Quand la campagne des Régionales Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon s’invite à l’université de Toulouse<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président de l’Université Toulouse III, Bertrand Monthubert vient de démissionner de son poste pour être candidat aux régionales sur une liste PS.
Le président de l’Université Toulouse III, Bertrand Monthubert vient de démissionner de son poste pour être candidat  aux régionales sur une liste PS.
©Reuters

Gauche sans scrupule

L’université de Toulouse III-Paul Sabatier, enjeu d’une bataille politique ? La succession de son président, Bertrand Monthubert, pour cause de candidature aux régionales sous l’étiquette PS, promet d’être agitée. Trois candidats, dont l’un adoubé par Monthubert, se sont déclarés. Un jeu qui pourrait être troublé par la candidature de l’adjoint à la Santé du maire de Toulouse.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • Le président de l’Université Toulouse III, Bertrand Monthubert vient de démissionner de son poste pour être candidat  aux régionales sur une liste PS
  • Sa gestion est mise en cause dans un rapport du Haut conseil de l’évaluation, la recherche et l’enseignement supérieur (HCERES)  et par un ancien vice-président, François Couderc
  • Pour la première fois depuis 43 ans, l’Université présente une situation déficitaire : plus de 1 million d’euros en 2014. Contre un excédent de 9 millions en 2013
  • La campagne pour l’élection –le 30 novembre- du successeur de Bertrand Monthubert risque de déboucher sur un affrontement entre ses soutiens et la mairie de Toulouse. L’adjoint à la Santé de la municipalité (Les Républicains) devrait se porter candidat

L’affaire commence à faire du bruit. A Toulouse où la presse locale lui consacre de longs articles. A Paris, où le ministère de l’Education et le secrétariat d’Etat à l’Enseignement supérieur et à la recherche suivent ce dossier qui tient en quelques questions : comment se fait-il que l’université de Toulouse III-Paul Sabatier [du nom du prix Nobel de chimie en 1912] connaisse son premier déficit depuis 43 ans ? Comment se fait-il aussi que cet établissement qui compte 31 000 étudiants et 400 enseignants affiche un déficit de 1,2 million d’euros en 2014 alors que son excédent atteignait 9 millions d’euros en 2013 ? Précision : l’Université Paul Sabatier regroupe la faculté des sciences, celle de médecine, d’orthodontie, et celle du sport. Bref, elle fait partie du paysage intellectuel de la ville rose.

Seulement voilà : la campagne électorale  pour les régionales de décembre commence à pointer le bout de son nez en Midi-Pyrénées- Languedoc-Roussillon, où la droite qui voudrait profiter du déclin du PS dans le pays, ne va pas se priver de dénoncer la gestion de l’Université Paul Sabatier. C’est de bonne guerre. Surtout, lorsque celui qui est pointé du doigt n’est autre que le président sortant Bertrand Monthubert. Pourquoi ? C’est simple : ce mathématicien, ancien élève de Normale Sup’, proche d’Arnaud Montebourg, suppléant du député Gérard Bapt vient d’annoncer qu’il figurera sur la liste PS de Carole Delga, ancienne secrétaire d’Etat au commerce et à l’artisanat, candidate à la présidence de la région. Aussi, pour éviter un mélange des genres, il vient de démissionner de la présidence de l’Université –poste qu’il occupait depuis 2012- pour rejoindre, comme conseiller spécial, le cabinet du secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur et à la recherche, Thierry Mandon. Plus facile, on le comprend, pour préparer les élections. Qui pourrait le lui reprocher ?

