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Primaire PS : "Les débats ? 
Du catch plutôt que de la boxe !"
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Hulk Hogan président

Il y aura des débats entre les candidats à la primaire PS. Le parti l'a annoncé ce mercredi. Reste encore à définir leurs modalités. Pas sûr qu'aient lieu des face à faces entre les ténors socialistes. Trop risqués ?

Jean-Luc Mano

Jean-Luc Mano

Jean-Luc Mano est journaliste et conseiller en communication chez Only Conseil, dont il est le co-fondateur et le directeur associé.

Il anime un blog sur l'actualité des médias et a publié notamment Les Perles des politiques.

 

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Atlantico : Les socialistes ont décidé d’organiser des débats entre les candidats à la primaire, sans préciser encore leur modalité. Peut-on imaginer de voir des débats en face à face alors que ceux-ci sont aujourd’hui rarement organisés ?

Jean-Luc Mano : Honnêtement, ça a toujours été difficile de faire des débats politiques. Quand on est patron d’un média ou Directeur de l’information d’une chaîne, c’est toujours le plus difficile à organiser.

Quand un responsable politique va dans un débat, il prend beaucoup plus de risques que lorsqu’il se rend à une émission. Quand vous faites une mauvaise émission face à un journaliste, vous pouvez en sortir affaibli, mais personne ne dira ensuite « je vais voter pour le journaliste ». Alors que si vous vous prenez un KO par votre adversaire politique direct, votre valeur est très dévaluée.

Pour tout vous dire, le communicant que je suis aujourd’hui passe quatre à cinq fois plus de temps à préparer un débat qu’à préparer une simple émission politique de télévision ou de radio, même si celle-ci est importante.

Les hommes politiques auraient-ils peur de débattre entre eux ?

Je parlerais plus de « frilosité » que de « peur ». Le rapport entre les avantages escomptés et les risques pris est très discutables… Si vous vous sortez bien d’un débat, les médias n’en parlent pas. Avantages : proche de zéro. Mais si vous êtes sévèrement battu, là vous aurez droit à un papier, un écho, voire à du buzz sur Internet.

Dans une période de crise où l’on attend du courage de la part de nos dirigeants politiques, le fait qu’ils aient peur de débattre entre eux n’est-il pas dramatique ?

Attendez, la situation n’est quand même pas désespérée ! Il y a des débats politiques. Par exemple, début septembre, il va y avoir un débat entre Nathalie Kosciusko-Morizet et Marine Le Pen diffusé sur i>télé et Europe 1. De telles confrontations en face à face existent donc. Il serait faux de dire que les hommes politiques ne vont plus désormais que chez Michel Drucker.

Par ailleurs, les débats se tiennent lors d’une période bien précise. Un an avant son échéance, l’élection présidentielle n’intéresse que les hommes politiques et les journalistes. Les scores des émissions politiques le démontrent. Les Français pensent à qui ils vont voter seulement quatre à deux mois avant l'élection.

Toutefois, il est vrai que le risque de la confrontation fait qu’il existe beaucoup de réticences chez les hommes politiques. On peut le regretter car cela permet sans doute de vivifier le débat politique et d’être au plus proche de la démocratie.

C’est une tendance nouvelle ou ancienne, selon vous ?

Disons que d’année en année, cela ne s’arrange pas… Mais si vous proposez à des dirigeants politiques qui ne sont pas en haut de la hiérarchie politique de débattre, ils viennent en courant ! Ceux qui n’y vont pas, c’est ceux qui pensent avoir quelque chose à perdre.

Comment pensez-vous que vont s’organiser les débats entre les candidats à la primaire socialiste ?

Le problème pour les socialistes c’est que ce système de primaires a été organisé pour Dominique Strauss-Kahn. Les dirigeants socialistes ont donc hérité d’une usine à gaz terrifiante alors que le principal bénéficiaire n’est pas là.

Les socialistes n’ont pas envie de donner l’image d’une confrontation brutale, les uns face aux autres, et préfèrent réserver ça à l’affrontement de la campagne présidentielle. On peut les comprendre. Mais on a l’impression qu’il y aura un débat à condition qu’ils ne soient pas en désaccord. A ce moment là, ce n’est pas la peine ni d’avoir un débat, ni d’avoir des primaires !

Ces débats au sein des primaires socialistes devraient donc être moins un match de boxe qu’un match de catch. Il y aura des pirouettes, des clés anglaises, mais je ne pense pas qu’il y aura d’uppercut. Il faut tout de même qu’à la fin l’Hillary Clinton de l’histoire se range aux côtés de l’Obama de l’histoire. Il reste donc préférable de ne pas se cogner trop fort, d’autant plus que ces primaires ne correspondent pas à la culture politique française habituelle.

Le PS a déjà organisé une primaire en 2007. Ségolène Royal en était sortie vainqueur face à Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius. Pourrait-elle cette année encore en bénéficier ?

Plus il y a d’électeurs, meilleure est Ségolène Royal. Cela ne veut pas dire qu’elle gagnera. Mais plus le corps électoral est petit et proche de l’électorat interne au PS, moins elle a de chances. Or les débats sur les grandes chaines font augmenter le nombre de votants. Ségolène Royal trouve donc un intérêt à ce que de tels débats aient lieu.

Celui qui en a le moins intérêt, c’est François Hollande : d’une part il est le favori donc il a beaucoup à perdre, d’autre part il est le plus fort à l’intérieur du parti en tant qu’ancien Secrétaire du PS pendant de longues années.

Finalement, n’assisterons-nous pas à un débat « à l’américaine » où les candidats aux primaires ne discutent pas entre eux mais font face à un journaliste qui distribue la parole ?

Aux États-Unis, on ne peut pas dire que ce soit tendre ! L’affirmation qui consiste à dire que nous avons en France un débat politique absolument extraordinaire et que les Américains en ont un absolument nul est une idée reçue. La démocratie américaine produit du débat sur les questions fondamentales beaucoup plus rude et sévère qu’en France. Il y a plus de divergences aux États-Unis entre un républicain et un démocrate qu’en France entre un socialiste et un membre de l’UMP.

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