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Poussée inattendue de la croissance : François Hollande n'y est (toujours) pour rien mais les autres candidats 2017 comprennent-ils vraiment mieux que lui à quoi nous la devons ?
©Pixabay / RaphaelaFotografie

Roi du pétrole

Alors que le gouvernement s'empare des derniers chiffres de la croissance et du chômage pour revendiquer la paternité de la reprise, le détail des chiffres laisse entrevoir un tout autre scénario : les résultats publiés en ce début d'année doivent tout à la politique européenne, et ce, malgré le pari raté de François Hollande sur la compétitivité.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Victoire. Après 4 années de déconvenues économiques, le Gouvernement dispose désormais de chiffres permettant de se livrer à l'autosatisfaction. La semaine commençait sur les chapeaux de roues puisque le 26 avril dernier, la DARES annonçait 60 000 chômeurs de moins. Puis, ce vendredi 29 avril, l'INSEE publiait sa première estimation de l'évolution du PIB français pour le 1er trimestre 2015, soit une croissance de 0,5%, supérieure aux attentes. Logiquement, dans la foulée, le ministre des Finances Michel Sapin levait les bras au ciel en indiquant que l'action du Gouvernement "portait ses fruits". A un an de l'échéance présidentielle, les résultats d'une politique économique "bien sentie" viendraient consacrer le succès de la stratégie menée par l'exécutif. Pourtant, derrière la véritable bonne nouvelle pour le pays se cache un revers pour le chef de l'Etat, car l'observation détaillée du retour de la croissance française permet de conclure que celle-ci ne lui doit rien. Il serait d'ailleurs plus judicieux d'indiquer que si la croissance refait surface, elle le fait malgré François Hollande.

Pourquoi François Hollande n'y est vraiment pour rien

Dans un discours tenu le 25 octobre 2012, François Hollande dévoilait ses intentions ; la compétitivité française va devenir la pierre angulaire du hollandisme économique, ce qui va se traduire par l'établissement d'un diagnostic :

"Et ce constat que je viens de faire, il a été dressé tant de fois. Il est tellement partagé que c'est devenu un facteur de consensus, et paradoxalement d'inaction. Je ne vais pas ici rappeler toutes les époques, mais il y a eu sans doute des mesures conjoncturelles, des mesures de circonstances, et qui méritent d'être saluées au nom de la continuité. Mais il n'y a pas eu de stratégie globale de compétitivité".

Pour en arriver logiquement à l'élaboration d'une stratégie :

"Aujourd'hui, nous n'avons plus le temps de différer les choix. C'est la stratégie de compétitivité que le Gouvernement prépare sur la base du rapport de Monsieur Gallois".

La cause est entendue et la suite est connue. Mise en place du CICE, alias pacte de responsabilité, dans une logique de baisse des charges permettant d'assurer une meilleure capacité d'exportations aux entreprises françaises. Le redressement passera par le rétablissement de la balance commerciale française. Formidable. Reste à regarder les résultats précis de cette politique en observant l'évolution trimestrielle de la balance commerciale française depuis l'arrivée de François Hollande au pouvoir :

Oups. En réalité, la balance commerciale française, pourtant révélatrice du succès ou de l'échec de la stratégie présidentielle, affiche, lors de ce premier trimestre 2016, son pire résultat depuis l'élection de François Hollande. En réalité, il s'agit même du pire résultat de l'histoire, en milliards d'euros. Non pas que le CICE ait dégradé la compétitivité de l'économie française, mais parce qu'une telle approche suppose de se rendre dépendant du niveau d'activité économique mondial, parce qu'il faut bien des acheteurs pour exporter plus. Or, le climat mondial s'est dégradé au cours des derniers trimestres. Le pari est perdu.

Il existe ainsi un gigantesque paradoxe dans le retour de la croissance en France. La politique menée par le Gouvernement avance à rebours des attentes mais le résultat global reste satisfaisant. Il convient dès lors d'analyser les causes de cette anomalie.

Les véritables causes du redressement de la croissance en France

Le point est évident. Si la balance commerciale reste déficitaire et que la croissance progresse, c'est que le bon résultat obtenu n'est que la conséquence d'une bonne vieille poussée de la demande intérieure. Ce qui est une très bonne nouvelle pour tous les Français, mais celle-ci ne correspond absolument en rien aux objectifs de la politique menée par les équipes de Manuel Valls et de François Hollande.

