Prise d'otages au Cameroun : ce que la présence d’enfants peut changer dans la négociation <!-- --> | Atlantico.fr
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Des enfants se trouvent parmi les Français enlevés au Cameroun.
Des enfants se trouvent parmi les Français enlevés au Cameroun.
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Nouvelle donne ?

La présence de quatre enfants parmi les sept Français enlevés mardi au nord du Cameroun pourrait avoir des impacts non négligeables sur les négociations à venir.

Laurent Combalbert et Gérard Desmaretz

Laurent Combalbert et Gérard Desmaretz

Laurent Combalbert est consultant indépendant, formateur et conférencier, il forme de nombreux négociateurs et conseille des dirigean d’entreprises et d’institutions dans la gestion de leurs situations complexes, le recrutement et la formation de leurs équipes et dans la mise en œuvre de leurs politiques de sûreté et de prévention des risques.

Gérard Desmaretz a été chargé du programme de reconversion des militaires au renseignement économique dans le cadre du Centre interdépartemental de recherche et de perfectionnement de l'Institut universitaire de technologie de Paris XIII (en 1999), et consultant auprès de l'Agence africaine des relations économiques et diplomatiques de Genève

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Atlantico : Sept français ont été enlevés mardi au Nord du Cameroun par des ravisseurs encore inconnus à l'heure actuelle. Parmi eux se trouve quatre enfants de 12, 10, 8 et 5 ans, cela peut-il influer sur les négociations futures ?

Laurent Combalbert : Forcément la présence des enfants va influencer les négociations futures. La pression du temps est plus forte. Il est probable que l’on se trouve dans une négociation avec d’un côté les otages adultes, et de l’autre les otages enfants.

Lorsqu'il s'agit de kidnappings criminels, la présence d’enfants accroît la demande de rançon. Dans ce cas, il s’agirait a priori d’un kidnapping politique (mais nous n’en sommes pas sûr car il n’y a pas de revendications). S’il s’agit de l’œuvre de Boko haram (organisation terroriste présente au Nigéria, ndlr) comme beaucoup le pensent, il faudra attendre les revendications. Ce que l’on peut espérer dans ce cas de figure, c’est que les enfants soient séparés des adultes, qu’ils soient dissociés des objectifs politiques du kidnapping pour qu’ils puissent être libérés rapidement. 

Gérard Desmaretz : On peut dire tout d’abord que la présence d’enfants parmi les personnes enlevées offre effectivement une visibilité médiatique idéale pour les kidnappeurs.

Il faudrait néanmoins affirmer que l’impact de cet évènement sera probablement moindre que celui généré par les précédents enlèvements, dans le sens où cela risque de déboucher sur une certaine lassitude dans les milieux du renseignement face au comportement parfois inconscient de certains de nos citoyens. Partir dans des zones pourtant vivement déconseillées aux ressortissants français ne met pas seulement la vie des voyageurs en danger, mais aussi celle des personnes qui seront éventuellement chargées de les retrouver. On peut dire en conséquence qu’il pourra y avoir à terme un inversement de la tendance qui fera que l’opinion et les pouvoirs publics ne seront plus aussi mobilisés qu’auparavant sur ces problèmes.  

Doit-on attendre une réaction particulière de l'opinion publique qui pourrait augmenter la pression sur les négociateurs français ?

Laurent Combalbert : Je ne pense pas qu’il va y avoir des pressions sur les négociateurs eux-mêmes car lorsque l’on est amené à faire ce genre de travail, on se coupe généralement de ce qui est dit à l’extérieur. Mais si la situation perdure, il est vrai que l’opinion publique mettra une pression plus forte sur l’Etat français, même si nous sommes persuadés que les services français font tout leur possible pour régler cette situation. Le caractère affectif et émotionnel n’est en revanche pas anodin dans ce type de crise.

Le kidnapping dans un objectif terroriste est quelque chose de très fort et la présence d’enfants est une vraie problématique dans la gestion de cette crise

Gérard Desmaretz : Je ne pense pas que l’Etat, qui par définition est un "monstre froid", soit tenté de précipiter  une opération de secours pour récupérer ces otages, et ce malgré l’éclat médiatique de cette action. Les services concernés s’activent en coulisse comme à chaque fois mais je ne pense pas que la procédure classique soit spécifiquement bousculée, modifiée ou accélérée pour cette occasion. Pour la France, ce serait prendre des risques et aller à l’encontre même de ses intérêts fondamentaux que de payer une rançon en express où d’organiser à la va-vite une opération de sauvetage.

GDF Suez, employeur de l’un des kidnappés, se serait dit prêt à payer la rançon. Cela ne risque-t-il pas de remettre en cause la politique de Paris qui affirme qu’elle refuse désormais tout paiement à la suite d’un enlèvement ?

Laurent Combalbert : La France n’a jamais payé de rançon, c’est la doctrine officielle. Néanmoins, les entreprises sont libres de faire ce qu’elles veulent. La problématique n’est pas de savoir si cela remettrait la politique de la France en cause. Cette dernière est claire. En revanche, dans le cas d’une entreprise, les choses sont différentes. Beaucoup d’entreprises se poseraient la question. Evidemment, cela se fait à l’abri du regard des médias pour ne pas encourager ce genre de pratiques. 

Gérard Desmaretz : GDF, en tant qu’employeur de l’un des kidnappés, s’est effectivement dit prêt à payer une partie de la somme qui sera éventuellement demandée par les ravisseurs. Cette compagnie peut négocier en parallèle mais cela n’implique pas directement l’Etat français et rien n’indique actuellement que l’Elysée soit prêt à faire une entorse à sa politique de non-paiement des rançons. Des assurances privées sont prévues spécifiquement à cet effet pour les compagnies opérant dans les zones à risques, et ce sont elles qui financent une grosse partie du paiement et mettent parfois en place des négociations avec les ravisseurs. Il n’est pas étonnant dans ce cadre de voir GDF se déclarer prêt à payer, bien qu’encore une fois cela n’engage en rien l’Etat français. On peut néanmoins se demander s’il n’aurait pas été préférable de sensibiliser en amont les employés qui sont mutés sur ces sites, ces derniers manquant la plupart du temps d’une formation adéquate.

A t-on eu des précédents similaires ? Quelle en a été l'issue ?

Laurent Combalbert : La plupart des affaires concernant des enfants sont en fait des prises d’otages. Cela signifie que l’on se situe sur un lieu déterminé, le ravisseur ne peut pas s’enfuir, les groupes d’intervention sont autour et il existe un rapport de force. Dans le cas d’un kidnapping, il n’y a pas ce rapport de force. Cela ne se gère pas de la même façon.

Il m’est arrivé de devoir gérer des kidnappings dans lesquels des enfants étaient impliqués, mais il s’agissait de kidnappings criminels. Ces derniers sont généralement résolus très rapidement.

Propos recueillis par Théophille Sourdille

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