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Pourquoi Nicolas Sarkozy se permet de taper autant sur François Bayrou tout en sachant qu’il a besoin des voix centristes
©Reuters

Bouh

Nicolas Sarkozy a une vieille rancune à l'égard de François Bayrou et il ne s'en cache pas. Par le passé, il l'a traité de bègue et en coulisse il ne se gène pas pour taper sur le président du MoDem. Cette stratégie contre les centristes est bien calculée et l'ancien président de la République ne prend pas beaucoup de risques électoraux.

Philippe Braud

Philippe Braud

Philippe Braud est un politologue français, spécialiste de sociologie politique. Il est Visiting Professor à l'Université de Princeton et professeur émérite à Sciences-Po Paris.

Il est notamment l'auteur de Petit traité des émotions, sentiments et passions politiques, (Armand Colin, 2007) et du Dictionnaire de de Gaulle (Le grand livre du mois, 2006).

 

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Atlantico : Nicolas Sarkozy aurait lancé à des membres de l’UDI "le bègue, je vais le crever", il y a quelques mois déjà, mais en off qu'il continu. Pourquoi Nicolas Sarkozy peut-il se permettre de taper allègrement sur François Bayrou alors qu'on peut penser qu'il a besoin des voix centristes ? Quelle est sa stratégie ?

Philippe Braud :La vie politique n’est pas constituée de simples affrontements d’idées ou d’intérêts. Elle comporte aussi sa part d’inimitiés et d’animosités personnelles. C’est le cas de la relation Bayrou/Sarkozy, dont on sait depuis longtemps qu’elle est exécrable. Cette dimension personnelle explique la violence du ton, même s’il s’agit d’un off.  On pourrait penser que cette attitude est politiquement contreproductive. Elle l’est assurément dans la forme (Nicolas Sarkozy conforte contre lui un type de critique qui nuit gravement à son image) ; en revanche, elle ne l’est pas nécessairement sur le fond. A ce stade de l’agenda politique, Nicolas Sarkozy n’a aucun intérêt à ménager le leader du Modem puisque de toute façon il n’obtiendrait rien de lui rien en retour. Il sait aussi que François Bayrou ne fait plus, loin de là, l’unanimité au sein de la mouvance centriste lato sensu, notamment à l’UDI à cause de ses prises de position passées en faveur de François Hollande, à l’occasion de la présidentielle de 2012. Elles ont favorisé un effondrement de ses fidèles aux élections législatives qui ont suivi. Enfin, critiquer Bayrou c’est aussi indirectement jeter une pierre dans le jardin de son rival Alain Juppé, soutien constant et affiché du président du Modem.

Cette stratégie vaut-elle identiquement pour la primaire et la présidentielle ?

Dans la perspective de la primaire, Nicolas Sarkozy a un intérêt majeur à ce qu’elle soit ouverte le moins possible. Les sondages montrent qu’il ne conserve un avantage sur le maire de Bordeaux qu’auprès des sympathisants affirmés de LR (ex-UMP). Il lui faut donc en quelque sorte fracturer le Centre en creusant une faille entre pro- et anti-Bayrou pour augmenter ses chances de l’emporter sur le maire de Bordeaux.

La situation est un peu différente dans la perspective du Ier tour de la présidentielle. Ce qui comptera alors, pour lui, c’est ne pas perdre, voire regagner, des soutiens sur sa droite, au détriment du FN devenu très menaçant, électoralement parlant. Mais là encore, critiquer vertement François Bayrou évite de trop se déporter prématurément vers le centre, au risque de créer un espace supplémentaire pour la candidate FN. Cette stratégie de premier tour devra ensuite céder la place à une stratégie de second tour caractérisée, elle, par un appel au rassemblement le plus large contre l’autre candidat (quel qu’il soit). Et là il y a fort à parier qu’une main sera tendue à celui que l’on parlait, seize mois plus tôt, de « crever ». 

Cette stratégie a-t-elle une incidence sur la campagne et le scrutin régionaux ?

Je ne crois pas que les attaques contre François Bayrou ait beaucoup d’influence sur les résultats des régionales. Et ceci en raison du mode de scrutin. Le cadre est départemental, les têtes de listes jouissent d’une stature souvent plus locale que nationale. La personnalisation des attaques de Nicolas Sarkozy contre François Bayrou apparaîtra bien lointaine à une grande majorité d’électeurs dont les motivations se situeront à une autre échelle. Sanctionner ou non le PS, émettre ou non un vote protestataire, défendre au mieux des intérêts locaux au niveau régional.

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