Sauf qu’il y a cette gestion contestée. Et aussi le contenu de sa lettre de démission, adressée à l’ensemble des enseignants et étudiants où ses propos lénifiants n’ont pas forcément fait l’unanimité. Propos du genre  "tout va très bien Mme la marquise !"  Voilà ce qu’il écrit : "Notre Université  est d’une richesse immense, et chaque jour, j’ai pu constater la force de ses laboratoires, l’impact de ses formations, l’engagement de ses personnels et la richesse de ses étudiants […]" Puis, après avoir souligné qu’il ne peut cumuler son poste de président avec celui de candidat aux élections régionales, Bertrand Monthubert poursuit : "Cette démission peut naturellement susciter des inquiétudes. Je souhaite vous rassurer : un administrateur sera nommé immédiatement et des élections auront lieu afin de renouveler les conseils, qui de par la loi, sont dissous à compter du jour de ma démission, qui interviendra le 30 septembre au soir. C’est l’administrateur provisoire, qui sera nommé par la rectrice, qui aura pour responsabilité d’organiser des élections, ainsi que d’assurer la bonne marche de l’université dans la période de transition." Pas une allusion aux finances de l’Université. Pas un mot sur l’absence de transparence qui, selon certains professeurs, semble avoir régné sous le mandat de Monthubert. Il est vrai, que par avance, le Haut conseil de l’évaluation, la recherche et l’enseignement supérieur (HCERES) avait, d’une certaine façon, mis en garde dès le mois mai 2015,le président Monthubert.

Tout en soulignant que "Toulouse III était l’une meilleures universités françaises"  et louant "sa grande qualité", l’HCERES invitait ses gestionnaires "à prendre à bras-le corps, de manière urgente, les questions financières et immobilières, en définissant, dans chacun de ses deux domaines, un plan stratégique pluriannuel de redressement." Et le Haut conseil de marteler le montant du déficit de l’université pour 2014… alors que les années précédentes, l’excédent atteignait des sommets : 9,08 millions d’euros en 2013, 7,83 millions en 2012,  et 12,2 millions en 2011. Cette instance n’est pas seule à dresser un constat alarmiste. François Couderc, professeur de biochimie, connait bien la situation de l’université Toulouse III. Et pour cause : vice-président en charge des finances de 2008 à 2012, il a été le témoin de cette dégradation. Il ne se prive pas aujourd’hui, comme il le fait depuis de longs mois, de dénoncer l’absence de transparence qui a régné dans l’université. Un exemple  parmi d’autres : en janvier dernier, il souhaite obtenir communication de la masse salariale. Refus de la présidence. Du coup, menace a été faite d’en référer au premier ministre en personne. Il a fallu attendre le mois de juillet 2015 pour qu’on annonce que la demande avait été transmise au secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur et à la recherche, Thierry Mandon. Depuis, plus rien.

François Couderc, qui n’est pas adepte de la langue de bois, formule d’autres griefs à l’encontre de la gestion Monthubert. Interrogé par Atlantico, Couderc dénonce un certain nombre d’irrégularités, comme la présentation de budgets insincères ou l’impossibilité d’accéder au fichier qui recense les heures supplémentaires des enseignants. Lesquelles dépassent des limites acceptables : "J’ai même eu connaissance, confie l’ancien vice-président, du cas d’un enseignant qui avait eu droit à 1 000 heures supplémentaires pour une année. C’est gigantesque." Et d’ajouter qu’environ 250 enseignants bénéficient de 100 heures supplémentaires, toujours pour une année. [ Un enseignant-chercheur effectue 192 heures heures de cours par an]. Interrogé par Atlantico pour réagir aux propos de François Couderc, l’ex-président les conteste en bloc. "C’est vrai qu’avec la loi sur l’autonomie des universités votée en 2010, nous ne disposions pas d’instruments de pilotage pour gérer la masse salariale, reconnait –il, mais ce n’est pas pour autant que nous avons mis sur pied une gestion opaque. Bien au contraire, puisque j’ai organisé des conférences budgétaires ouvertes à tout le monde, ce qui est bien un signe de transparence, M. Couderc le sait très bien."

Sur la question des heures supplémentaires, notamment le chiffre de 1 000 heures avancées toujours par François Couderc, Bertrand Monthubert se montre sceptique. Bref, gestion insuffisante  ou pas, la suite des évènements, notamment la succession de Monthubert, risque d’être agitée et de prendre un tour résolument politique. Car ce dernier ne cache pas sa préférence pour Jean-Pierre Vinel, doyen de la faculté de médecine, président de la conférence des doyens.  En face de lui devrait se trouver un de ses confrères, Jean-Marc Broto, professeur de physique. Pour pimenter un peu plus l’élection, deux professeurs présentés comme très peu favorables à Monthubert –un euphémisme- pourraient annoncer leur candidature, François Couderc et Daniel Rougé, professeur de médecine légale… et adjoint à la Santé du maire de Toulouse ( Les Républicains), Jean-Luc Moudenc.

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