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Pouvoir d’achat : les 5 raisons pour lesquelles le gouvernement aura du mal à convaincre les Français
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

PLF 2019

Le gouvernement a officiellement dévoilé ses objectifs pour le budget 2019 ce lundi 24 septembre.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : En quoi la promesse du gouvernement de faire baisser les impôts de 6 milliards d'euros est, en elle-même, peu crédible, dans un contexte ou certaines hausses viendront "compenser" les baisses ? 

Philippe Crevel : L’Observatoire Français des Conjonctures Economiques (OFCE) souligne que les baisses d’impôt s’élèveront à 3,5 milliards d’euros contre 6 milliards pour le Gouvernement. L’OFCE intègre le manque à gagner en termes de prestations sociales quand le Gouvernement ne le prend pas en compte. Ce dernier met en avant 9,1 milliards de baisses, compensées par 3,1 milliards de hausses.
Pour les ménages, es 9,1 milliards d’euros se décomposent de la manière suivante :
  • baisse de la taxe d'habitation des Français (3,8 milliards d'euros),
  • suppression de certaines cotisations salariales (4,1 milliards d'euros),
  • baisse de la CSG pour 300.000 retraités (350 millions d'euros),
  • ·exonération de cotisations sur les heures supplémentaires (600 millions),
  • mise en place du prélèvement forfaitaire unique, PFU (300 millions d'euros).

Au niveau des hausses figurent :
  • la fiscalité énergétique (1,9 milliard d'euros),
  • les droits sur le tabac (400 millions d'euros)  
  • les restrictions du périmètre du CITE (crédit d'impôt pour la transition énergétique -  800 millions d'euros).
Conclusion, le Gouvernement jongle entre les promesses incontournables, sa volonté d’avoir un profil moins à droite et les engagements européens. De ce fait, le déficit public atteindra 2,8 points de PIB contre 2,6 % en 2017. Par ailleurs, l’effort de réduction du déficit structurel, indépendamment des effets de conjoncture est quasi-nul, 0,3 point de PIB, en 2019, quand le Gouvernement avait pris l’engagement devant les autorités européennes d’atteindre 0,5 point de PIB. Le Haut Comité des Finances Publiques estime que l’exécutif s’en remet une fois de plus à la bonne tenue de la conjoncture pour limiter la dérive du déficit. Il souligne que la France ne réduit pas encore la part de la dette dans la richesse nationale, « à la différence de la quasi-totalité des pays européens ».

En quoi la différence des profils des contribuables, et des consommateurs, peuvent  rendre une telle situation illisible ? 

Depuis plusieurs années, face à la difficile équation budgétaire, les gouvernements pratiquent à merveille le jeu de bonneteau. Les augmentations et les baisses d’impôts se déplacent d’un chapeau à l’autre ni vu, ni connu. De même, le consommateur est appelé à la rescousse en contrepartie des allègements opérés au bénéfice du contribuable. Le Gouvernement donne ce qu’il a pris hier avant de le reprendre demain. Nul n’y retrouve ses petits mais c’est le but. Il en est également ainsi avec les cotisations sociales. Les exonérations ne font que compenser leur niveau excessif. La France aime les niches fiscales qui atténuent des prélèvements exorbitants.

En quoi les Français, ont tendance à trop se reposer sur l'État concernant le pouvoir d'achat, et ce, bien au-delà de ses capacités réelles ? 

Les dépenses publiques s’élèvent en France à 56 % du PIB, un record mondial. De ce fait, la vie économique et sociale dépend de la présentation des lois de finances. Par ailleurs, la France, pays centralisé, aux corps intermédiaires faibles, reste suradministrée. Les Français considèrent à juste titre payer trop d’impôt mais ils sont les premiers à hurler quand des prestations diminuent. Il y a une dépendance forte à la dépense publique.

En quoi les dépenses contraintes, de l'essence au loyer en passant par les prix du gaz, peuvent-elles toucher de façon disproportionnée les ménages, et ce, bien au-delà des capacités du Gouvernement ? 

Les ménages qui habitent en milieu rural ou au sein d’une banlieue mal desservie sont évidemment frappés par les mesures du Gouvernement d’autant plus si leur travail est éloigné de leur lieu de résidence. Les histoires de gains et de pertes sont des moyennes qui par nature ne prennent pas en compte les situations individuelles. Les retraités soumis à la CSG ne bénéficiant pas de la baisse de la taxe d’habitation et qui de plus vivent en milieu rural sont soumis à une double peine. Ils perdent sur tous les tableaux.

De manière générale, en quoi les hausses de pouvoir d'achat, même lorsque celles-ci sont réelles, peuvent passer politiquement inaperçues par les électeurs ? 

Dans son projet de loi de finances présenté lundi, le Gouvernement promet 6 milliards de baisses d’impôts pour les ménages dans un contexte de faible croissance.
Le revenu disponible brut des ménages s’élève à 1 400 milliards d’euros. L’État reversera 6 milliards d’euros, soit 0,4 % du revenu disponible brut. Nous sommes dans l’épaisseur de l’épaisseur du trait. L’inflation a des effets bien plus considérables. Du fait de l’indexation partielle des pensions, elle réduira le pouvoir d’achat des retraités de 4,8 milliards d’euros.
Le consommateur est plus sensible aux hausses d’impôt qu’à leur baisse, à la remise en cause d’une prestation qu’à son augmentation. Par ailleurs, en corrigeant le tir, le gouvernement n’efface pas la première attention. En réduisant la CSG pour 300 000 retraités, il rappelle aux autres que leur pension a été amputée. Pour les heureux bénéficiaires, il n’y voit que justice et non pas aide de l’Etat. C’est la dure loi de la politique.

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