Pourquoi Noël Mamère vient vraisemblablement de tuer les Verts définitivement<!-- --> | Atlantico.fr
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Noël Mamère.
Noël Mamère.
©Reuters

Bye bye

Dans un entretien accordé au journal Le Monde, l'ancien candidat des Verts à l'élection présidentielle a annoncé son départ, déclarant que son parti était aujourd'hui "prisonnier de ses calculs et de ses clans".

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé est politologue et maître de conférence à Sciences Po. Son dernier livre, Islamopsychose, est paru aux éditions Fayard. 

Pour en savoir plus, visitez son site Internet : thomas-guenole.fr

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Dans une interview au Monde, le député-maire de Bègles (Gironde) Noël Mamère annonce son départ d'Europe Écologie-Les Verts et dénonce un parti "prisonnier de ses calculs et de ses clans". Après son score décevant à l'élection présidentielle, le parti écologiste, miné par les divisions internes, est-il définitivement mort ?

Thomas Guénolé : En tant que force politique apte à peser dans le sens de la transformation écologique du pays : oui, EELV est mort. Ce parti est devenu ce contre quoi Daniel Cohn-Bendit l’avait mis en garde en en claquant la porte : un « parti radical vert », c’est-à-dire un syndicat d’élus qui obtiennent des places sur une rente d’alliance avec le PS mais se sont d’eux-mêmes réduits au statut de satellites passifs du parti hégémonique.

Lors des élections européennes de 2009, EELV, qui venait de naître, avait réussi une percée spectaculaire. Comment expliquez-vous une telle chute moins de 5 ans après ?

Il y a eu plusieurs étapes.

Première étape, le coma passager de 2007-2009. En 2007, l’élection présidentielle, souvenir du 21-Avril oblige, lamine toutes les candidatures de témoignage, y compris celle des Verts. Ces derniers disparaissent quasiment du paysage politique, ce qui permet à des inconnus, le tandem Duflot-Placé, de faire main basse sur une maison qui se vide.

Deuxième étape, la renaissance électorale de 2009-2010. En 2009, Daniel Cohn-Bendit et plusieurs autres, dont beaucoup venaient des réseaux de Nicolas Hulot, lancent Europe Ecologie pour les élections européennes de 2009. Les Verts se joignent in extremis à l’attelage. Daniel Cohn-Bendit étant objectivement une excellente locomotive électorale, un électorat central non aligné qui avait voté Bayrou en 2007 se décroche du MoDem et vote Europe Ecologie : dans un contexte de très forte abstention, ce succès de mobilisation fait faire une percée spectaculaire aux listes de Daniel Cohn-Bendit en part des suffrages exprimés. La performance sera rééditée aux élections régionales de 2010. Même si ce succès est moins un raz-de-marée qu’une bonne mobilisation dans un contexte d’abstention immense, on parle à l’époque de recomposition de la gauche.

Troisième étape, l’étranglement dans les jeux d’appareil de 2010-2012. Elle s’est faite en deux temps, une fois Europe Ecologie et Les Verts fusionnés dans la structure commune EELV. D’abord, une légère majorité des adhérents, de l’ordre de 60-40, a maintenu le « parti syndicat d’élus rentiers de l’écologie » face au « parti coopérative » qu’imaginait Daniel Cohn-Bendit. De fait, le tandem Duflot-Placé s’est maintenu en mainmise sur cette ligne. Ensuite, dans le duel entre Nicolas Hulot et Eva Joly pour la primaire EELV, où seuls les adhérents votaient, la candidature très marquée à gauche d’Eva Joly, face à la candidature transpartisane de Nicolas Hulot, a gagné là encore à 60-40. Ainsi, simultanément, le positionnement choisi par la majorité des adhérents a produit le score piteux d’EELV à la présidentielle de 2012, et la même année, les mêmes écologistes ont touché les dividendes des percées électorales d’Europe Ecologie en 2009-2010 en termes de sièges au Parlement. En quelque sorte, la carrière politique nationale du tandem Duflot-Placé tient de l’accident, parce qu’ils étaient au bon endroit au bon moment quand le train Europe Ecologie est passé, sachant qu’eux-mêmes ont nui à la surface électorale de l’écologie politique plutôt qu’ils ne l’ont développée.

Quatrième étape, l’avalement de couleuvres, depuis 2012. Si l’on résume, le tandem Duflot-Placé et ses affidés ont poussé trop loin la logique « j’avale une couleuvre de plus contre davantage de places aux prochaines élections ». En substance, autant il était tactiquement légitime de négocier un maximum de places d’élus contre quelques renoncements sur les idées à faire passer dans la coalition rose-verte, autant il est stratégiquement suicidaire d’être allé jusqu’à systématiquement manger son chapeau en contrepartie de davantage de positions électorales. EELV en est au stade où son leader charismatique Daniel Cohn-Bendit a claqué la porte en faisant savoir son écœurement, où son meilleur candidat présidentiel à ce jour – Noël Mamère – a à son tour claqué la porte, et où sa surface électorale a à nouveau rétréci à son plus bas niveau de 2007, c’est-à-dire 1-2%. À ce stade, on peut donc objectivement qualifier le tandem Duflot-Placé de fossoyeurs de l’écologie politique.

Le projet de EELV était-il dès le départ voué à l'échec du fait de l'incompatibilité entre Europe Ecologie et les Verts ?

Clairement, Europe Ecologie représentait une écologie de centre-gauche, social-démocrate ou social-libérale, tandis que le centre de gravité des Verts penche du côté de la gauche, voire de l’extrême gauche. Il y avait donc une difficile compatibilité idéologique dès le départ, mais elle n’était pas pour autant insurmontable : rien n’empêchait de faire vivre tout cela sous forme de courants qui cohabitent, par exemple. En revanche, ce qui a été bloquant, ce sont les jeux d’appareil : l’étranglement de la dynamique d’Europe Ecologie par la tactique « places contre couleuvres » du tandem Duflot-Placé.

L'échec des écologistes est-il une exception française ? De manière générale, l'écologie politique a-t-elle du mal à s'imposer en Europe ?

Cela dépend des pays. Lorsque la ligne est radicale, l’écologie politique ne décolle pas, elle stagne autour de 2-4% des voix. En revanche, sur une ligne de type Europe Ecologie, l’écologie peut atteindre jusqu’à 10-15%, en particulier en Europe centrale et en Europe du nord.

À présent, en France, deux questions se posent à cet égard. D’une part, les Verts étant électoralement une espèce en danger d’extinction, la ligne Europe Ecologie va-t-elle tenter une reprise en main lors des prochains congrès d’EELV et si oui, va-t-elle réussir ? D’autre part, d’autres formations politiques, typiquement l’UDI ou le MoDem, vont-ils tenter aux prochaines échéances électorales de récupérer l’électorat écologiste non aligné, et si oui, vont-ils réussir ?

Propos recueillis par Alexandre Devecchio 

A lire également,  de Thomas Guénolé "Nicolas Sarkozy, chronique d'un retour impossible ?" (First éditions), 2013, 16,90 euros. Pour acheter ce livre, cliquez ici.


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