Présidentielle 2022 : Taubira et la gauche pataquès<!-- --> | Atlantico.fr
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L'ancienne ministre de la Justice Christiane Taubira pose après avoir visité le siège de ResoNantes, une association qui lutte contre les violences conjugales, le 10 janvier 2022.
L'ancienne ministre de la Justice Christiane Taubira pose après avoir visité le siège de ResoNantes, une association qui lutte contre les violences conjugales, le 10 janvier 2022.
©LOIC VENANCE / AFP

Campagne électorale

Alors que la gauche est déjà largement fragmentée, Christiane Taubira devrait mettre fin au suspense de sa candidature à l'élection présidentielle de 2022 lors d’un déplacement à Lyon, ce samedi. La gauche comptera, avec elle, six principaux candidats, dont aucun pour l’instant ne dépasse la barre des 10 % dans les sondages.

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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Quel pataquès ! Une gauche éclatée réduite à un petit 25 % des intentions de vote ; des candidats favorables à l’union à condition qu’elle se fasse sur leur nom ; une primaire populaire spécialement organisée pour obtenir le rassemblement mais dont la plupart des « candidats », Mélenchon, Roussel, Jadot, Hidalgo, enrôlés sans leur consentement, récusent tour à tour la légitimité ; des militants en grève de la faim pour inciter les têtes de liste à se rallier à cette primaire – bref, la gauche est en pleine crise de nerfs et c’est le moment que Christiane Taubira a choisi pour annoncer sa possible candidature au nom de… l’union de la gauche :

« J‘envisage d’être candidate à l’élection présidentielle de la République française. Je ne serai pas une candidate de plus. Je mettrai toutes mes forces dans les dernières chances de l’union. (…) Je vous donne rendez-vous à la mi-janvier. » (Twitter, 17 décembre 2021)

Nous sommes donc mi-janvier et l’ancienne garde des Sceaux de François Hollande a confirmé qu’elle se présenterait à l’élection présidentielle si elle arrivait en tête de la primaire populaire qui se déroulera en ligne à la fin du mois. Il faut dire qu’elle part avec deux longueurs d’avance : les « citoyens » inscrits au vote l’ont placée en tête de leurs choix et quoique sans programme à ce jour, elle coche toutes les bonnes cases de la convergence des luttes de la gauche éternelle :

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« Ce qui compte, c’est cette belle ambition d’égalité, de justice sociale, de volontarisme écologique. » (ibid.)

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Tout est dit.

Mais rien n’est fait. Si Christiane Taubira veut croire en sa bonne étoile, en son lyrisme évocateur qui emporte tout sur son passage et à son incontestable popularité à gauche (54 % contre 34 % pour Anne Hidalgo), elle fait aussi partie des personnalités les plus rejetées des Français (45 %) selon le baromètre Odoxa-Mascaret de décembre 2021, un point qu’elle a en commun avec la maire de Paris, quoi qu’elle pense de ses qualités de rassembleuse (cliquer pour agrandir) :

POPULARITE GLOBALE :

POPULARITE GAUCHE / DROITE :

REJET GLOBAL : 

Quant à l’élection présidentielle elle-même, on ne peut pas dire pour l’instant que son arrivée dans la course ait fondamentalement modifié le paysage électoral. Avec un petit 3,5 % grappillé chez ses concurrents de gauche (dont un point chez Macron), Mme Taubira parvient tout juste à faire passer son camp de 24 à 25 % des intentions de vote sans remettre en cause la domination locale du candidat insoumis Jean-Luc Mélenchon (sondage IFOP du 10 janvier 2022) :

SANS TAUBIRA : 

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AVEC TAUBIRA :

Rien de franchement fulgurant, donc, ce qui semble accréditer la thèse qu’elle est bien une candidate de plus – et rien de plus.

De quoi nous rappeler que pour la présidentielle de 2002, la gauche décidément très plurielle alignait le Premier ministre socialiste sortant Lionel Jospin, Noël Mamère pour les Verts, Robert Hue pour le PCF et l’électron libre Jean-Pierre Chevènement, sans oublier les incontournables Laguiller et Besancenot à l’extrême-gauche. Déjà effrayée par la perspective d’une gauche morcelée, Christiane Taubira s’était alors présentée sous les couleurs du Parti radical de gauche (PRG) avec le louable objectif« d’augmenter les chances de la gauche ».

Il faut dire qu’à l’époque, en tant que députée de la Guyane (depuis 1993 – voir repères biographiques en fin d’article), sa verve dans les débats de l’Assemblée nationale lui avait valu les félicitations appuyées du député RPR et futur Président du Conseil constitutionnel Pierre Mazeaud :

« Chère collègue, je vous savais économiste, je découvre un grand parlementaire. Dans un cas comme dans l’autre : talentueux. » (1997)

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Puis en 2001, consécration nationale avec la loi qui porte son nom sur la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité. Curieusement, la loi en question s’intéresse surtout à la traite négrière atlantique (11 millions de victimes estimées). Pourtant d’autres chemins d’asservissement ont existé, notamment la traite orientale (17 millions de victimes estimées) et la traite intra-africaine (14 millions).

