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Pourquoi le PS pourra très bien se passer de programme en 2017 (comme il semble le penser) mais quid d’une vision du monde ?
©Reuters

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Jean-Christophe Cambadélis a annoncé que les socialistes ne présenteront pas de programme pour l'élection présidentielle puisque le futur candidat est déjà en poste. Une décision surprenante qui révèle cependant l'état des contradictions et tensions au sein de la gauche.

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico : Jean-Christophe Cambadélis a annoncé que les socialistes ne présenteront pas de programme pour l'élection présidentielle puisque le futur candidat est déjà en poste. Pourtant on pourrait s'attendre à ce que le Parti socialiste exprime clairement sa vision du monde et son projet politique. N'est-ce pas révélateur des troubles idéologiques qui traversent le parti ?

Christophe Bouillaud : Il me semble que le fait que M. Cambadélis ne veuille pas faire de programme est révélateur du fait que le PS est extrêmement divisé sur la ligne à suivre. Plus précisément, il y a ceux qui suivent la ligne Valls-Macron et ceux qui s'y opposent ou n'y adhèrent pas pleinement, c'est-à-dire la majorité du parti. Réaliser un programme serait donc une occasion supplémentaire de révéler au grand jour les clivages qui traversent le PS. Il faudrait le faire approuver d'une manière ou d'une autre par les militants, ce qui risquerait de poser problème car ces derniers ne sont majoritairement pas en adéquation avec le politique du Gouvernement. Le dernier document programmatique du PS n'était déjà pas en accord avec la politique que mène dans les faits le gouvernement socialiste actuel.

Dans quelle mesure est-ce important pour un candidat d'avoir un programme et à quel point cela a un impact sur le vote des électeurs ?

Lorsque Jean-Christophe Cambadélis dit qu'il n'est pas nécessaire de travailler à un programme, c'est très révélateur du malaise et des troubles qui traversent son parti. Je crois qu'en l'occurrence il s'agit pour M. Cambadélis de laisser les mains libres à François Hollande, de façon à ce qu'il puisse proposer ce qu'il voudra. Par ailleurs, il sait que les propositions de M. Hollande ne seront pas en concordance avec les attentes de la majorité des militants du PS. Il est intéressant de constater qu'en matière économique, il y a des promesses de Nicolas Sarkozy qui sont en train d'être réalisées par Emmanuel Macron. Ça ne coïncidence donc évidemment pas avec les idées de la base socialiste.

Comment définir le projet politique de François Hollande ? Où se situent les points de rupture avec la doctrine traditionnelle du Parti socialiste ?

Tout d'abord, il est nécessaire de rappeler que François Hollande vise fort logiquement sa réélection. Son programme et ses promesses de campagne seront donc composés de ce qui peut lui permettre d'être réélu. La mise à l'agenda de la déchéance de nationalité est tout à fait significative de la façon dont François Hollande fait de la politique, qu'on pourrait qualifier de purement électoraliste. Par ailleurs, si on regarde le parcours de François Hollande depuis ses débuts en politique dans les années 1980, il est évident qu'il se situe à la droite du Parti socialiste. Il soutient donc la vision d'un socialisme rénové, qu'il a d'ailleurs théorisé il y a quelques temps sous le nom de "socialisme de l'offre". On note au passage que cela ne correspond pas à ce que pensent la majorité des militants du Parti socialiste actuel. On peut se conforter dans ce propos en observant les résultats de la primaire socialiste pour l'élection présidentielle de 2012 : Manuel Valls qui était le candidat le plus à droite a fait 5%. Il est pourtant actuellement Premier ministre.

Qui au Parti socialiste est encore en phase avec cette ligne politique ?

Il y a déjà ceux qui sont au Gouvernement, ce qui fait déjà un certain nombre des personnalités de premier plan du PS. Par ailleurs, il faut bien reconnaître que le PS n'est plus une machine à réfléchir. C'est une machine à conquérir et conserver le pouvoir, mais qui a de très grandes difficultés à articuler sa pratique du pouvoir avec une réflexion intellectuelle ou stratégique de fond. Il y a donc tout un groupe de dirigeants au sein du PS, comme Manuel Valls ou encore Myriam El Khomri, dont la ligne politique se rapproche bien plus de celle de la droite que de celle de la gauche. C'est lié à l'absence de plus en plus grande de formation idéologique des cadres du parti. Comme beaucoup de partis sociaux-démocrates en Europe, les idées politiques sont de plus en plus abandonnées pour des propositions techniques et une vision de la politique comme une seule affaire de gestion.

Quels sont les risques pour le Parti socialiste d'avancer avec un tel décalage entre ce que pensent les militants et ce que font les leaders, et surtout avec un tel flou sur le projet ?

Le scénario le plus probable pour l'année qui vient, c'est que François Hollande va se représenter à la présidentielle en jouant le tout pour le tout pour se faire réélire. S'il se fait réélire, je pense que l'ensemble des élites du PS seront satisfaites. En revanche, s'il perd, il y aura des règlements de compte très durs au sein du PS entre les différentes lignes. Il y aura probablement un congrès et probablement un éclatement entre les différentes tendances. Le problème pour le Parti socialiste, c'est que le nombre de ses élus ne cesse de se restreindre et il y a fort à parier qu'en cas de défaite à l'élection présidentielle, son nombre d'élus diminuera encore beaucoup à la faveur de la déroute logique qu'ils devraient subir aux législatives. La gauche se trouverait dans une situation sans doute assez similaire à ce qu'il s'est passé à la fin de la IVème République, une époque à laquelle la SFIO s'était trouvée complètement déconsidérée. Pour l'heure, au PS, la stratégie consiste à miser sur une victoire de François Hollande. Il ne faut cependant pas négliger l'hypothèse selon laquelle François Hollande ne serait pas candidat. Il me semble pourtant que seul un taux de chômage extrêmement fort serait susceptible de le faire changer d'avis.

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