tout accord de paix avec Israël, le FPLP n’a jamais renoncé à perpétrer des attentats contre l’État juif. Depuis le début de la seconde intifada, en septembre 2000, des dizaines de civils israéliens ont trouvé la mort et des centaines ont été blessés dans des opérations menées par cette organisation. Voilà donc, rappelé à grands traits, les états de service du groupe terroriste palestinien auquel les magistrats français ont accordé un « certain crédit » dans leur ordonnance de non-lieu en faveur de Hassan Diab.

On a beau chercher, difficile de comprendre ce qui a pu inciter les deux magistrats parisiens à accorder à cette organisation ne serait-ce qu’une once de crédit, qu’il soit politique ou moral. Le FPLP n’est assurément pas un rassemblement de guérilleros folkloriques mus par un gentil romantisme révolutionnaire et disposés à s’asseoir à la table des négociations à la première occasion. C’est un mouvement violent, fanatique et antisémite. Marxiste à l’origine, à une époque où cette idéologie semblait trouver un écho dans le monde arabe, il planifie aujourd’hui des attentats en coordination avec divers groupes djihadistes.

On ne voit vraiment pas quelle circonstance atténuante, quelle contingence historique pourrait conduire à ne pas condamner unanimement – pour reprendre la formulation de l’ordonnance de non-lieu – les attentats sanglants perpétrés par le FPLP au même titre que ceux commis par d’autres organisations terroristes. Et pour tout dire, on a du mal à saisir le raisonnement des juges visant à dédouaner Hassan Diab. Si le professeur de sociologie d’Ottawa est étranger à l’attentat de la rue Copernic, pour‑ quoi essayer de redorer le blason du FPLP d’une manière aussi peu conforme à la réalité des faits ? On n’imagine pas une seconde que des magistrats français aient voulu légitimer l’idéologie et encore moins les actions de l’organisation palestinienne. Est-ce parce que l’enquête a tout de même établi une proximité certaine de Hassan Diab avec ce groupe terroriste que les juges d’instruction ont alors suggéré – maladroitement – que la piste du FPLP n’était peut-être la bonne et qu’elle aurait été inspirée par des Israéliens animés d’obscurs desseins ? C’est en tout cas après avoir exposé tous ces arguments que les juges ont rendu leur non-lieu et laissé repartir l’universitaire canadien vers ses chères études.

Extrait du livre de Clément Weill-Raynal, «  Rue Copernic L'Enquête sabotée 1980 2023 », publié aux Editions de l’Artilleur

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