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Pourquoi les promesses du gouvernement d’ouvrir les cantines scolaires aux produits locaux se sont terminées en eau de boudin
©Reuters

Crise agricole

Bercy l'a décidé, à partir du 1er octobre le seuil en dessous duquel les acheteurs publics seront dispensés de la traditionnelle procédure de l’appel d’offres sera relevée à 25.000 euros. Si cette nouvelle règle a pour objectif de faciliter l’accès des petits marchés aux PME, elle ne règle pas les problèmes de fond.

Vincent You

Vincent You

Vincent You est directeur d’hôpital en Charente. Conseiller Régional de Poitou-Charentes entre 2010 et 2016, il est, depuis avril 2014, Adjoint au Maire d'Angoulême chargé des finances et de la commande publique et, depuis décembre 2015, vice-président de GrandAngoulême chargé de l'urbanisme et du PLUI.

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C’était en juillet dernier. Pour éteindre la crise agricole, le gouvernement promettait qu’enfin les cantines scolaires s’ouvriraient aux produits locaux. Le lapin chinois servi à nos bambins, c’était bel et bien fini !

Deux mois plus tard, la grande révolution culturelle se limite à un texte qui remonte le seuil des achats publics sans procédure de 15 à 25 000 euros…   une simplification sympathique mais  surtout un geste hors sujet par rapport à la question posée. Et le signe parfait d’une technocratie qui n’a aucun sens de ce qu’est la France.

Il y a pourtant bien un enjeu majeur : celui  de cesser cet aveuglement qui fait que les services publics fonctionnent hors des territoires sur lesquels ils sont basés. Une question d’écosystème qu’un gouvernement qui prépare la COP 21 pourrait aussi prendre en compte…  Pour la restauration, on pourrait facilement imaginer que l’on cesse d’associer l’alimentation à un simple produit marchand. Après tout, acheter des produits pour faire un repas, c’est choisir un savoir-faire ; lier une histoire, des traditions, et un temps d’échanges et de rencontres. Avons-nous perdu cette capacité à voir l’évidence : partager un repas n’est pas qu’une nécessité fonctionnelle et physiologique, c’est un temps social nécessaire et un vrai enjeu civilisationnel ? L’exception culturelle ne pourrait-elle pas inclure l’alimentation ? Pour les jeunes loups du  PS qui trustent les cabinets ministériels, le sujet n’existe pas. La question est réglée par un décret et un seuil.

 L’enjeu  pour les agriculteurs est tout autant  économique qu’existentiel: vont-ils trouver des revenus pour payer leur travail ? La part prise par l’achat public devrait être une évidence, surtout dans un pays où 57% du PIB part dans la dépense publique.  Bizarrement, le décret annoncé n’aura d’effet que sur les (toutes) petites structures, celles qui ferment peu à peu pour contenter Bruxelles,  qui vont pouvoir bénéficier de la souplesse du relèvement du seuil.

Car pour le reste, la question de l’achat public est une question d’échelle et de volume. Un vrai effet de masse comme on en trouve rarement. Pour la Région Poitou-Charentes, le nombre de repas servis dans la restauration collective est supérieur à 90 millions par an. Un chiffre d’affaires de 180 millions d’euros que l’on ferait bien d’orienter vers les producteurs locaux !  Dans cet ensemble, 80% des repas correspondent aux établissements scolaires, aux hôpitaux et aux Ehpad… pas vraiment des secteurs qui bénéficieront du passage du seuil à 25 000 euros.

Le gouvernement a choisi de faire un texte hors sujet, pour ne rien toucher aux problèmes de fond que posent nos marchés publics. A force de refuser de toucher aux dogmes européens, on se limite à simplifier. Ce n’est pas une façon de résoudre la crise.

En attendant 2017, la seule solution est donc que les «  Faizeux » un peu créatifs partagent leur expérience. A Angoulême, nous avons attribué notre dernier marché à des producteurs locaux. Pas seulement en visant juste, en communicant en amont, en travaillant avec les réseaux de la Chambre d’Agriculture. Tout cela était nécessaire mais pas suffisant. Nous avons réussi par ce que nous sommes sortis du cadre. Malgré le Code des Marchés, Angoulême met ses volumes d’achat au profit des producteurs locaux.

En fait, nous n’achetons plus de produits alimentaires pour les cantines. Nous achetons des produits alimentaires ET une prestation pédagogique. Le producteur choisi devra accueillir nos classes dans son exploitation. C’est malin, parce que cela empêche ceux qui sont trop éloignés de répondre à notre double demande ! Mais c’est surtout juste. Nous remettons le repas à sa place : un temps culturel qui mérite d’être transmis. Pour des enfants, c’est aussi une occasion de pédagogie. « Ton repas, c’est ta santé. Ton repas, c’est le fruit de ceux qui ont travaillé ; c’est le produit d’une terre et d’un savoir-faire. Les saveurs que tu découvres sont celles d’une lente alchimie ». Les enfants vont trouver dans l’assiette ce qu’ils ont découvert à la ferme. C’est beaucoup plus important que de savoir si la procédure d’achat a été simplifiée ou non ! A défaut de changer les règles européennes, ce que ne semble pas vouloir imaginer notre gouvernement, il nous reste à agir ici et maintenant. Les solutions locales existent, elles consistent à élever le regard et à ne jamais baisser les bras. Ce n’est pas pour ce quinquennat.

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