Pourquoi les bonnes performances du quinquennat Hollande en matière de réduction du déficit structurel masquent une réalité économiquement beaucoup moins rose<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Pourquoi les bonnes performances du quinquennat Hollande en matière de réduction du déficit structurel masquent une réalité économiquement beaucoup moins rose
©Reuters

Le vrai du faux

S'il y a bien eu réduction, les indicateurs semblent montrer que malgré tout, le quinquennat Hollande n'a en aucun cas fait baisser la part des dépenses publiques en France.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

Voir la bio »
Agnès  Verdier-Molinié

Agnès Verdier-Molinié

Agnès Verdier-Molinié est directrice de la Fondation IFRAP(Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques).

Son dernier ouvrage est "Ce que doit faire le (prochain) président", paru aux éditions Albin Michel en janvier 2017.

 

Voir la bio »
Samuel-Frédéric  Servière

Samuel-Frédéric Servière

Voir la bio »

Atlantico : Selon l'ancien magistrat de la Cour des Comptes François Ecalle, le quinquennat de François Hollande se solde par la plus forte réduction «structurelle» du déficit public depuis 1989, notamment en raison d'effets de conjoncture défavorables. Mais derrière ce chiffre, que masque cette réalité d’un chiffre apparemment satisfaisant ? La technique du "rabot" a-t-elle été utilisée durant ce quinquennat ?

Agnès Verdier-Molinié et Samuel-FrédéricServière  : Vous posez plusieurs questions liées les unes aux autres. Premièrement, ce que met en exergue le calcul de François Ecalle, c’est que l’effort structurel de la France entre 2012 et 2016 a été le plus fort depuis 1989 et représente 2,7 points de PIB. Ce volontarisme est à mettre au crédit du quinquennat de François Hollande. Cependant, sa décomposition ne donne pas une image aussi flatteuse, loin de là. En effet, il faut considérer que cet effort de redressement du solde a très lourdement porté sur les prélèvements obligatoires plutôt que sur la baisse des dépenses. Il apparaît en effet qu’en tenant compte des crédits d’impôts, les efforts en impôts supplémentaires ont représentés 2,5 points de PIB quand les efforts en dépenses (économies), représentaient 0,2 point (crédits d’impôts inclus).L’ajustement s’est donc massivement réalisé par les impôts et les contributions sociales (près de 60 milliards d’euros), tandis que les "économies" ne représentaient que 4 milliards environ.  

Il existe d’ailleurs une différence importante d’interprétation entre la commission européenne et la direction de la prévision du Trésor sur la croissance potentielle nationale. La France l’estimant grosso modo entre 1,4 et 1,5 point de PIB quand la commission l’estime autour de l’unité. Cette divergence permet ainsi depuis 2015 d’afficher la présentation d’un effort plus important que celui qui est réellement réalisé. En effet, lorsque l’on surestime la croissance potentielle, on surestime l’écart de production qui permet de déterminer le solde conjoncturel. Cela permet l’année de réévaluation d’afficher un solde structurel plus bas, et "mécaniquement" de faire apparaître un effort plus important qu’attendu. Il en ressort ainsi qu’entre 0,1 et 0,3 point de PIB cumulés entre 2015 et 2016 viennent enrichir artificiellement l’effort de réduction du déficit structurel français. L’effort n’a donc jamais été véritablement de 0,5 point de PIB par an comme nous le demandent les institutions européennes.

Philippe Crevel : François Hollande, homme de la synthèse par excellence, n’a pas voulu trancher dans le vif en matière de finances publiques comme dans d’autres domaines. Au-delà de la réduction du déficit structurel, François Hollande n’a surtout pas respecté ses engagements de compagne. Il avait promis le retour du déficit en-dessous de la barre des 3 % du PIB dès 2013 et l’équilibre budgétaire pour 2017. Or, pour cette année, le déficit au vu des premiers résultats devrait être de 3,2 % du PIB faisant de la France le plus mauvais élève de l’Union européenne.

François Hollande a fait le pari que le déficit se réduirait grâce à un retour de la croissance. Or, celle-ci a été la grande arlésienne du mandat. En augmentant massivement les prélèvements obligatoires qui ont atteint un maximum historique, l’activité a reçu un coup de massue. La stagnation de l’économie durant près de quatre ans a pesé sur les recettes fiscales. Pour faire accepter sa politique à la gauche de la gauche à qui il avait tant promis, le Président n’a pas agi sur les dépenses si ce n’est sur celles concernant l’investissement. Il en a résulté un pic également historique de dépenses publiques à 57,3 % en 2014.

