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Prix du paquet de cigarettes : la politique au risque de la morale ?
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Nouvelle hausse

Le gouvernement souhaite faire reculer les ventes de cigarettes et la dépendance au tabac. Une nouvelle hausse des taxes de 50 centimes est entrée en vigueur ce dimanche.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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Le 1er mars le prix du paquet de cigarettes a connu une nouvelle augmentation. Rien de bien nouveau dira-t-on, tant l’augmentation continue du prix du tabac est l’un des – très – rares domaines dans lesquels les Pouvoirs public font preuve d’une réelle continuité. Ainsi, entre 2000 et la fin 2020, soit en vingt ans, le prix du paquet de cigarette sera passé d’environ 3,2 euros à 10 euros. Gouvernements de gauche et de droite se sont relayés pour progressivement faire du fumeur un « usual suspect » de notre société et une vache à lait fiscale.

Disons-le tout net : nul de sérieux ne conteste que le tabagisme pose des questions essentielles de santé publique. La question n’est pas de protéger les français de certains excès liés au tabagisme. Elle est de s’en donner des moyens raisonnables et cohérents. Prendre pour argent comptant sans la questionner la politique qui consiste à matraquer les fumeurs de cigarettes serait une erreur. Car l’enfer étant pavé de bonnes intentions, cette politique ne manque pas d’incohérences. 

D’abord, frapper au portefeuille les fumeurs sans discrimination, c’est omettre que pour une partie des français dont la consommation est incompressible, les économistes diraient inélastique au prix, l’augmentation continue du prix du paquet n’a pas pour autre effet que de réduire leur pouvoir d’achat. L’on bute ici sur l’un des angles morts de nos gouvernants. D’un côté, ils prétendent concentrer leur politique économique sur la préservation du pouvoir d’achat des plus défavorisés, par une pression fiscale sur les entreprises et les plus favorisés qui fait de la France un champion toute catégorie. D’un autre côté, ils n’ont de cesse de puiser dans les poches souvent peu profondes des fumeurs. Un calcul récent a ainsi montré que l’augmentation du prix du tabac venait ainsi rogner une part significative de l’effort budgétaire ad hoc consenti pas le gouvernement dans le cadre de la crise des gilets jaunes. A ce jeu, la politique publique est totalement perdante : le fumeur qui a décidé de continuer à fumer n’est pas dissuadé, mais son pouvoir d’achat, surtout s’il fait partie des plus modestes, est attaqué.

Ensuite, et plus fondamentalement, les politiques publiques ne craignent pas de céder à la moralisation, au cri du « il est mal de fumer ! ». C’est ouvrir une sacrée boite de Pandore, à bien des égards. 

Premièrement, est-ce à l’État de nous faire la morale ? Si nos gouvernants le pensent – c’est leur droit – alors qu’ils soient cohérents jusqu’au bout et qu’ils rétablissent les cours de morale de nos arrières grands-parents dans l’instruction publique ! L’on y (ré)apprendra peut-être à nos chères têtes blondes que les élèves doivent respecter leur maître, que les notions de bien et de mal ne sont complètement interchangeables, que la patrie existe etc. Vaste programme aurait dit le Général de Gaulle…

Deuxièmement, comment articuler le principe de politiques publiques toutes entières placées sous le sceau de la liberté individuelle et des droits de l’homme, dont la France s’est faite le héraut en même temps qu’elle renonce à toute politique aronienne de défense de ses intérêts, et la stigmatisation de pans entiers de la population ? L’individu que l’État a décidé de tolérer pourrait ainsi tous les droits, pourrait céder à tous les caprices (changer de sexe, se marier avec une personne du même sexe, demain se faire cryogéniser etc.), mais ne pourrait pas boire tranquillement un café ou un verre de vin rouge, fumer une cigarette, ou prendre sa voiture pour aller et venir à plus de 80 km/ heure ?

Troisièmement et surtout, l’on reste bouche bée devant l’écart insupportable de moyens que mets l’État à pourchasser les fumeurs (mais nous pourrions parler des automobilistes), et son incapacité, de fait, à assurer le premier de ses devoirs : la paix et la sécurité civile. Le fisc se dote de moyens de surveillance dignes du Big brother dont Orwell nous a mis en garde, il vient prendre sous à sous dans les poches des fumeurs…mais l’État n’est pas capable de faire régner la concorde civile dans les territoires, les villes et les banlieues.

De tout ceci une conclusion émerge : il n’est jamais bon, comme le montre le traitement du tabac, de confondre morale et politique. Parce qu’à ce jeu, l’on rappellerait un peu cruellement à Monsieur Grivaux, qui dénonçait les « gars qui fument des clopes et qui roulent en diesel », qu’en fait de moral, il est toujours mieux de regarder non la paille qui est dans l’œil du voisin, mais la poutre qui est dans le sien.

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