Procès Heetch : l’économie collaborative à la barre<!-- --> | Atlantico.fr
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Heetch est une application de niche, qui repose sur l’innovation digitale. La sanctionner, c’est sanctionner l’innovation et manifester que la France se place non pas dans une logique enthousiasmante de création mais dans une logique étouffante d’inhibiti
Heetch est une application de niche, qui repose sur l’innovation digitale. La sanctionner, c’est sanctionner l’innovation et manifester que la France se place non pas dans une logique enthousiasmante de création mais dans une logique étouffante d’inhibiti
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Tribune

Uber, AirBnb, maintenant Heetch ? En créant des possibilités nouvelles d’échanges grâce aux plateformes digitales, l’économie collaborative révolutionne la façon dont nous consommons. Or ces applications ont beau être plébiscitées par les consommateurs, elles doivent sans cesse se battre pour continuer à exister.

Aurélien  Portuese

Aurélien Portuese

Aurélien Portuese est un ancien avocat, désormais Professeur associé à l’Université de Leicester (De Montfort) et au King’s College London. Il est également chercheur invité à l’Université d’Oxford. 

 
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Si l’on peut se réjouir que le Premier ministre ait affirmé le 8 février 2016, lors de la remise du Rapport Terrasse sur l’économie collaborative, être "déterminé à faire de la France une terre de l’économie collaborative", cette ambition affichée contraste avec la réalité vécue par les entrepreneurs sur le terrain : en janvier 2016, Teddy Pellerin et Mathieu Jacob se sont vus signifier une convocation judiciaire pour avoir créé la plateforme collaborative Heetch. Le 8 et 9 décembre prochains, ils seront à ce titre devant les tribunaux.

Service de ridesharing de nuit lancé en décembre 2013, Heetch est pourtant un exemple réussi de l’économie collaborative. Véritable outil de salubrité publique, cette plateforme permet aux jeunes, dont beaucoup viennent de banlieue, de partager la nuit des trajets sécurisés à un coût réduit, en faisant appel à des particuliers, dans un esprit collaboratif. Rien d’étonnant à ce que l’entreprise ait connu un succès fulgurant, atteignant plus de 100.000 courses hebdomadaires !

De l’économie collaborative, Heetch a gardé l’esprit originel de partage entre particuliers : à la différence des VTC, ses conducteurs ne sont pas rémunérés. Ce qu’ils reçoivent ne sert qu’à les dédommager des frais engagés pour leurs véhicules, pour des trajets personnels.

Heetch est une application de niche, qui repose sur l’innovation digitale. La sanctionner, c’est sanctionner l’innovation et manifester que la France se place non pas dans une logique enthousiasmante de création mais dans une logique étouffante d’inhibition.  

L’économie collaborative manque d’un cadre juridique pour protéger nos entrepreneurs digitaux, qui non seulement créent de l’emploi et de la croissance, mais aussi, et c’est salutaire, renouvellent des secteurs entiers par leur inventivité.

Il faut donc inventer de nouvelles solutions. Cela ne se fera pas en rédigeant de nouveaux projets de lois qui deviendraient vite obsolètes. Il s’agit au contraire d’adopter un principe d’innovation, nouveau principe général du droit pour régir l’économie collaborative, qui guiderait législateurs et juges pour appréhender la concurrence des innovations digitales sur les acteurs traditionnels de marché. L’analyse coût-bénéfices des innovations ne comparerait plus seulement les coûts de marché pour les acteurs traditionnels et les recettes fiscales de l’Etat par rapport aux bénéfices de créations d’emplois et de baisse de prix pour les consommateurs. Elle prendrait aussi en compte les coûts représentés par l’innovation qui n’a pu être réalisée en raison de poursuites judiciaires ou fiscales, ainsi que les bénéfices inhérents à l’innovation de marché. Dans le cas de Heetch, il ne s’agirait plus seulement d’examiner les pertes de recettes fiscales et la concurrence dont se plaignent les acteurs traditionnels mais également d’intégrer l’effet dissuasif sur l’innovation, la recherche, la création digitale de telles poursuites et éventuelles sanctions.

Notre système juridique doit changer si nous voulons exploiter sereinement tout le potentiel de l’économie collaborative. L’œuvre de création jurisprudentielle est essentielle pour adapter des notions juridiques telles que "covoiturage" et "rémunération" aux innovations technologiques introduites par ces nouveaux services. Le principe d’innovation doit supplanter toute logique ostracisante de nouveaux acteurs de marché : le droit de la concurrence demeure un droit tourné vers la protection de la concurrence pour l’innovation… et non vers la protection des concurrents par la sanction !

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