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Pouvoir d’achat : qui sont ces Français qui seront le plus touchés par la non revalorisation des aides sociales ?
©ERIC PIERMONT / AFP

Plus ou moins

Selon les Echos, l'exécutif souhaiterait geler certaines aides sociales, RSA exempté. Mais c'est un casse-tête.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Confronté à un ralentissement de la croissance, le gouvernement doit faire face à ses obligations budgétaires et trouver des pistes d'économies pour son prochain budget. Selon les informations publiées par les Echos, l’exécutif souhaiterait trouver ces ressources en renonçant à la revalorisation des aides sociales. Si le RSA pourrait ne pas être concerné, à la demande d'Agnès Buzyn, ministre de la santé, comment dresser le panorama de ce choix ? Quelles seront les aides concernées, et quels seront les Français les plus touchés par ce choix ?

Selon la direction des études statistiques du Ministère des Solidarités et de la Santé, les prestations sociales ont atteint 714,5 milliards d'euros en 2016. La France occupe en la matière le premier rang mondial. Elles représentent plus de 32 % de notre PIB quand au sein de l’Union européenne la moyenne est de 27 %.  91 % des prestations sont versées par des administrations publiques en France, et 9 % par le secteur privé (complémentaires par exemple).  La retraite et la santé constituent les deux principaux postes de dépense (81 % des dépenses de protection sociale) Elles sont suivies des prestations familiales (8 %) et de celles liée à l'emploi (chômage, insertion, 6 %). Comme le logement, la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale représente 3 % des dépenses. Les pensions de retraite, plus de 323 milliards d’euros, versées à 16 millions de personnes constituent le premier pôle de dépenses sociales en France.

Depuis la grande récession de 2009, plusieurs gels partiels ou totaux des prestations sociales ont été mis en œuvre. En 2014, Manuel Valls avait annoncé un gel de toutes les prestations sociales pendant 18 mois. Les retraites, les allocations familiales, les aides à la garde d'enfant et au logement avaient été concernés. Seuls les minima sociaux comme le RSA ou le minimum vieillesse avaient été épargnés. François Fillon en tant que Premier Ministre de Nicolas Sarkozy avait gelé les prestations familiales.

Pour le gel version 2018/2019, le RSA et les minimas sociaux ne devraient pas être touchés. A priori, le gouvernement pourrait ne pas revaloriser les aides au logement. Il a déjà prévu un gain d’un milliard d’euros en modifiant les règles de prise en compte des revenus pour le calcul de la prestation. Actuellement, ce sont les revenus d’il y a deux ans qui sont pris en compte. En 2019, ce sera le revenu de l’année en cours. Ce qui va donc diminuer les montants d’aides de ceux dont les revenus ont augmenté entre temps. Une non revalorisation en fonction de l’inflation qui pourrait être de 2 % permettrait également de gagner 900 millions d’euros.

Si le gel concernait les pensions de retraite, le gain serait alors de 6 milliards d’euros, une véritable aubaine. Mais, les retraités qui ont du subir la hausse non compensée de la CSG risquent de trouver la facture très lourde.

Le gel des allocations familiales qui toucherait les familles permettrait une économie de 1,4 milliard d’euros. Le Gouvernement travaille sur une autre piste, leur suppression pour les plus hauts revenus. Elles sont déjà diminuées à partir d’un certain niveau de revenu. La suppression totale ne fait pas l’unanimité au sein de la majorité.

Le gel des allocations chômage pourrait également procurer un gain de près de 2 milliards d’euros. Comme pour les allocations familiales, la majorité travaille sur une diminution des droits pour les hauts-revenus, les cadres en particulier.

En période d’inflation, le gel des prestations a des effets importants qui se traduit par une réduction du pouvoir d’achat des bénéficiaires.

Alors que la remontée de l'inflation a pu avoir un impact sur le pouvoir d'achat des Français lors de ce début d'année 2018, comment évaluer l'impact général de cette absence de revalorisation ? Quelle sera la baisse de pouvoir d'achat consécutive au choix fait par le gouvernement ?

Pour les 20 % les plus modestes, les prestations sociales représentent la moitié des revenus. De ce fait, leur gel a évidemment un effet sur cette population. La baisse de leur niveau de vie se situera entre 0,2 à 0,5 % en fonction des aides concernées. Tout dépendra évidemment de l’évolution des revenus d’activité. Si la croissance s’améliore durant le second semestre 2018 et au cours de l’année 2019, les effets négatifs du gel seront moindres qu’en cas de confirmation du ralentissement économique.

N'y a-t-il pas un risque, avec une telle réforme, de venir également affaiblir la consommation et donc la croissance ? Dans un contexte de ralentissement économique, ce choix est-il opportun ?

Les effets économiques des revalorisations des prestations sociales sont faibles voire nulles. Si elles contribuent à relancer un peu la consommation, elles provoquent surtout une augmentation des importations et une dégradation du solde commercial français. Elles ont peu d’impact sur l’emploi. Bien au contraire, comme il faut les financer, elles aboutissent bien souvent à des destructions d’emploi. La hausse des prestations sociales se terminent par des augmentations d’impôt et de cotisation qui renchérissent le coût du travail. Ce renchérissement nécessite alors une hausse des gains de productivité ce qui pénalise l’emploi des personnes à faible qualification. Par ailleurs, il incite à la délocalisation des activités. La hausse des prestations dissuade également le retour sur le marché de l’emploi d’une partie de la population. Ces prestations sont assimilables à des drogues. Elles soulagent certes mais il faut en permanence augmenter les doses pour obtenir le même résultat. Les pouvoirs publics, pour soigner autant que possible leur popularité, par faiblesse ou au nom d’un keynésianisme mal assimilé, aiment à accroître les allocations en tout genre. Parier sur l’investissement, reformer en profondeur exigent du temps quand distribuer une allocation est immédiat.

En période de croissance, les gouvernements aiment à être généreux. Ils ne pensent que leurs décisions obèreront souvent les finances publiques quand la croissance ne sera plus au rendez-vous. De ce fait, il n’y a jamais de bon moment pour arrêter une spirale d’aides sociales. Il est certain que les dirigeants devraient prendre l’engagement de repasser en-dessous de 30 % du PIB le poids des dépenses sociales. Des économies sont sans nul doute réalisables en matière d’aides au logement, de prestations chômage. Le risque, c’est évidemment l’embrasement de certains quartiers qui ne vivent que sous respiration d’aides publiques. Il faudrait donc avoir une politique multicanale visant à déghettoïser ces quartiers ou ces villes. La remise à plat des aides sociales ne peut pas être qu’un exercice comptable. 

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