Prévisions de croissance du FMI : pourquoi la Chine reprend des couleurs alors que le monde, l’Europe et la France continuent de prendre l’eau<!-- --> | Atlantico.fr
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En Chine, la remontée du taux de croissance de 0.2% traduit un processus de transition qui se passe mieux que prévu.
En Chine, la remontée du taux de croissance de 0.2% traduit un processus de transition qui se passe mieux que prévu.
©Reuters

Paradoxe

Les prévisions de croissance en disent parfois plus sur l'état d'esprit des différents acteurs de l'économie mondiale que l'on ne croit. En témoigne le décalage entre la vision de la croissance du FMI révélée par le dernier rapport sur la croissance, différent à bien des égards de celui de l'OFCE.

Philippe Waechter

Philippe Waechter

Philippe Waechter est directeur des études économiques chez Natixis Asset Management.

Ses thèmes de prédilection sont l'analyse du cycle économique, le comportement des banques centrales, l'emploi, et le marché des changes et des flux internationaux de capitaux.

Il est l'auteur de "Subprime, la faillite mondiale ? Cette crise financière qui va changer votre vie(Editions Alphée, 2008).

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Atlantico : Le FMI vient de réviser à la baisse ses prévisions de croissance mondiale, de 3.3 à 3.1%. Fait notable, alors que la Chine était perçue comme la principale source de risque, ces dernières prévisions font état d'une révision à la hausse de la croissance chinoise alors que celles des Etats-Unis et l'Europe sont revues à la baisse. Comment interpréter ces derniers chiffres ?

Philippe Waechter : Le FMI continue de s'interroger sur les sources d'impulsion qui permettrait à l'économie globale de converger vers une trajectoire plus élevée. L'institut mondial considère que le profil, notamment des pays développés, est en dessous de ce qui pourrait être observé. 

Maury Obstfeld le chef économiste du FMI appelle à une politique budgétaire et structurelle plus ambitieuse afin de caler l'économie globale sur une trajectoire plus robuste car il n'y a pas d'impulsion endogène susceptible d'accomplir ce changement. L'économie peut s'améliorer modérément en tendance mais il n'y a pas de facteur capable de changer son profil rapidement. C'est à mon sens la principale raison de la révision de la croissance mondiale et notamment de celle des pays industrialisés. L'économie globale semble marquée par une sorte d'hystérèse qui ne permet pas le retour à une croissance forte. L'hystérèse est cette situation où un choc a beaucoup de persistance. De la sorte, le retour à la situation antérieure est très long si cela a lieu. Il faut donc créer un choc de sens contraire pour se caler sur une nouvelle norme.

Les ajustements se font à la marge mais si l'on prend en compte le fait que la dernière révision datait de janvier cela fait des changements significatifs, notamment dans les pays développés. C'est le cas aux USA et en zone Euro notamment pour lesquels les anticipations sont rabotées. C'est cette absence d'impulsion et cet effet d'hystérèse qui jouent. En Chine, la remontée du taux de croissance de 0.2% traduit un processus de transition qui se passe mieux que prévu.

Peut-on considérer que les différents gouvernements et banques centrales ont réagi à temps au regard des menaces existantes pour éviter un dérapage brutal de l’activité économique mondiale ? Qu’en est-il spécifiquement au sein de la zone euro, dont la croissance 2016 a été révisé à la baisse de 0.2 point à 1.5% ?

Il n'y a pas de dérapage brutal, il y a surtout une incapacité à se caler sur une trajectoire plus élevée. Sur ce point, la zone Euro fait moins bien que les USA. Cela reflète probablement une perception plus précoce du risque associé à la crise aux USA. Le taux des fed funds est tombé à 0% dès décembre 2008. Cela a été plus long en zone euro. Par ailleurs, la zone Euro a mis en œuvre une politique d'austérité qui a reporté les ajustements des acteurs privés dans le temps. C'est là la difficulté. Comment imaginer que les comportements puissent spontanément se caler sur la prise de risque lorsque pendant plusieurs années la situation a été volatile et pleine d'incertitude. Chacun attend que la situation soit plus claire dans la durée avant de prendre une décision de grande ampleur. C'est pour cela que la politique budgétaire doit se racheter et faciliter une réduction de l'incertitude pour prendre le risque de retrouver une situation plus normale. L'incertitude sur la politique économique est probablement le facteur le plus problématique des dernières années car cela a empêché la prise de risque. L'hystérèse évoquée plus haut peut provenir de ces phénomènes.

A l’inverse, dans ses dernières prévisions publiées le 12 avril, l’OFCE estime que la croissance française pourrait s’établir à 1.6% contre une prévision de 1.1% pour le FMI. Comment expliquer un tel écart ? Quels en sont les enjeux, notamment en termes de baisse de chômage ?

Le FMI inscrit la France dans une dynamique globale alors que l'OFCE se cale davantage sur la France pour en observer les ressources potentielles. L'analyse de l'OFCE fait la part belle à la demande interne et notamment à une consommation très soutenue, ce que ne fait pas le FMI. Les analyses récentes et communes de l'INSEE, de l'IFO et d'Istat sur la zone Euro privilégient le soutien de la consommation des ménages pour anticiper un meilleur profil que celui proposé par le FMI. 

Les premiers éléments de 2016 relatifs aux dépenses des ménages suggèrent que celles-ci sont soutenus et pourrait effectivement être un support majeur pour la conjoncture des pays européens. On a tous envie de faire l'hypothèse que cette amélioration se prolongera tout au long de l'année. Le FMI ne fait pas cette hypothèse et c'est cela qui fait la différence. Cela veut dire aussi que l'ampleur de la croissance étant plus forte selon l'OFCE l'impact sur l'emploi sera bien plus important que dans le cadrage du FMI. 

Je ne sais pas si la prévision de l'OFCE sera la bonne, son chiffre est au-delà du mien, mais j'aimerais bien que cet institut ait raison car cela calerait l'économie de la zone Euro et de la France sur un profil cyclique plus ambitieux. Cela changerait alors les perspectives économiques et politiques des pays membres de la zone Euro. Le risque d'instabilité sociale et politique qui est parfois pointé s'estomperait alors.

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