Présidence française de l’Union Européenne: Quels enjeux pour Emmanuel Macron ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) débute officiellement ce 1er janvier 2022,
La présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) débute officiellement ce 1er janvier 2022,
©JOHN THYS / POOL / AFP

PFUE

La présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) débute le 1er janvier 2022, pour une durée de six mois. Emmanuel Macron s’est montré très ambitieux, et a dévoilé la devise de la présidence française : relance, puissance, appartenance.

Pierre Clairé

Pierre Clairé

Pierre Clairé est analyste du Millénaire, think-tank gaulliste spécialisé en politiques publiques diplômé du Collège d’Europe

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Dans quelques heures, la France va succéder à la Slovénie et prendra la Présidence tournante de l’Union Européenne. Lors d’une conférence de presse le 9 décembre dernier, Emmanuel Macron a révélé ses priorités pour cette présidence et s’est montré extrêmement ambitieux, rappelant son célèbre discours prononcé à la Sorbonne en 2017.

Alors que le Président de la République a annoncé vouloir modifier en profondeur l’Union et apporter des réponses à des problèmes importants, les Européens risquent d’être déçus. En effet, l’accès à la Présidence tournante du Conseil de l’Union Européenne ne signifie pas que les pleins pouvoirs seront accordés à la France et Emmanuel Macron va se confronter au long processus législatif bruxellois et aux divergences entre États qui vont énormément réduire son champs d’action… 

Qu’est-ce que la Présidence tournante de l’Union et qu’est-ce que cela signifie ?

Le 1er janvier 2022, la France va donc présider le Conseil de l’Union Européenne, que certains appellent le Conseil des Ministres, durant six mois. Selon l’ordre du jour, le Conseil de l’Union Européenne réunit les vingt-sept ministres des sujets en discussion (défense, santé, économie etc.) et travaille sur des textes législatifs proposés par la Commission. Les ministres analysent, trouvent une position commune sur lesdits textes et ensuite négocient avec le Parlement Européen, autre institution législative, qui a réalisé le même travail en parallèle. Le Conseil s’assure que les intérêts des gouvernements nationaux soient défendus et durant 6 mois c’est la France qui va s’assurer du bon fonctionnement de cette Institution et que l’étude des textes suive son cours.

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Depuis 2007 et le Traité de Lisbonne, les présidences du Conseil de l’Union Européenne se présentent sous la forme de « triplets », forçant ainsi les différents États appelés à présider à se concerter et à assurer une forme de continuité. La France va ainsi inaugurer un nouveau triplet, complété par la République Tchèque et la Suède et va accéder à la Présidence tournante de l’Union pour la première fois depuis 2008. Cette année-là, Nicolas Sarkozy avait marqué les esprits et nul doute qu’Emmanuel Macron cherchera à imiter son ainé pour véritablement s’imposer comme un « grand défenseur de l’Europe ». Pourtant il faut se montrer réaliste, face à la toute-puissance de la Commission qui a le monopole de l’initiative législative, le pays assurant la Présidence tournante de l’Union a une influence limitée. Le principal intérêt de cette Présidence est d’avoir une influence sur l’agenda des textes étudiés et des décisions prises par le Conseil: si un texte semble en accord avec les priorités énumérées par Macron, la France pourra alors accélérer les discussions mais rien de plus…

Des annonces extrêmement ambitieuses… pour mieux décevoir ?

Lors de la présentation des priorités de la Présidence Française, Emmanuel Macron s’est montré très ambitieux, et a dévoilé la devise de la Présidence Française : relance, puissance, appartenance. Les thèmes abordés lors de sa conférence de presse (réforme de l’espace Schengen, nouveau modèle de croissance avec de nouvelles règles budgétaires, régulation du secteur du numérique, réforme de Frontex, défense européenne, santé et souveraineté industrielle ou transition verte) sont des thèmes importants voire vitaux pour la survie de l’Union Européenne mais ne sont pas nouveaux. Si une solution est trouvée sur ces points durant la Présidence Française de l’Union Européenne, Emmanuel Macron passera comme le grand instigateur de ces changements, alors que ces questions sont sur la table depuis de longs mois et que de nombreux experts ou gouvernements ont abordé ces sujets avant Macron.

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Pour que la Présidence Française de l’Union Européenne soit un succès, il faut que Macron et la France se distinguent par leur capacité de synthèse, en offrant des réponses aux problèmes que tous les gouvernements  rencontrent afin que l’on aboutisse à une décision. Ceci semble assez difficile pour la France car les clivages en Europe n’ont jamais été aussi prononcés (on peut parler de « plusieurs Europes » irréconciliables), que les thèmes choisis par la France sont nombreux, qu’Emmanuel Macron est assez clivant en Europe (Angela Merkel arrivait mieux à rassembler, ce qui a permis de faciliter les négociations lors de la récente présidence allemande) et que l’élection présidentielle française va vite arriver ce qui va casser la dynamique.

Florence Ferrari, ambassadrice de France à Ljubljana, a préparé intensivement la transition entre les présidences slovène et française. Et même si elle a loué l’action slovène, notamment en ce qui concerne la transition verte, elle a reconnu que la continuité est essentielle pour les présidences tournantes car les dossiers prennent bien plus de six mois à être adoptés. Il sera ainsi difficile pour Emmanuel Macron de révolutionner l’Union Européenne en un semestre, mais ce n’est évidemment pas son seul but…

Une aubaine pour Emmanuel Macron

À défaut de résultats probants et d’avancées d’envergures, cette Présidence Française pourrait représenter une incroyable « coup de com’ » pour Emmanuel Macron. À quelques semaines de l’élection présidentielle et alors que sa candidature ne semble plus faire de doute, il pourrait en effet se retrouver sur le devant de la scène, abordant des thèmes qui lui sont chers alors que ses principaux rivaux peinent à convaincre sur les questions européennes.

Alors qu’il aurait pu demander le report de la Présidence Française pour cause d’échéance électorale, le Président de la République a décidé d’assumer ses fonctions pour ainsi faire de l’Europe l’un des thèmes majeurs de la campagne et se placer « au-dessus de la mêlée ». Il est regrettable de voir Emmanuel Macron se servir ainsi de l’Europe à des fins électoralistes et on ne peut qu’espérer que le bon fonctionnement des Institutions ne sera pas affectée par ces stratégies politiciennes. Devant les problèmes que nous rencontrons, il est nécessaire de réformer l’Union Européenne, mais l’entreprise est bien plus complexe que ce que le Président de la République veut nous le faire croire.

En 2017, dans son discours de la Sorbonne, Emmanuel Macron déclara « Je suis venu vous parler d’Europe. ‘Encore’ diront certains. Ils devront s’habituer parce que je continuerai » et ces paroles sont encore plus d’actualité aujourd’hui car les électeurs français vont énormément entendre parler d’Europe, pour le plus grand bonheur du Président Macron…

Pierre Clairé, analyste du Millénaire, think tank gaulliste spécialisé en politiques publiques et diplômé du Collège d’Europe

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