Pour se démarquer de Nicolas Sarkozy, François Hollande a décidé d’abandonner la revue des finances publiques tout comme la mesure de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Le plan d’économies de 50 milliards d’euros était avant tout un plan de moindres dépenses. Il s’agissait d’infléchir la courbe de progression des dépenses et de demander des efforts aux collectivités locales.

Il faut souligner qu’il n’y a pas de tableau des économies en France prouvant que les gouvernements ne souhaitent guère s’engager sur ce chemin de peur de voir tous les corporatismes monter au créneau. Néanmoins, il est indéniable que les mesures d’économies ont surtout touché les familles avec la réforme des prestations familiales, en particulier la modulation des allocations familiales en fonction du revenu. Par ailleurs, il a été engagé une réforme des aides personnalisées au logement, qui a permis d’économiser environ 2,5 milliards par an. Le gel de certaines prestations sociales et des pensions de retraite a été une source non négligeable d’économies. Le Ministère des Finances a également mis à contribution ainsi que la défense nationale du moins jusqu’en 2015. Les attentats et les interventions militaires françaises à l’étranger ont conduit à un changement de cap. Les gouvernements ont également réduit à la portion congrue les investissements publics.

Enfin et c’est l’essentiel, François Hollande a profité à plein de la politique monétaire accommodante de la BCE. La baisse des taux d’intérêt a permis de réduit le poids du service de la dette de 1 point de PIB entre 2012 et 2017.

Quels sont les postes ou des dépenses "utiles" ont pu être réalisées ?

Agnès Verdier-Molinié et Samuel-FrédéricServière  : La baisse de la charge de la dette elle est totalement liée à la politique accommodante de la BCE.  

Quant à elle, la baisse des dotations aux collectivités territoriales de 13 milliards environ sur cinq ans, elle a permis de freiner la dépense locale. Mais cette politique de rabot indifférenciée et non ciblée a seulement ralenti la croissance de l’emploi public local tout en générant une baisse importante des investissements. Résultat : les dépenses de fonctionnement ne baissent pas et les dépenses d’investissement baissent. 

Au contraire quels sont les postes de dépenses ou il aurait fallu dépenser moins et où il ne s’est rien passé ? Comment justifier de tels arbitrages ?

Agnès Verdier-Molinié et Samuel-FrédéricServière :Un bon exemple est celui du coût des allocations et des minima sociaux. Par exemple les APL n’ont pas été substantiellement réduites, et corrigées de leurs principaux défauts aboutissant à des situations où parfois les montants versés dépassent les loyers perçus par les bailleurs. Sur le volet des dépenses de personnel, lors que François Hollande avait annoncé qu’il n’augmenterait pas le nombre d’emplois publics, il apparaît qu’entre 2012 et 2015, l’emploi public est passé (hors contrats aidés) de 5,381 millions à 5,450 millions, soit tout de même une croissance de 69.000 agents (personnes physiques), répartie avec une croissance de 15.900 agents dans la fonction publique d’Etat, plus faible que dans la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière qui voient des augmentations d’effectifs à peu près similaires (+26.900 agents et +26.300 agents respectivement).

Sur le volet des opérateurs de l’Etat, là également, les tutelles n’ont pas permis de ponctionner suffisamment les opérateurs et de procéder aux fusions nécessaires. Les effectifs  sont encore en progression.

Philippe Crevel : L’écart avec la moyenne des pays membres de l’Union représente de 4 à 5 points de PIB. Au-delà de la question de l’efficience, cet écart est également la traduction de certains choix collectifs. En France, le deuxième pilier de la couverture retraite étant obligatoire et par répartition, il est intégré dans les dépenses publiques quand chez certains de nos partenaires européens il ne l’est pas. Les dépenses d’éducation sont plus élevées en France notamment du fait d’une démographie plus dynamique. Enfin, notre pays consacre un peu plus de moyens à sa défense nationale qui dispose tout à la fois de l’arme nucléaire et de forces de projection.

