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Des marchés financiers (pas) vraiment rationnels
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Psychologie des marchés

Après avoir relevé la tête de l'eau pendant une journée, les bourses mondiales ont fortement rechuté mercredi. Ces fluctuations soudaines laissent bon nombre d'analystes perplexes. Comment fonctionne la psychologie de ces marchés qui font trembler la planète économique ? Décryptage avec Mickaël Mangot, spécialiste de la finance comportementale.

Mickaël Mangot

Mickaël Mangot

Mickaël Mangot est consultant en finance comportementale.

Il est l'auteur de « Psychologie de l’investisseur et des marchés financiers » (Editions Dunod)

Voir la bio »

Atlantico : On entend souvent dans les commentaires des analystes "Les marchés sont inquiets, fébriles, nerveux etc...", comme s'ils obéissaient à des lois psychologiques. Qu'en est-il vraiment ?

Mickaël Mangot : Cet anthropomorphisme utilisé par les journalistes et leurs interlocuteurs sert à simplifier et à rendre intelligible les mouvements complexes, et même chaotiques, du marché. En effet, un marché est la rencontre de milliers d’acheteurs et de vendeurs aux caractéristiques variées (professionnels ou particuliers, investisseurs à long terme ou spéculateurs, avec différents niveaux d’information…). Donner au marché les traits d’une personne et relier ses fluctuations à certaines informations bien spécifiées permet aux commentateurs de faire leur métier et de « raconter des histoires » sur ce qui s’est passé durant la séance boursière. Avec aucune exigence de vérité ou d’exhaustivité.

Comment un univers d'apparence si cartésien peut-il laisser tant de place aux sentiments ?

Avant toute chose, les fortes fluctuations observées sur les marchés ne sont pas nécessairement le fait d’émotions ou d’humeurs collectives excessives. Il peut y avoir des raisons fondamentales (nouvelles informations) ou techniques (par exemple, des ventes automatiques lorsqu’un seuil est franchi à la baisse) à des décrochages, même violents. Ensuite, il faut garder à l’esprit qu’en dépit de la montée en puissance de la gestion quantitative, une forte proportion des transactions des institutionnels (et a fortiori des individuels) est encore discrétionnaire, et donc sujette aux émotions humaines. Car la finance comportementale est très claire là-dessus : les professionnels ne sont pas à l’abri des biais psychologiques les plus courants (aversion aux pertes, aversion au regret, excès de confiance…), surtout lorsqu’ils sont de nature émotionnelle.

Cet anthropomorphisme n'est il pas de nature à rassurer les petits épargnants ? En d'autres termes, "Rassurez-vous, les marchés sont comme nous, ils ont de bons et de mauvais jours..."

Non, je ne pense pas. Le « story telling » des journalistes peut au contraire accentuer les tendances, haussières ou baissières, en donnant une illusion de cohérence et de linéarité dans les fluctuations boursières. Quand les marchés baissent, les journalistes portent leur attention sur les mauvaises nouvelles qui ont (sans doute) occasionné la baisse et passent les autres sous silence. Par cette présentation orientée, ils alimentent encore un peu plus le sentiment baissier, invitant les investisseurs à continuer de vendre.

Les marchés sont-ils rationnels ? Peut-on seulement tenter de les expliquer ?

La théorie financière s’est construite sur l’hypothèse centrale que les investisseurs étaient tous (ou au moins les plus gros) rationnels, et que cette rationalité engendrait une efficience des marchés financiers : autrement dit qu’à chaque moment les cours de Bourse reflètent parfaitement la valeur fondamentale des actifs financiers compte tenu de l’information disponible. Les travaux de la finance comportementale montrent clairement que les investisseurs ne sont pas pleinement rationnels et souffrent au contraire d’une multitude de biais psychologiques. Quant aux marchés, leur forte volatilité ainsi que certaines observations sur les mouvements de cours montrent qu’ils ne sont pas parfaitement efficients et que tantôt ils sous-réagissent à l’information, tantôt ils surréagissent. Les biais psychologiques des investisseurs aident à comprendre ces phases de sous et de surréaction.

Avons-nous créé un système qui nous échappe totalement ? D'où cette impossibilité des états à maitriser les fluctuations soudaines des marchés ?

La dérégulation et les innovations financières des 30 dernières années ont fait que les capitaux des investisseurs du monde entier peuvent aujourd’hui se porter sur des actifs financiers très rapidement puis les fuir avec la même célérité, entraînant des mouvements à la hausse et à la baisse de très forte amplitude. Compte tenu des masses en présence, seules les banques centrales les plus importantes (la BCE, la Fed et la Banque Centrale du Japon) ont encore un poids suffisant pour interrompre une tendance créée par le marché. Ce manque de contrôle est le coût que subit un Etat ou une entreprise pour avoir placé ses titres (actions ou obligations) sur le marché, plutôt que de gré à gré. La contrepartie est que les titres sont placés à un prix avantageux (pour l’émetteur) auprès d’investisseurs rassurés par la liquidité que confère le marché.

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