Présidentielle : ce qui inquiète les chefs d’entreprise, c’est que 40% des électeurs sont prêts à voter pour des partis antisystèmes<!-- --> | Atlantico.fr
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Eric Zemmour et Marine Le Pen se croisent alors qu'ils présentent leurs programmes devant le Medef à Paris, le 21 février 2022.
Eric Zemmour et Marine Le Pen se croisent alors qu'ils présentent leurs programmes devant le Medef à Paris, le 21 février 2022.
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Atlantico Business

Le vrai problème de cette présidentielle va surgir après l’installation du locataire de l’Élysée, parce qu’une grande partie de l’électorat aura cédé aux sirènes porteuses de projets anti-système

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Près de 40% des chefs d’entreprise et des cadres supérieurs ou dirigeants ont déjà choisi de voter pour Emmanuel Macron. Mais l’information la plus inquiétante, c’est que près de la moitié de électeurs seraient disposés à voter pour des leaders anti-système. 

La classe politique française n’est pas envahie par des idéologies révolutionnaires ou radicales. Elle est dominée par la grogne, la rogne et même la colère de tous ceux qui ne supportent plus l’organisation politique de la 5ème république et qui considèrent que le système de l’économie de marché est tellement pollué par la financiarisation, qu’il faut le mettre par terre.  

Pour beaucoup de chefs d’entreprises, la campagne présidentielle aura été pathétique parce qu’incapable de dégager un vrai projet de réformes dans le cadre du système actuel. Ce qui inquiète tous les acteurs du monde économique, c’est que près de la moitié des électeurs va voter pour des candidats hors ou contre système. Quand vous ajoutez les partisans réunis par Jean-Luc Mélenchon, les écologistes de Yannick Jadot et les autres, ceux de Philippe Poutou, de Fabien Roussel, de Jean Lassalle, de Nathalie Arthaud auxquels il faudrait ajouter l'extrême droite historique et ceux qui se retrouvent dans le rang de Marine Le Pen et d’Eric Zemmour, on arrive à un total impressionnant d’électeurs qui a priori ne se retrouvent ni dans le système politique, ni dans le système économique. 


La plupart des candidats se sont placés hors système en multipliant des promesses complètement irréalisables ou alors en militant officiellement pour un changement (de régime et de constitution en tournant de dos au système capitaliste, d’économie de marché). 

Alors, on ne sait pas si tous ces électeurs adhèrent véritablement aux idées présentées par ceux pour qui ils vont voter, on ne sait pas si tous les électeurs de Mélenchon ou de Yannick Jadot seraient prêts à vivre dans un système dessiné par leurs champions. Ça n’est pas sûr, beaucoup se sont rassemblés pour manifester leur rejet d’Emmanuel Macron, certains s‘opposent à une modalité du fonctionnement actuel, beaucoup sont mécontents de leur sort. N’empêche qu’ils donnent du grain à moudre à ceux qui sont « contre tout ». 

Selon un sondage Opinion way réalisé pour Legalstar, un groupe de conseil juridique et fiscal pour les entreprises privées, plus de la moitié des chefs d’entreprise ont déjà choisi de voter pour Emmanuel Macron, 10% préfèrent Valérie Pécresse et 10% Éric Zemmour et presque 10% des chefs d’entreprises sont attirés par Jean Luc Mélenchon. On imagine qu’ils ne sont pas là pour aider le leader de la France insoumise mais pour remplacer le système capitaliste et d’économie de marché par un autre système dont on connaît d’ailleurs très mal l'architecture et le modèle. 

Bref, il y a toujours eu des votes protestataires mais pas dans cette proportion. Le corolaire de ce phénomène, c’est qu’il n’existe pas de majorité alternative au système dans lequel nous vivons et qui sera géré par le président qui sortira des urnes au deuxième tour. 

La conséquence, c’est que le pays aura du mal à trouver des solutions politiques aux crises qui pourront se présenter. 

En clair, la situation politique est telle que la campagne présidentielle, avec son inflation de promesses, son incohérence, son impossibilité de consolider des partenariats, se transforme en un magasin d’illusions, et par conséquent, en une machine à créer des frustrations puis une fabrique de gilets jaunes.  

Les gilets jaunes en France ont d’abord rassemblé des automobilistes en colère contre le prix de l’essence qui, à l’époque, était monté à plus de 1,10 euro.  Aujourd'hui, il est à plus de 2 euros. Mais très vite, la colère des rond-points a contaminé d’autres segments de la population qui avaient de vraies difficultés à vivre leur quotidien et qui exprimaient aussi une véritable incompréhension sur la façon dont fonctionne le système. Leur ressenti était très surement supérieur à la réalité, sauf que le ressenti compte plus que la réalité. 

A la fin, ce mouvement des gilets jaunes, qui n’a pas pu s’organiser et dégager des propositions cohérentes et responsables, a coagulé tous les courants populistes et anti tout. Anti capital, anti mondialisation, anti Bruxelles, anti-masques, anti covid, anti -vaccins, anti-chefs, antis riches.  Lesquels se  retrouvent  dispatchés sous la bannière de beaucoup de candidats à la présidentielle.

La gouvernance assurée par les représentants de ses armées d’anti système déboucherait rapidement sur un chaos pire que le mal qu’il veulent dénoncer. « Ceci étant, so what ? » comme disait Churchill en donnant au pragmatisme les clefs de l’évolution, parce que le pragmatisme a, par définition, obligation de résultats. 

La France politique n’est plus partagée entre ceux qui se sentent à gauche et ceux qui se sentent à droite. Elle est clivée entre les pro business et les anti business. Entre ceux qui, au nom de l’efficacité, estiment que le système peut s’amender de ses erreurs et ceux qui ne le croient plus capable. Le problème est que ceux-là n’ont rien pour le remplacer. Le comble dans cette présidentielle, c’est que nous avons beaucoup de candidats qui avouent en privé et parfois en public, qu‘ils ne sont pas sur la ligne de départ pour gagner et gouverner. Ils ajoutent même qu’ils ne seront jamais élus. C’est, ou bien de l’honnêteté ou bien du cynisme absolu. C’est peut être les deux à la fois.

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