Quand la Chine menace la petite Lituanie dans l’indifférence de Bruxelles<!-- --> | Atlantico.fr
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Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian, répond à une question lors de la conférence de presse à Pékin, le 8 avril 2020.
Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian, répond à une question lors de la conférence de presse à Pékin, le 8 avril 2020.
©GREG BAKER / AFP

Emprise de Pékin

Selon des informations de Global Times, le ministre chinois des affaires étrangères, Wang Yi, a déclaré « que la Lituanie a renié la confiance, ignoré les représentations solennelles de la Chine et méprisé la justice internationale. Elle finira par en payer le prix ». Comment expliquer ces tensions entre les deux pays ?

Cyrille Bret

Cyrille Bret

Cyrille Bret enseigne à Sciences Po Paris.

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Atlantico : Comme le rapporte le Global Times, le ministre des affaires étrangères de la République populaire de Chine a déclaré « Le fait que la Lituanie porte atteinte à la souveraineté de la Chine en échange de prêts est immoral et dangereux. La Lituanie a renié la confiance, ignoré les représentations solennelles de la Chine et méprisé la justice internationale. Elle finira par en payer le prix ». A quoi sont dues les tensions entre la Chine et la Lituanie ?

Cyrille Bret : c’est la lutte de David contre Goliath ou d’un Lilliputien contre Gulliver. La République de Lituanie et la République Populaire de Chine ne jouent pas dans la même division des relations internationales. Les ordres de grandeur de la puissance sont incomparables sur tous les plans : démographique, économique, financier, territorial et technologique : 1,4 milliards de Chinois pour 2,7 millions de Lituaniens, soit à prirune petite ville chinoise ; un territoire de 9,5 millions de kilomètre carrés pour un bout de terre de 65 000 km² et surtout un PIB de 14 milliards de dollars avant la crise contre un PIB de 53 milliards de dollars. Pourtant, cette tension montre à quel point une action diplomatique résolue, conjuguée à une habile présence dans les médias internationale et une activation des alliances peut permettre à un tout petit pays de se hisser au rang si ce n’est de rival, du moins d’irritant.

Quelle action du petit Etat balte peut bien susciter l’ire du dragon chinois ? L’annonce de l’ouverture d’une représentation diplomatique lituanienne à Taipeh, capitale de l’île de Taïwan que la RPC considère comme un territoire rebelle depuis l’accession au pouvoir du Parti Communiste Chinois (PCC) à Pékin. C’est donc un défi lancé à la Chine de Xi Jinping engagée dans une rivalité internationale tous azimuts avec les Etats-Unis. En effet, la RPC fait peser une pression diplomatique et militaire constante sur l’ancienne Formose, surveillant toute velléité de creuser le fossé avec le continent. Mais elle intimide aussi régulièrement les Etats européens qui envoient des délégations officielles ou apportent leur soutien à Taïwan. On se souvient que la Tchéquie avait suscité la colère de Pékin en envoyant une délégation de haut niveau politique dans l’île et en resserant ses liens économique avec elle à l’été 2020. Aujourd’hui, c’est la Lituanie qui s’expose à des mesures de rétorsion.

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Liliput ne manque pas de panache face au Dragon.

Dans quelle mesure les menaces chinoises doivent-elles être prises au sérieux ? Quelles pourraient être les conséquences concrètes de la situation ?

Les conséquences seront immédiates et très solides quand il s’agit de la superpuissance chinoise. Le réseau diplomatique lituanien sera mis sous pression en Asie ; les exportations lituaniennes vers la Chine seront entravées ; et l’inclusion de cet Etat balte dans les projets relatifs aux routes de la soie (qui aboutissent en Biélorussie) contourneront assurément le territoire lituanien. Toutefois, l’économie lituanienne dépend très peu du commerce avec la Chine. Les premiers partenaires commerciaux sont régionaux et européens pour la Lituanie. L’Allemagne, l’Italie ou la France dépendent, elles, bien plus des investissements, des touristes et du commerce chinois. Elles ne pourraient pas braver aussi ouvertement Pékin.

en conséquence on peut considérer que David a calculé ses risques face au Dragon chinois. C’est du courage géopolitique mais pas une bravade irrationnelle.

L’Union européenne a-t-elle réagi à cette intimidation ? Peut-on espérer qu’elle le fasse fermement ?

Comme en atteste le document que vient de publier le Haut Représentant Borell pour fixer le cap de la diplomatie européenne, l’Union dans sont ensemble a une position plus nuancée envers la RPC. A raison, l’Union considère qu’elle ne peut se laisser entraîner dans la bipolarisation des relations internationales que l’affrontement Chine Etats-Unis esquisse. Les intérêts européens sont différents de ceux des Etats-Unis en matière de sécurité collective, d’investissements et de commerce. Les Européens savent également qu’ils feraient les frais d’un réchauffement des relations Washington Pékin qui n’est jamais impossible.

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L’Union européenne soutiendra naturellement la décision souveraine de la Lituanie tout en préservant sa position d’équilibre envers la Chine.

Toutefois, ce que souhaite faire la Lituanie par ce geste diplomatique plein de panache, c’est moins susciter le soutien de l’Union européenne que celui des Etats-Unis. Ancienne République Socialiste Soviétique (RSS) jusqu’en 1991, la Lituanie a rejoint l’UE pour développer son économie mais surtout l’OTAN pour assurer sa sécurité. Située à immédiate proximité de bases militaires russes très importantes, elle considère sa relation bilatérale avec les Etats-Unis comme sa principale assurance vie géopolitique.

Braver Pékin en prenant des risques économiques limités permet à Vilnius d’engranger un soutien américain particulièrement important aux yeux de la population lituanienne.

David peut se montrer très habile en bravant Goliath tout en se ménageant le soutien d’un autre géant géopolitique. Il faut donc rendre hommage au jeune ministre des affaires étrangères lituanien pour sa maîtrise de la valse diplomatique – à trois temps.

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