En matière de dépenses retraite, l’écart entre la France et le reste de la zone euro était, en 2015, de 3,5 points de PIB contre 1,5 point en 2002. Pour les dépenses d’éducation, la France consacre 1,2 point de PIB de plus que le reste de l’Europe, cet écart étant resté constant de 2002 à 2015. Il en est de même pour les dépenses de santé (8,2 % du PIB contre 7 % en 2015). Pour les dépenses en faveur de la famille, la France consacre 2,5 % de son PIB contre 1,5 % dans le reste de l’Europe. Les dépenses de logement représentent 0,9 % du PIB en France contre 0,3 % dans le reste de l’Europe. L’écart est de 1,25 point en ce qui concerne les dépenses en faveur de l’emploi et de 2 points pour celles liées au soutien à l’économie.

François Hollande n’a pas voulu froisser la fonction publique en diminuant les effectifs qui ont de ce fait augmenté sur la période de près de 100 000. Il n’y a pas eu de remise en cause des dépenses en matière d’éducation afin d’en améliorer l’efficience. La France a continué à accroître ses dépenses sociales qui représentent désormais plus du tiers du PIB ce qui constitue un record européen.

Le pouvoir a espéré durant cinq ans que la croissance résoudrait tous les problèmes. De ce fait, il a différé, il a joué la montre.

Lorsque l'on compare la gestion du budget de la France sous le quinquennat de François Hollande avec celle des autres pays que constate-t-on ? Quels sont ceux qui sont parvenus également à baisser des déficits et comment ont-ils procédé ? Quelles ont été les stratégies mises en place ?

Agnès Verdier-Molinié et Samuel-FrédéricServière : Un regard sur les indicateurs d’Eurostat permet de prendre conscience que la France est désormais le pays avec la plus forte dépense publique de l’Union, avec 56,4% du PIB (INSEE mai 2017), contre 53,3 pour le Danemark, et 50% pour la Suède. La moyenne européenne étant à 46,6% pour 2016 soit 10 points plus faible que nous… Cette réussite globale de nos partenaires provient de réformes structurelles réalisées pour la plupart entre le début des années 1990 et le début des années 2000. La Suède par exemple, mais aussi plus récemment l’Allemagne, ont mis en place des normes budgétaires plus contraignantes que les directives maastrichiennes et européennes en général, que l’on appelle "frein à l’endettement". 

Ce mécanisme permet un équilibre intertemporel des comptes publics sur un cycle économique et ainsi rentrer dans une logique de désendettement. La priorité pour la France devrait être de dégager un excédent primaire suffisant pour faire baisser la dette (96,3% selon les dernières estimations). Songeons par exemple que l’Italie qui a un plus grave problème de dette que la France (en termes de soutenabilité) est structurellement en excédent primaire chaque année. Pour la France, le solde primaire stabilisant devrait avoisiner 0,2% ou  0,3% du PIB. On en est encore très loin. Tout reste donc à faire en la matière sur le quinquennat qui vient. Adopter en France le mécanisme de frein à l’endettement est incontournable pour mener une politique efficace en matière de solde budgétaire. 

Philippe Crevel : Les pays qui ont réussi à revenir à l’équilibre ou en-dessous de 3 % du PIB ont tous agi sur les dépenses publiques. Les économies sont pérennes quand les augmentations d’impôt incitent à un moment ou un autre à relâcher la vigilance au niveau des dépenses. Nos partenaires ont maîtrisé leurs dépenses sociales, le nombre d’emplois publics et aussi, et cela n’est pas toujours positif, leurs dépenses militaires.

Nos partenaires ont réformé plus amplement leur système de retraite en passant l’âge de départ au minimum à 65 ans et en instituant des systèmes par points. Ils ont responsabilisé un peu plus que nous les assurés et les professionnels  en matière de santé. Par ailleurs, ils ont réduit la surface de la sphère publique en supprimant des agences ou en les transférant au privé. C’est ainsi que le Canada qui accumulait les déficits est, depuis quelques années, un des meilleurs élèves de l’OCDE. La bonne gestion s’autoalimente. En lieu et place d’espérer le retour de la croissance importée, un Etat mieux géré permet à l’économie réelle de trouver plus facilement de ressources et donc de se développer. Un Etat moins tatillon laisse l’initiative individuelle prospérée ce qui est également favorable à la croissance et donc i fine aux recettes publique et à l’équilibre budgétaire.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !