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Pourquoi “swiper” à gauche sur les applis de rencontre n’est pas bon pour notre santé mentale
©JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Nope

Balayer d'un revers du pouce toute possibilité de rencontre est le grand malheur qui se cache derrière les applications de rencontre. Les demandeurs d'amour s'enferment trop souvent dans un éloignement très dangereux de l'inattendu.

Pascal Neveu

Pascal Neveu

Pascal Neveu est directeur de l'Institut Français de la Psychanalyse Active (IFPA) et secrétaire général du Conseil Supérieur de la Psychanalyse Active (CSDPA). Il est responsable national de la cellule de soutien psychologique au sein de l’Œuvre des Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers de France (ODP).

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Atlantico : Peut-on considérer que les applications de rencontre comme Tinder de par leur fonctionnement contribuent d'une certaine manière à cause du "peu de temps consacré à l'autre" renforcer ou faire apparaitre le sentiment du peu d'estime de soi ?

Pascal Neveu : Dès l’apparition des premiers sites internet de rencontres à la fin des années 90, nous avons été plusieurs à nous intéresser au phénomène et l’analyser. Dès lors nous avons créé des profils, mais aussi des faux profils, nous avons demandé à des étudiants de participer à un protocole afin de mieux comprendre un ensemble de critères d’attirance. Sans rentrer dans les détails nous étions parvenus à détailler que les sites de rencontres faisaient distinguer 1/3 de fantasmeurs, 1/3 d’infidèles, mais surtout 1/3 de femmes et d’hommes à la recherche d’un sincère d’amour.

Sans le moindre jugement, et en lien avec les études publiées par les sites de l’époque, nous avons vu évoluer la pratique et l’évolution de sites aux applications. Nos études n’ont pas pu être publiées. Je n’ai donc plus que les retours des mes analysants et la réalité de leurs propos.

Les nouvelles applications transforment tout le paysage de la « rencontre », pour ne pas dire « drague ». Et c’est sans doute une réflexion importante. D’autant plus face aux dernières dénonciations, où femmes et hommes finissent par se trouver démunis, ou en risque de « drague » ! Je n’entends pas une seule ou un seul patient ne se sentant pas en risque « narcissique » actuellement.

Photos, âge, propos, job…  fiche de présentation… fautes d’orthographe et de syntaxe… tout le monde est sur le qui-vive… et tel Facebook, like ou ne like pas… répond ou ne répond pas, avec forme, ou sans délicatesse, avec des ressentis plus ou moins destructeurs.

Comment l'expliquer concrètement  en dehors du fonctionnement même de l'application ? Est-ce que la forme de "concurrence permanente" et l'accès aux profils des utilisateurs du même sexe renforce ce phénomène ?

Lors de mes consultations je n’entends que ces commentaires :

-       photos, corps mis en avant

-       selfies d’évènements

-       vérité ou mensonge ?

C’est bien là où se situent les réflexions des « demandeurs d’amour ». Critiques des photos, des corps, mise en abyme de la personne… dévalorisation extrême. Il n’est plus question de répondre. Il n’est pas question d’adresser une photo Il n’est aucune question de se sentir bien, bon, aimant.

Il n’est plus question de rien, en dehors d’un vide… alors qu’il était question d’un être humain, existant, étant… de ce qu’elle ou lui est.

Je reste sûr que les applications de rencontre ne restent pas dédiées qu’à des rencontres sexuelles. Et tant mieux si elles le restent pour une partie. Car il reste à nous de « découvrir » nos attentes via nos échanges. Personne n’a à juger les attentes et désirs. Seul nous revient notre capacité à ne pas nous leurrer ou nous tromper en âme et conscience, même s’il serait souhaitable une honnêteté face aux attentes.

Car il est bien là la question du leurre. Leurre de soi et leurre de l’autre. Car oui il est une sorte de marché et de concurrence que j’entends et qui désabuse.

Toutes et tous se confrontent… et les règles des applications peuvent être sans appel. Physique, âge, accroche… On vire, on dégage, on humilie… on ne répond pas… L’estime de soi, le narcissisme, la confiance en soi sont malmenés ! Détruits !

Qu’importe Tinder, Grindr, d’autres applications… même si j’entends de belles rencontres, il reste un profond questionnement existentiel et narcissique. Gays et hétéros, j’entends et je suis les mêmes problématiques.

Comme si le bon narcissisme professionnel, social, l’estime de soi restent actuellement détruits face à un manque d’amour uniquement recherché par des applications.

Comment éviter de sombrer dans ce cercle vicieux que nous décrivons ? Faut-il abandonner ces applications ou en modérer l'usage ? 

Justement, même si personne ne peut nier les applications ou sites de rencontres, quid des autres lieux de rencontres ? La vie amoureuse se vit partout. Très souvent mes patient(e)s rient lorsque je leur raconte que certains draguent chez Picard demandant des conseils de plats, d’autres repèrent des sacs de célibataires…

Ce que je veux dire, c’est qu’il ne faut pas négliger ces applications, les sites, mais surtout, il ne faut pas négliger les rencontres naturelles. Il faut seulement y croire. Car s’il y a un seul moment où la « vérité » affective se joue, c’est dans la rencontre. Peu importe s’il passe par le biais de sites ou applications.

La rencontre fait tout. Il faut la réaliser au plus vite.

Puis se sentir libre d’une éventuelle 2ème rencontre… puis… Il n’y a aucun enjeu. Mais en tout cas, cette rencontre nous aura appris. Personne n’est capable de savoir où l’amour frappera notre cœur.

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