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Poutine un cierge à la main, Poutine à la veillée de Noël... comment (et pourquoi) le patron du Kremlin a investi la sphère religieuse
©ALEXEY NIKOLSKY / SPUTNIK / AFP

Bonnes feuilles

Indiscrétions d’une compagne délaissée ? Révélations d’un collaborateur remercié ? Mémoires de son cheval préféré ? Mieux que tout cela : une grille de lecture de la Russie d’aujourd’hui, preuves à l’appui, le témoignage du premier ambassadeur de France à présenter ses lettres de créances à Vladimir Poutine. Extrait de "Vivre avec Poutine" de Claude Blanchemaison, aux éditions Temporis (2/2).

Claude Blanchemaison

Claude Blanchemaison

Professionnel de la diplomatie, spécialiste des négociations européennes et des questions asiatiques, Claude Blanchemaison ancien ambassadeur de France en Russie, mais aussi au Tadjikistan, en Inde, au Vietnam et en Espagne, est un spécialiste des négociations européennes et des questions asiatiques.

"Vivre avec Poutine" de Claude Blanchemaison

 

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Poutine un cierge à la main, Poutine à la veillée de Noël ou de Pâques à la cathédrale du Christ Sauveur à Moscou, Poutine donnant l’accolade au vieux patriarche Alexis II ou siégeant à côté du patriarche Cyrille, qui lui succéda en 2009. Ces photos sont partout.

Celles également de Vladimir Poutine devisant avec Mgr Tikhon (Chevkounov), le dynamique Supérieur du monastère Sretensky, devenu en 2015 évêque-vicaire de Moscou. Formé au cinéma dans sa jeunesse, il est l’auteur de films documentaires et de nombreux ouvrages, dont « Père Rafaïl et autres Saints de tous les jours ». Il est également secrétaire du conseil pour la culture auprès du patriarche Cyrille. Selon la rumeur publique, non démentie par les intéressés, cet higoumène devenu archimandrite, serait même le directeur de conscience de Poutine. En tout cas, ils se parlent, et sans doute pas uniquement de sujets religieux.

Vladimir Poutine aurait ému George W. Bush, lors de leur première rencontre, en lui racontant que sa mère l’avait fait baptiser en secret et en lui montrant la petite croix qu’il porte autour du cou en mémoire de cet évènement. Tant mieux si cela a été efficace.

Mais il n’a pas renouvelé l’expérience avec Jacques Chirac. A la fin d’une rencontre informelle à Sotchi en 2002, le président français intervient, à la demande du pape, auprès de Poutine en faveur d’un évêque de nationalité polonaise, qui ne parvenait pas à faire renouveler son visa de résidant en Sibérie, où il avait la charge d’un diocèse. Poutine semble tomber des nues, passe deux ou trois coups de téléphone pour s’informer, puis explique que cet évêque est déjà rentré chez lui en Pologne, en ajoutant : « Mais tu sais, il avait beaucoup de problèmes avec l’Eglise orthodoxe russe, il y allait un peu fort, me dit-on, il avait beaucoup d’argent, il avait construit une grande église juste devant la cathédrale orthodoxe et convertissait des gens à tour de bras, en leur distribuant des aides sociales. Cela dit, moi, j’essaye d’éviter d’interférer avec le fonctionnement des Eglises. Bien entendu, je vais à la cathédrale orthodoxe à Pâques et à Noël, cela plaît bien au peuple, mais tout cela m’est un peu égal ! » La part du jeu dans cette boutade ? Toujours est-il que Chirac lui a répondu du tac au tac : « Et bien moi, c’est pareil ! »

Il est loin le temps où Staline disait : « Le pape, combien de divisions ? », une manière de dire ce qu’il pensait du peu de poids que représentait pour lui le Vatican, dépourvu de toute force armée.

Gorbatchev s’est rendu au Vatican à la fin de l’année 1989, peu de temps après la chute du mur de Berlin, pour améliorer les contacts en procédant tout d’abord à un échange de diplomates-résidents. Néanmoins, ce n’est qu’en 2009 que des relations diplomatiques pleines et entières sont établies, à l’occasion d’une visite du président Medvedev. Poutine s’était pourtant rendu trois fois au Vatican auparavant : en 2000 et 2003, pour y rencontrer Jean-Paul II, en 2007 pour y voir Benoit XVI. Il y est retourné, en tant que Président, en novembre 2013 et en juin 2015 pour y rencontrer le pape François. Il a reçu au mois d’août 2017 le cardinal secrétaire d’Etat Parolin. Les échanges à haut niveau sont donc intenses et portent notamment sur la situation des chrétiens d’Orient, sur le futur de la Syrie et de l’Irak, sans doute aussi sur le Vénézuéla et Cuba. Il est possible que Poutine ait dans l’idée de faire accepter au patriarche une visite du pape en Russie. C’est peut-être le sens de l’initiative spectaculaire qui a conduit, à La Havane, en février 2016, à la première rencontre entre le patriarche et le pape, depuis le schisme de 1054, qui marque traditionnellement la rupture entre l’Eglise de Rome et celle de Constantinople. Ils y ont signé une déclaration commune en trente points, dans laquelle on évoque aussi la paix en Europe et la défense des chrétiens d’Orient.

Pendant mon séjour à Moscou, je rencontrais de temps à autre le Prononce, que j’avais connu auparavant à New-Delhi. J’ai organisé, à sa demande en 2002, un déjeuner à la Résidence pour la visite officielle de Mgr Tauran, alors chef de la diplomatie vaticane. J’ai également reçu le cardinal Etchégaray, venu entretenir des contacts en marge d’un colloque auquel il avait été invité à l’Académie des Sciences. Les questions religieuses appartiennent bien à l’arsenal diplomatique et j’ai pu le vérifier dans chacun de mes postes.

Extrait de "Vivre avec Poutine" de Claude Blanchemaison, aux éditions Temporis

"Vivre avec Poutine" de Claude Blanchemaison

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