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Entreprise : le présentéisme étouffe les carrières des femmes
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Sexes au bureau

Les inégalités homme-femme perdurent en France notamment parce que l’un des critères d’efficacité professionnel est le présentéisme. Si vous n'accumulez pas les heures au bureau, point de promotion ! Or, cette attitude n’est en rien un gage d’efficacité professionnelle. En la remettant en cause, notamment en encourageant le travail hors des bureaux, les deux sexes pourraient y trouver leur compte.

Antoine  de Gabrielli

Antoine de Gabrielli

Antoine de Gabrielli est dirigeant de Companieros, fondateur de l'association Mercredi-c-papa et initiateur du projet Happy Men. Blogueur sur la question de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes (www.mercredi-c-papa.com), il est également membre de la Commission égalité professionnelle du Medef, de la Charte de la Diversité, de l'Association Française des Managers de la Diversité (AFMD) et du Club XXIème siècle qui œuvre pour l'intégration républicaine. Suivez Antoine de Gabrielli sur Twitter : @happy_men_fr ou @adegabrielli 

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Bien que de nombreux efforts aient été réalisés ces dernières années, les inégalités entre hommes et femmes dans les entreprises restent fortes : les écarts salariaux sont encore de 16% en moyenne à compétences égales ; les différences d’accès aux postes à responsabilités bougent peu, sinon sous l’effet de quotas : 6,8% seulement des membres de comités directeurs (codir) ou comités exécutifs (comex) étaient des femmes fin 2010 (1).

Des actions correctrices et des rattrapages progressifs ont été ces mis en place dans nombre d’entreprises, mais on ne peut que s’étonner de l’extrême lenteur des progrès face à une discrimination pourtant aujourd’hui connue et mesurée.

Partons du postulat que cette lenteur provient moins de la persistance d’une volonté discriminatoire que de la culture même des organisations, ancrée sur une norme implicite de performance masculine. Un préalable est de prendre conscience de la réalité et du poids de cette norme masculine qui contribue pour une large part au plafond de verre féminin, mais il génère également de nombreux déséquilibres pour les hommes.

L’enjeu sera alors de faire évoluer les cultures d’entreprise en promouvant des modes de travail plus efficaces parce que plus respectueux des besoins des femmes et des hommes. Bénéficiaires directs de cette évolution, ces derniers en deviendront plus volontiers les moteurs.

La dictature du présentéisme

Dès 2004, l’Observatoire de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (ORSE) dénonçait le poids du présentéisme dans la question de l’accès des femmes aux responsabilités : « La culture du présentéisme pénalise fortement les femmes : l’amalgame entre assiduité et disponibilité, présence et résultats sont monnaies courantes dans les entreprises. Dans la représentation collective dominante, un temps de présence important sur le lieu de travail est considéré comme la preuve de l’engagement professionnel (2). »

Quand les femmes cadres répondent à la question « Quels sont les principaux freins, selon vous, à la carrière des femmes ? », le présentéisme est placé en 2ème position, à 50% (4 points au-dessous de « préjugés des hommes » et plus de 10 points au-dessus de « la maternité » !) (3). Du côté des entreprises, pour 62% des responsables des ressources humaines, « la disponibilité des femmes » est le principal frein à leur carrière, manière déguisée de pointer un présentéisme impossible pour les femmes (4). Ces chiffres permettent de relativiser l’importance de la maternité et de mettre en lumière le rôle crucial du présentéisme dans le « plafond de verre » féminin. Tant que le volume horaire de présence dans les locaux d’une l’organisation sera considéré comme une preuve individuelle d’investissement et d’implication, il restera donc difficile à des femmes, qui statistiquement prennent en charge 80% des tâches domestiques, de faire jeu égal avec leurs collègues masculins pour des postes à responsabilités.

Or, il est important de comprendre que ce présentéisme n’est pas une donnée naturelle de l’entreprise mais s’ancre, en fait, dans une norme masculine de performance. C’est ce qu’éclairait par exemple Jacqueline Laufer dans le baromètre annuel CapitalCom sur la mixité en mars 2009 : « des règles organisationnelles qui se donnent comme neutres se sont en fait calquées sur des modèles masculins (par exemple un modèle masculin d’investissement professionnel ou d’horaires de travail). Elles jouent au détriment des femmes et contribuent à entretenir leur rareté au sommet des organisations (5)».

Si cette norme culturelle du présentéisme est pénalisante pour les femmes, elle suscite toutefois également de nombreux déséquilibres chez les hommes : elle fait verrou à la recherche de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, nuit au bien-être au travail et peut générer de dangereux excès de stress. Même si elle est issue d’une culture masculine de l’entreprise, elle est difficile à remettre en cause par les hommes car elle fait partie de stéréotypes transparents, installés dans l’inconscient collectif d’une majorité de managers : à ce titre elle est clairement constitutive d’un « plancher de verre » (6)  masculin parfois aussi contraignant que le plafond de verre féminin.

(suite de cet article demain, dimanche, dans Atlantico....)

(1) - Baromètre annuel CapitalCom sur la mixité, mars 2009.

(2) - ORSE Etude « l’accès des femmes aux postes à responsabilités dans les entreprises » février 2004.

(3) - APEC 2008 « Les femmes cadres jugent le monde du travail »

(4)- Etude Grandes Ecoles au Féminin 2005

(5) - Baromètre annuel CapitalCom sur la mixité, mars 2009.

(6) - Mercredi-c-papa « Préjugés sexistes : et si les hommes étaient également victimes ? » juin 2011

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