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D’après le journaliste Éric Conan dans l’Express en 2006, Christiane Taubira souhaitait que la traite arabo-musulmane soit minimisée afin que les « jeunes Arabes ne portent pas sur leur dos tout le poids de l’héritage des méfaits des Arabes. » Compte-tenude la vision extrêmement partielle voire partiale de cette loi, les historiens se sont inquiétés à juste titre pour la vérité historique et pour leur liberté de recherche du fait de l’intrusion du législateur et du juge dans leur domaine. L’historien Olivier Pétré-Grenouilleau en a fait les frais en étant attaqué en justice au nom de la loi Taubira, laquelle définit de fait une histoire officielle.

Mais détail sans importance que tout ceci. À l’Assemblée nationale, dans la presse et dans la propre tête de la députée, une immense star de la politique et de la justice était née.

On connait la suite. Un score sans lustre de 2,32 % des voix en 2002, Jospin éliminé au premier tour et Jean-Marie Le Pen qualifié pour un second tour contre Jacques Chirac. De là à penser que sa candidature, loin de favoriser la gauche, l’a complètement plombée, il n’y a qu’un pas, franchi allègrement par les jospinistes. Taubira, en revanche, refuse toute responsabilité dans la débâcle, parle de son éthique personnelle et de sa loyauté totale envers la gauche. Il y a un an, elle assurait même :

« S’il fallait recommencer, je recommencerais. »

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Nous y voilà !

Échec en vue ? Écoutons le candidat écologiste Yannick Jadot, c’est lui qui en parle le mieux :

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« Il y a une sorte de déprime organisée, qui est de dire ‘on va perdre, on va perdre, on va perdre… Renfermons-nous ensemble, tenons-nous la main pour mourir ensemble.’  » (Tweet ci-dessous)

Et puis, souligne-t-il, où est le programme de la candidate providentielle ? Bonne question, à seulement trois mois du scrutin.

Du reste, quel bilan a-t-elle à mettre en avant, elle qui est restée quatre ans au ministère de la Justice ?

Eh bien, il est généralement jugé assez « maigre », tant par les magistrats du syndicat majoritaire que par les observateurs les plus Taubira-compatibles de notre vie politique. Le Mariage pour Tous, voté un an après l’arrivée des socialistes au pouvoir malgré la forte opposition de la population, est incontestablement son principal fait d’armes. Mais quoi qu’on en pense, il a de toute façon peu de rapport avec le fond des missions régaliennes de l’État.

Deuxième action menée à bien, elle a supprimé les peines planchers instaurées par Sarkozy, comme le candidat Hollande l’avait promis. Il s’agissait de peines minimums applicables aux délinquants récidivistes. Leur suppression a renforcé sa réputation laxiste auprès de la droite et a inauguré une animosité durable entre elle et Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur.

Son atout en matière pénale consistait également en une réforme de la justice des mineurs et la mise en place de la contrainte pénale, c’est-à-dire une peine alternative à la prison ferme. Mais ces derniers points n’ont donné que des résultats mitigés, les magistrats se servant très peu des possibilités de la contrainte pénale alors que le sursis avec mise à l’épreuve existe déjà. Et finalement, quand Jean-Jacques Urvoas a succédé à Mme Taubira en 2016, il n’a eu d’autre choix que d’alerter la France sur les moyens absolument miséreux du ministère de la Justice.

Il est clair que Christiane Taubira aime s’enivrer de mots et de grandes envolées poético-littéraires qui lui donnent l’impression d’avoir un impact décisif sur les orientations de la vie politique française.

Un peu comme Emmanuel Macron, en fait. Mais ce dernier, en tête des sondages avec un score de 23 à 25 % et absolument dénué de toute rêverie quand il s’agit d’assurer son avenir présidentiel, n’a pas oublié de rappeler « d’où (il) vient » dans son grand entretien sur TF1/LCI de décembre dernier : il vient de la gauche. Avis à tous les déçus de Mélenchon, Jadot, Hidalgo… et Taubira. Ça promet.

Christiane Taubira – Repères biographiques

1952 : Naissance à Cayenne, Guyane.
1977 : DEA en sciences économiques, université Panthéon-Assas – Licence en sociologie – Certificat en ethnologie afro-américaine – Certificat en agro-alimentaire.
1978 – 1982 : Professeur de science économique.
1978 – 1981 : Militantisme indépendantiste pour la Guyane.
1993 – 2012 : Députée de Guyane.
1994 : Quatrième sur la liste du PRG « Énergie radicale » menée par Bernard Tapie pour les élections européennes.
1994 – 1999 : Députée européenne (en plus de son mandat français).
2001 :Loi Taubira « tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité ».
2002 : Candidate du PRG à l’élection présidentielle (2,32 % des voix).
2012 : Suite à l’élection de François Hollande, elle devient garde des Sceaux.
2013 : Loi sur le Mariage pour tous.
2016 : Démission du gouvernement en raison de son hostilité à la déchéance de la nationalité pour les terroristes voulue par Hollande.
2017 : Elle soutient Benoît Hamon lors de la primaire de gauche.
2022 : Candidate à la primaire populaire en vue de l’élection présidentielle.

Cet article a été initialement publié sur le site de Nathalie MP : cliquez ICI

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