La vérité (et le problème) sont ailleurs
Pourquoi les hôpitaux ont moins de problèmes de moyens qu’on le croit
L'hôpital public français serait en manque de moyen. Pour le sauver, un seul moyen, répété en boucle par des praticiens hospitaliers grands défenseurs de la sécurité sociale et de toutes les vertus humanistes: augmenter les budgets. Le problème est que, quand on gratte, la réalité est un peu différente...
Éric Verhaeghe
Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.
Les hôpitaux publics manquent de moyens. On en pleurerait dans les chaumières. Chacun y va de son petit chiffre pour prouver qu’il faut absolument dépenser plus pour nos hôpitaux, victimes, paraît-il, du néo-libéralisme qui voudrait nous faire ressembler aux États-Unis, où la santé est la plus chère du monde, c’est bien connu. Le problème est évidemment que toutes ces affirmations occultent sciemment le problème de fond du système hospitalier français: sa sur-administration par des bureaucrates qui en épuisent les ressources et les moyens.
Les hôpitaux publics manquent de moyens ? Les chiffres disent le contraire
Comme toujours, rien ne vaut une bonne comparaison de l’OCDE pour remettre l’église au milieu du village. Et, en matière de comparaison, l’OCDE donne tous les outils nécessaires, avec son Panorama annuel de la Santé, qui documente parfaitement les sujets.
On en retirera deux tableaux particulièrement éloquents qui détruisent le mythe d’un hôpital public français qui serait sous-doter par rapport à ses voisins industrialisés.
Ce premier tableau est bien connu. Il rappelle que la part des dépenses de santé dans le PIB en France est supérieure de 2 à 3 points à la moyenne de l’OCDE. Depuis 2003, elle suit d’ailleurs assez fidèlement l’ensemble de l’évolution internationale et conserve globalement son écart à la moyenne de façon constante. Il est intéressant de comparer son évolution à celle des Pays-Bas : ces derniers sont dans la « roue » de la France mais conservent assez rigoureusement leurs distances avec elle.
Ces chiffres ne disent pas que la France a un bon niveau de dépenses pas plus qu’ils ne valident ou condamnent ses choix sanitaires. En revanche, ils démentent la théorie selon laquelle la santé en France manquerait de moyens, ou selon laquelle les budgets santé en France se dégraderaient. La France consacre plus de moyens que ses voisins industrialisés à la santé, et ces moyens progressent au même rythme que l’ensemble industrialisé.
Les hôpitaux français sont bien dotés
Bien entendu, les statistiques globales sur la dépense de santé rapportée au PIB ne disent rien sur les moyens des hôpitaux. Pour comparer ceux-ci, il faut plutôt regarder attentivement cet autre graphique produit par l’OCDE, qui est particulièrement parlant :
Ce graphique récapitule la ventilation des dépenses de santé selon les grands postes : hôpital, médecine de ville, etc. En France, l’hôpital représente 32% des dépenses, pour 28% dans le reste des pays industrialisés. La France « sur-performe » donc de 15% ses petits camarades. Et, en l’espèce, ce n’est pas forcément bon signe. Rappelons que les recordmen mondiaux de la dépense hospitalière avec 42% des dépenses de santé sont les Grecs, directement suivis par la Russie avec 36%…
On remarquera aussi que les soins ambulatoires en France ne représentent que 27% des dépenses, contre 32% dans l’OCDE. On retrouve ici la préférence française (en l’espèce celle des médecins français) pour l’hospitalisation, et son aversion pour les soins de ville.
Là encore, chacun lira ces statistiques à sa manière. Mais l’évidence commune s’impose : non, les hôpitaux publics français ne souffrent pas d’un manque criant de moyens, quoi qu’en disent les médecins démissionnaires des hôpitaux publics, dont les salaires sont par ailleurs souvent complétés par des cadeaux généreux des laboratoires pharmaceutiques ou de différentes industries.
En revanche, on doit s’interroger sur l’utilisation qui est faite des moyens alloués par le contribuable et l’assuré social aux hôpitaux, car c’est ici que le bât blesse. Nous poursuivons ici une réflexion parallèle à celle que nous avions eue sur l’éducation.
Deux fois plus d’administratifs dans les hôpitaux publics que dans les cliniques privées
Les chiffres les plus officiels, pour peu qu’on les lise, illustrent parfaitement le problème dont souffre l’hôpital public, qui n’est pas un problème de moyens, mais d’allocation de moyens. Et ce problème porte un nom bien connu de nos lecteurs : la suradministration et la bureaucratisation des hôpitaux, phénomène également connu dans le service public de l’éducation.
Pour illustrer l’ampleur de ce cancer qui ronge les hôpitaux publics, nous reproduisons ici un tableau de la DARES, service du ministère de la Santé, paru en juin 2019:
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