Pourquoi le taux de suicide des adolescents ne cesse de croître depuis 25 ans<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
Pourquoi le taux de suicide des adolescents ne cesse de croître depuis 25 ans
©

Bonnes feuilles

Selon l’auteur, chaque adolescent emprunte transitoirement la voie de la dépression. C’est une crise nécessaire, un passage obligé pour devenir adulte. Mais une crise qui peut, si elle est mal évaluée ou gérée, avoir des conséquences graves. À partir de cas réels, ce livre indique ce qui fait partie de la crise ordinaire, et ce qui doit être considéré comme inquiétant, justifiant des soins. Un livre indispensable aux parents afin qu’ils puissent aider leurs enfants à devenir des adultes. Extrait de "Adolescents, la crise nécessaire", de Stéphane Clerget, aux éditions Pluriel 1/2

Stéphane Clerget

Stéphane Clerget

Stéphane Clerget est médecin pédopsychiatre. Il partage son activité entre les consultations et la recherche clinique. Ses champs d’étude concernent notamment l’adolescence, les troubles émotionnels et les questions d’identité. Il a mis en place à l’hôpital l’une des premières consultations d’aide à la parentalité. Il est l'auteur de Nos garçons en danger (Flammarion) et Les vampires psychiques (Fayard).

Les vampires psychiques de Stéphane Clerget

Voir la bio »

Le corps condamné

Plutôt que de devoir rendre un objet ou s'en débarrasser, certains préfèrent le faire disparaître. On peut faire de même avec les personnes. Dans les crimes passionnels, on va jusqu'à tuer la personne qu'on aime plutôt que d'accepter qu'elle parte. Le sentiment de dépossession de son corps enfantin est parfois si éprouvant que certains adolescents n'imaginent pas d'autre soulagement possible que celui de le détruire. Le suicide des adolescents est un phénomène dramatique, son taux ne cessant de croître depuis vingt-cinq ans. Il tue mille jeunes de 15 à 24 ans chaque année.

Les facteurs qui sous-tendent ce type de conduite sont pluriels. L'attaque contre le corps devenu sexué en est un parmi d'autres. Il s'agit, bien sûr, de mécanismes inconscients qui visent à la préservation de l'image du corps prépubère, vécue comme un archétype. Car, en adoptant la destruction comme remède, l'adolescent s'illusionne. Il y a un déni de la réalité de la mort. La conception de la mort à cet âge diffère de celle des adultes. Marie, 15 ans, m'a confié après une tentative de suicide qu'elle a « fait cela pour avoir une vie meilleure ». L'attente de la mort est sous-tendue par des désirs inconscients de renaissance. Imaginairement, le suicide ne va pas détruire le corps dans son ensemble. Il va interrompre une métamorphose attristante et angoissante, et va maintenir un corps originel considéré comme idéal.

La tentative de suicide peut se produire quand les mécanismes de protection contre l'expérience dépressive sont inopérants. Cela témoigne d'une impasse dans le processus de développement adolescent. Le suicide est souvent dû à un échec dans l'élaboration du deuil. D'ailleurs, les études montrent que les adolescents suicidants qui ont survécu à une tentative se distinguent par leur difficulté à supporter la perte ou la séparation.

La tentative de suicide peut se comprendre aussi comme une tentative de maîtrise du corps par rassemblement. L'adolescent essaie de cette manière de se constituer des limites. Le corps est vécu intérieurement comme partant dans tous les sens de façon anarchique, provoquant des sensations inédites et disparates. En le projetant dans la mort, l'adolescent a, inconsciemment, la volonté de le ramasser en un bloc compact, de l'agglomérer pour l'harmoniser en une pulsion unique.

Les questions relatives aux tentatives de suicide chez l'adolescent seront développées plus loin.

Les mutations corporelles provoquent donc des angoisses chez l'adolescent et le confrontent à un sentiment de perte qui participe à l'établissement d'un vécu dépressif. Il tente de lutter contre cette dépression par différents moyens qui sont à l'origine de comportements spécifiques de cette période de la vie. Pour des raisons diverses, anciennes ou présentes, il arrive que ce vécu soit particulièrement intense et que les moyens utilisés pour le contrer s'emballent. Il s'agit alors de troubles psychiatriques qu'il convient de traiter.

Extrait de "Adolescents, la crise nécessaire", de Stéphane Clerget, aux éditions Pluriel, juin 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !