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Poutine : “grand déstabilisateur” redouté par les démocraties occidentales, est-il si stable chez lui ?
©ALEXEY NIKOLSKY / SPUTNIK / AFP

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Vladimir Poutine devrait s'adresser à la nation lors de sa traditionnelle conférence de presse de fin d'année.

Cyrille Bret

Cyrille Bret

Cyrille Bret enseigne à Sciences Po Paris.

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Atlantico : Concrètement après avoir été réélu avec 76% des voix en mars, qu'en est-il aujourd'hui de la popularité de Vladimir Poutine ? 

Cyrille Bret : Le président Poutine est réellement populaire en Russie, qu’on le veuille ou non, qu’on s’en réjouisse ou non. Bien entendu cette popularité est largement organisée par presque vingt ans de célébration médiatique régulière. Evidemment, cette popularité tient au fait que le président a veillé à ce qu’aucun rival sérieux n’émerge. Cela va de soi, la contestation politique interne a érodé la popularité de Vladimir Poutine notamment lors des manifestations anti-corruption et anti-fraude de 2013-2014 où est apparue la figure d’Alexey Navalny.

Tous ces éléments sont peu contestables. Mais le succès électoral de Vladimir Poutine en mars dernier l’est tout autant. Quels sont les ressorts de la popularité de Vladimir Poutine. Pour le comprendre, il faut saisir l’importance de la période 1999-2008 pour les Russes. D’une part, cette décennie a été marquée par une forte croissance économique largement due à la hausse des prix des hydrocarbures. Le niveau général de vie s’est élevé notamment dans les grandes villes comme Moscou, Ekaterinbourg, Sotchi. Les infrastructures ont été améliorées. D’autre part, cette décennie a été marquée par le retour à l’ordre intérieur. Suite aux guerres de Tchétchénie et à la modernisation des forces de sécurité, la large autonomie administrative accordée par Boris Eltsine aux échelons locaux a été supprimée. Les années Poutine ont été appréciées par la population russe comme le retour de l’autorité et de la verticale du pouvoir. Enfin, les années Poutine y compris en période de crise économique et diplomatique comme en 2008-2009 (crise économique mondiale et guerre en Géorgie) et 2025-2016 (guerre en Ukraine, sanctions et récession) ont été ressenties paradoxalement comme le signe que la renaissance de la puissance militaire russe était confirmée. Homme d’autorité, d’ordre et de puissance militaire, Vladimir Poutine s’est imposé comme l’homme fort de la Russie et est à cet égard réellement populaire.

Comment a muté l'opposition à Vladimir Poutine au sein du pays? Au-delà du cas médiatique d'Oleg Sentsov, qu'en est-il du développement de l'extrême droite ?

L’opposition politique à Vladimir Poutine ne doit pas être analysée uniquement à partir de la perspective occidentale. Le respect des droits de l’opposition n’est pas garanti en Russie. Le cas d’Alexey Navalny l’indique clairement : seul opposant radical jouissant d’une réelle visibilité intérieure et extérieure, il a été frappé d’inéligibilité suite à plusieurs condamnations judiciaires dans des conditions qui ont été largement critiquées par les organisations internationales.

Toutefois, l’opposition russe ne se réduit pas à Alexey Navaly. Il convient d’abord de prendre en compte l’opposition intégrée au système poutinien : il s’agit de plusieurs partis et personnalités qui n’appartiennent pas au parti Russie Unie du président. Le parti communiste qui défend les droits des retraités et des populations précaires a remporté un score important aux dernières élections présidentielles avec plus de 11%% des voix pour son nouveau candidat Groudinine. De même, le parti xénophobe de Jirinovski le LDPR a recueilli des voix en quantité. Ce n’est pas une opposition radicale car ils bénéficient du système actuel. Mais ils portent des messages politiques différents. En particulier le LDPR qui alimente une rhétorique anti-occidentale et anti-islam très virulente. C’est ce qui favorise la diffusion des thèses de nationalisme extrême en Russie. Il convient de ne pas caricaturer les Russes comme racistes. Mais il convient également de ne pas minimiser la prégnance du nationalisme extrême dans le pays.

Au sein des services de renseignement russe, le cas de Serguei Skripal a aussi mis en lumière les tensions au sein du Kremlin. Quelle est la situation au sein des administrations et de ces lieux de pouvoir ?

Les services de renseignement russes ont une place centrale dans la construction et dans l’évolution du pays. Mais ils ne constituent pas un monolithe et sont en concurrence entre eux comme c’est souvent le cas dans les régimes qui utilisent ces rivalités pour mieux assurer leur domination. Dans l’affaire Skripal, c’est le service de renseignement militaire russe, le GRU qui a été mis en cause. Ancien agent lui-même, Sergueï Skripal aurait fait l’objet d’une expédition punitive du GRU sans réelle coordination avec les autres services. Quant au FSB, héritier du KGB dont le président est issu, il a une extension bien plus large que les services de renseignement et de sécurité intérieure des Etats occidentaux. Il assure non seulement le contre-espionnage et la lutte anti-terroriste mais également le maintien de l’ordre public dans certaines situations de crise et la garde des frontières extérieures et a à ce titre été activé en Mer d’Azov. A bien des égards, les services de renseignement russes ont la place d’administrations essentielles dans le fonctionnement de l’Etat. D’où leur poids politique, économique, financier, administratif, etc.

"S'il est impossible de l'arrêter, alors nous devons le diriger et le maîtriser" déclarait le chef de l'Etat Russe sur le rap dont la popularité est croissante dans le pays. Qu'en est-il de la jeunesse russe ? 

Le rap russe n’est pas un nouveau-né. Il a plus de deux décennies et est très diversifié. Comme le rap en Europe et aux Etats-Unis, il est souvent enclin à la violence verbale, aux excès et à l’obscénité. Le président Poutine a un rapport ambivalent : il a récemment admis que ces dimensions faisaient partie intégrante du rap lors. Mais l’interdiction de concerts de rap dans plusieurs villes russe tient au fait que ce genre est puissamment contestataire également. D’où le souhait de l’encadrer…

Mais la société civile russe a souvent plus de ressources qu’on ne pense.

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