L'inconnue qui reste à identifier est donc la cause de cette vigueur de la demande intérieure française. Et en termes macroéconomiques, lorsque l'on considère les capacités d'action des pouvoirs publics, une telle progression de la demande intérieure ne peut être le résultat que de la politique budgétaire ou de la politique monétaire. Si la première relève bien de la compétence du Gouvernement, la seconde dépend de la BCE. Ce qui correspond à une autre mauvaise nouvelle pour François Hollande, puisque le ministre des Finances, Michel Sapin, se félicitait encore récemment de sa capacité à résorber les déficits publics, ce qu'il précisait en ces termes :

"Nous avons assuré en 2015 une réduction des déficits compatible avec le retour de la croissance : le déficit a fortement diminué, de 4,0% en 2014 à 3,5% en 2015".

L'effort réalisé correspond ainsi à une politique de "sérieux budgétaire", comme le Gouvernement aime l'indiquer, mais qui exclut toute possibilité de soutien à la demande intérieure du pays.

Soit. Mais si la croissance ne découle pas plus de la compétitivité que de la politique budgétaire, cela signifie qu'il ne reste plus qu'un candidat en lice pour revendiquer la paternité de la reprise : la Banque centrale européenne et sa politique monétaire expansionniste mise en place depuis le début de l'année 2014. Ce que confirme le Président de la BCE, Mario Draghi :

"L'efficacité de notre politique monétaire démontre que la BCE dispose des outils appropriés pour atteindre notre objectif de stabilité des prix, et donc de soutenir la demande".

En effet, au contraire de ce qui est régulièrement annoncé, la vocation d'une politique monétaire n'est pas de faire joujou avec un taux de change, mais bien de contrôler le niveau de la demande intérieure dans sa zone d'influence. Ici, la zone euro.

Par conséquent, afin de vérifier cette affirmation concernant le rôle de la BCE dans la reprise, il suffit de contrôler l'effet de la politique monétaire dans l'ensemble de la zone euro, en prenant les premières annonces de la mise en place du plan d'assouplissement quantitatif européen comme point de référence :   

Alors que le PIB de la zone euro se contentait de stagner mollement avant que Mario Draghi ne se décide à intervenir, la nouvelle politique monétaire de la BCE, enclenchée au début de l'année 2014, aura permis, enfin, de voir ce PIB dépasser son niveau de 2008 lors de ce premier trimestre 2016.

A titre de comparaison, et si la performance de la France en ce début 2016 est tout à fait satisfaisante, elle ne fait que s'inscrire dans une tendance conforme à ses grands voisins européens. Si la France connaît une croissance de 0,5% en ce premier trimestre 2016, celle-ci reste inférieure à celle de la zone euro prise dans son ensemble, soit 0,6%, celle de l'Espagne, 0,8%, ou celle de l'Allemagne, 0,6%. Ce qui explique également que les performances de l'emploi, en progrès en France depuis ces derniers mois, restent inférieures à celle de la zone euro. En effet, selon les données Eurostat, le taux de chômage de la zone euro affiche une décrue de 1 point, passant de 11,2% à 10,2% entre mars 2015 et mars 2016. Alors que la baisse française n'est "que" de 0,3 point sur la même période, passant de 10,3% à 10%, toujours selon Eurostat.

Ce qui signifie que la reprise française doit tout à Mario Draghi. De plus, au regard des résultats obtenus par la politique de compétitivité du Gouvernement, il est possible d'indiquer que cette reprise s'est matérialisée malgré François Hollande.

Ce que les candidats à la présidentielle de 2017 ont à apprendre de cette situation

Cette dernière livrée des chiffres du PIB sonne comme un avertissement pour tous les candidats à l'élection présidentielle dont l'objectif est de poursuivre, voire d'intensifier, cette seule politique de compétitivité. Parce que, comme peut le constater François Hollande aujourd'hui, celle-ci ne peut suffire à un rétablissement complet de l'économie française. C'est bien la politique de la BCE qui a permis de soutenir le niveau d'activité au sein de la zone euro, et donc en France, et qui offre au Gouvernement la possibilité de prétendre y être pour quelque chose. L'occasion est trop belle. Le plus navrant est que l'exécutif doit en être persuadé.

Ainsi, la leçon à tirer des derniers développements de l'économie française, pour les prétendants au titre suprême, est que la politique macroéconomique européenne reste le maillon essentiel à toute politique visant à améliorer le quotidien des Français à travers la hausse de la croissance et la baisse du chômage. C'est donc bien de ce côté que doivent s'orienter la réflexion, les propositions, et les négociations, pour parvenir à imposer une politique monétaire digne de ce nom au sein de la zone euro. Car si la BCE peut être félicitée de son action de ces derniers mois, elle peut également être tenue pour responsable de l'exceptionnelle durée de la crise économique qui frappe l'Europe et la France depuis 2008. Parce que l'action de Mario Draghi, aussi louable soit elle, ne pourra suffire à effacer les stigmates de la grande récession. Dès lors, l'objectif prioritaire d'un nouveau Président sera de soutenir fortement une véritable action de relance monétaire, d'une ampleur correspondante aux besoins réels de l'économie du continent. 

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