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Primaire de la droite : 7 candidats dont 6,5 qui "oublient" totalement les vrais défis macro-économiques que doit relever la France
©Capture d'écran TF1

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Le dernier débat des 7 prétendants de la primaire à droite est venu confirmer ce que nous savions depuis des années : l’univers mental des politiques français s’arrête au périphérique, éventuellement au Rhin ou à la Manche, mais il n’est pas question de parler de l’Europe ou de l’euro, et encore moins du reste du monde.

Mathieu  Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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La TVA, les charges sociales, les banlieues, voilà ce que le "peuple peut comprendre", voilà ce qu’on lui sert. Soit ils méprisent les Français, soit ils méprisent la France (ils pensent TOUS que c’est un pays de taille moyenne condamné à coller au "modèle" allemand). En bons élèves de Sciences-Po des années 1970, nos futurs/anciens/futurs décideurs dissertent sur les institutions hexagonales et sur la dépénalisation du cannabis, pendant que les grandes questions se règlent loin de Paris. Ne vous posez aucune question sur la BCE ou sur la Deutsche Bank, ne proposez aucune solution contre la déflation et contre l’accumulation de dettes improductives. Dormez tranquilles pendant que les choses sérieuses se déroulent sans vous.

La comparaison avec les Etats-Unis est fallacieuse. Les politiciens américains ne parlent jamais du reste du monde, et Gary Johnson n’est pas même capable de citer un dirigeant étranger ; c’est vrai. Mais ce provincialisme leur coûte assez peu. Ils dirigent un vaste pays qui est a la frontière technologique et qui dispose de 12 porte-avions et d’une banque centrale "à eux" (enfin, pour le moment, et de moins en moins, passons). Ils ratent bien des opportunités, ils peuvent peut-être se le permettre. Notre provincialisme nous coûte beaucoup plus cher. C’est un luxe que nous ne devrions pas nous permettre. Surtout à droite, où nos candidats prétendent "réformer le pays". Eh bien, relisez Peyrefitte, et Braudel, et North, et plein de bons auteurs : le premier acte de la modernisation, c’est souvent de reconnaitre que la modernité n’est pas chez nous. Il faut de l’humilité, de l’ouverture, de la pédagogie. Sans aller aussi loin que l’ère Meiji, la France a un sérieux besoin de réformes, et ce ne sont pas des shoguns Tokugawa comme Juppé ou Le Maire qui vont porter des changements radicaux : le premier entend bien faire du Chirac new age, le deuxième est trop proche de Berlin pour tenter quoi que ce soit contre Francfort. Fillon prétend que la ruine guette alors que le pays emprunte à 10 ans à 0,3%. Sarkozy, qui a plus de poigne que les autres, ne s’est pas beaucoup rebellé contre Trichet et contre Merkel, mérite-t-il une seconde chance ? Ils ont eu 5 ans pour réfléchir, pour voyager, pour se débarrasser de leurs conseillers d’un autre âge, pour se reconnecter à la marche du monde, pour lire le blog de Scott Sumner : ils n’ont rien fait.

Tous multiplient les diversions budgétaristes et structuralistes car au fond ils n’entendent rien au caractère monétaire de cette crise, et n’entendent pas prendre un risque ("populiste", c’est ce qu’on récolte quand on rappelle les principes du libéralisme classique à nos élites monétaires européennes). Voilà aussi pourquoi ils ne parlent pas des inégalités, qui aujourd’hui ne doivent plus grand-chose à la dynamique interne du capitalisme mais à la dynamique des dettes (entretenue par la déflation). L’électeur médian de la primaire à droite a la cinquantaine, il est plus souvent créditeur que débiteur. Il leur reste alors le thème des affaires (où au moins ils ne manquent pas d’expérience) et le thème de l’identité (qui pourrait être intéressant un jour si on pouvait appeler un chat un chat). Au fond ils gouverneront ensemble (après un intermède interminable de médiocrité hollandiste), et ne vont pas gérer le pays très différemment de ce qui s’est passé depuis quelques décennies : c’est bien pourquoi l’un d’entre eux sera Président, les Français ayant presque toujours opté pour les changements dans la continuité et les forces tranquilles, derrière les slogans des grands soirs. Il ne faut jamais prendre les Français pour des conservateurs, mais ne jamais oublier qu’ils le sont ?...

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