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Projet de loi de finance rectificative: de vrais efforts néanmoins insuffisants
©Christophe Petit Tesson / EPA POOL / AFP

Assemblée Nationale

Le gouvernement ne va pas pouvoir attendre le projet de loi de finances annuel - qui commence au mois d’octobre - pour préparer la relance de secteurs d’activités et doit prendre également en compte d’autres problématiques (fiscales, budgétaires…)

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Quels sont les enjeux de ce projet de loi de finance rectificatif présenté hier à l’Assemblée Nationale ?

Michel Ruimy : La première loi de finances rectificative pour 2020, adoptée en mars, a mis en place dans l’urgence trois dispositifs exceptionnels : un renforcement massif du champ de l’indemnisation du chômage partiel afin de maintenir les salariés en emploi et conserver les compétences au sein des entreprises, la création d’un fonds de solidarité innovant pour les très petites entreprises (TPE), le gouvernement faisant le choix de la dette plutôt que les faillites d’entreprises et une importante garantie de l’État (300 milliards d’euros) pour les prêts aux entreprises. Ce premier budget rectificatif et ces dispositifs (45 milliards d’euros) étaient dimensionnés pour un confinement de quatre semaines.

Une deuxième loi rectificative, votée en avril, amplifie et complète les mesures instaurées par la première loi. Le plan économique pour soutenir l’économie et l’emploi est étendu à hauteur de 110 milliards d’euros.

Ces premières lois de finances rectificatives ont été des lois vraiment d’urgence. Il apparaît aujourd’hui nécessaire de compléter ces dispositions d’une part, pour tenir compte de certaines situations difficiles : aide aux foyers les plus démunis, assistance aux entreprises françaises « historiques » (Air France, Renault…), primes notamment pour le personnel des hôpitaux… et d’autre part, en les adaptant à la durée pendant laquelle elles seront mises en œuvre - plus longue que prévue en mars dernier -. L’esprit de ce projet de loi rectificatif est ainsi de mettre à disposition de la population française et des acteurs économiques tout ce qui est nécessaire pour passer cette période critique et pour rebondir par la suite.

Pour autant, rien d’extraordinaire. Ces mesures sont similaires à celles mises en œuvre par les pays disposant comme la France d’amortisseurs sociaux (Allemagne, Italie, Espagne…). Le montant adopté par ces plans prend en considération la situation économique estimée pour 2020 : récession estimée à 8% de notre Produit intérieur brut (PIB), déficit public de 9% de notre PIB et un endettement de 115% du PIB. Cependant, compte tenu des nombreuses incertitudes qui pèsent sur une éventuelle reprise économique, il est nécessaire de prendre ces estimations avec prudence.

Les propositions du gouvernement sont-elles à la hauteur de la crise sanitaire ?

L’estimation d’une récession de 8% pour 2020 repose sur une hypothèse forte d’un retour assez rapide à la normale de l’activité, après le 11 mai. Le scénario du gouvernement suppose, en particulier, que les mesures de politique économique prises pour faire face à la crise permettront de préserver l’appareil productif et que la demande, tant intérieure qu’étrangère, ne portera pas de séquelles durables de la crise.

Si cette hypothèse forte ne se réalisait pas, la chute d’activité pourrait se révéler supérieure. Le maintien des emplois via le dispositif du chômage partiel n’est pas acquis. La fermeture d’entreprises, en situation financière délicate, risque de mettre au chômage un grand nombre de travailleurs, ce qui renchérit le coût social. De même, la reprise de la consommation des ménages est entourée de fortes incertitudes, liées à la possible persistance de comportements prudents voire attentistes. Les entreprises, de leur côté, pourraient annuler certains investissements en raison de la dégradation de leurs résultats et de la montée des incertitudes sur les perspectives de croissance. D’autres mesures, comme des annulations pures et simples de charges fiscales et sociales, pourraient venir alourdir considérablement la facture.

Dans ce contexte, le gouvernement ne va pas pouvoir attendre le projet de loi de finances annuel - qui commence au mois d’octobre - pour préparer la relance de secteurs d’activités. Il doit prendre également en compte d’autres problématiques (fiscales, budgétaires…). Pour financer ces plans sectoriels (dont celui du tourisme, qui s’élève à 18 milliards), le gouvernement devra présenter un troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020.

Que pouvons-nous envisager comme solution afin d’anticiper sur les problématiques budgétaires à venir ?

Face à l’épidémie de covid-19, les instruments de la politique monétaire et de la politique budgétaire ont été massivement mobilisés. S’agissant de la politique monétaire, la Banque centrale européenne a notamment lancé dès le 18 mars un nouveau programme d’achats d’urgence de titres des secteurs public et privé, s’élevant à 750 milliards d’euros. Elle s’est également concertée avec les autres grandes banques centrales du monde pour améliorer l’approvisionnement en devises et éviter une crise des paiements internationaux.

Sur le plan budgétaire, les institutions européennes, outre la mobilisation de crédits communautaires, ont adopté un plan de 540 milliards d’euros début avril, via l’Eurogroupe. Au plan national, le gouvernement a mobilisé sa capacité budgétaire dans des proportions inédites. Du fait du recul de l’activité et les mesures de soutien public à l’économie, la part des dépenses publiques va, cette année, fortement augmenter (plus de 60% du PIB après 55% en 2019) alors que le taux des prélèvements obligatoires va se tasser légèrement à 44% du PIB en raison de la baisse des recettes fiscales.

Selon les estimations du gouvernement, la chute des recettes fiscales des communes pourrait représenter 14 milliards d’euros pour la période 2020-2021. Lors d’une précédente audition au Sénat, Sébastien Lecornu, le ministre chargé des collectivités territoriales, identifiait 4 000 communes à risque. « Il y aura des collectivités territoriales qui seront plus touchées que d’autres donc la question est de savoir si nous faisons des mesures généralistes ou des mesures ciblées (...) Il pourrait y avoir dans les budgets une section avec les dépenses liées au Covid. Des décisions pourront aussi être prises dans le PLF pour 2021 pour d’autres collectivités

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