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Pourquoi le gouvernement de Philippe risque bien de déraper en dehors des clous budgétaire à horizon 2020
©LUDOVIC MARIN / AFP

2020, l’odyssée

Le Premier Ministre a annoncé qu’il n’y aurait pas de nouvelles baisses des impôts pesant sur les entreprises avant 2020. Il a justifié cette annonce par "un environnement contraint" au niveau budgétaire et par la nécessité d’engager une concertation préalable avec les collectivités territoriales.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Le 28 mai, RTL indiquait qu'Emmanuel Macron réfléchirait à la possibilité d'alléger les impôts de production, qui représentent un total de ressources fiscales de l'ordre de 72 milliards d'euros. Au regard des différentes promesses, et des indications existantes à ce jour - notamment sur la reprise d'une partie de la dette de la SNCF- la retenue à la source etc.- les promesses du gouvernement concernant la réduction des déficits sont-elles réalistes ? 

Philippe Crevel : La diminution des taxes sur les entreprises est a priori renvoyée aux calendes grecques. En effet, le Premier Ministre, Edouard Philippe, a annoncé qu’il n’y aurait pas de nouvelles baisses des impôts pesant sur les entreprises avant 2020. Il a justifié cette annonce par « un environnement contraint » au niveau budgétaire et par la nécessité d’engager au préalable une concertation préalable avec les collectivités territoriales. En effet, étaient dans le viseur de l’exécutif la Contribution foncière des entreprises (CFE) et la Contribution sur la Valeur Ajoutée des Entreprises. Ces deux impôts issus de feu la taxe professionnelle financent les collectivités locales. Il était bien imprudent d’ouvrir un nouveau front avec les élus locaux avant d’avoir éteint celui de la taxe d’habitation. Parmi les autres impôts qui pourraient un jour ou l’autre être supprimés figure également la Contribution sociale de Solidarité des sociétés (C3S).

Il n’en demeure pas moins que les entreprises acquittent un montant élevé d’impôts de production qui sont calculés de manière indépendante de la quantité ou de la valeur des biens et services qu'elles produisent ou vendent. Ces taxes représentent un coût de 72 milliards d’euros bien plus importants que celles supportées par les entreprises allemandes ou italiennes.

Le Gouvernement n’a plus de marges de manœuvre pour poursuivre sa politique de dynamisation de l’offre. Le Premier Ministre doit se contenter de mettre en avant les mesures prévues dans le projet de loi PACTE qui doit être présenté logiquement et sauf nouveau report début juin. Ce projet de loi comporte 1,5 milliard d’euros d’allègement sur les entreprises avec notamment la suppression du seul des 20 salariés qui déclenche de nouvelles obligations sociales et fiscales.

Le Président de la République est confronté au financement de ses promesses. D’ici 2022, il faut trouver des solutions pour la compensation de la taxe d’habitation (plus de 20 milliards d’euros), pour le financement éventuel du service civique, pour la reprise de la dette de la SNCF qui pourrait à terme générer un surcoût de 600 millions d’euros, pour le plan banlieue, pour le plan en faveur du milieu rural, pour l’accroissement des dépenses destinées à la défense. Il faut également prendre en compte l’IFI et le prélèvement forfaitaire unique. Par ailleurs, le Président est attendu sur certaines de ces promesses comme la défiscalisation des heures supplémentaires.

Alors que le gouvernement affirmer que les engagements budgétaires seront tenus, comment comprendre ces annonces ? S'agit il de simples "omissions volontaires" classiques de discours politique, ou faut-il y voir réellement une volonté de s'affranchir des règles budgétaires pour soutenir une politique favorable aux entreprises ? 

Le Président de la République lit en permanence les sondages. Décrochant auprès des chefs d’entreprise, il décide de les cajoler laissant le soin au Premier Ministre d’être le gardien du Trésor Public.

Le pari du gouvernement ressemble en partie à celui du précédent, financer les promesses par la croissance. Néanmoins, comme certaines d’entre elles visent à libérer l’offre de leur corset, l’exécutif espère une amélioration de la croissance potentielle d’ici trois ou quatre ans. Il attend une augmentation des investissements d’origine étrangère pour accroître les capacités productives anémiées. Si en 2017, la croissance a dépassé les attentes en atteignant 2,2 %, elle apparaît au vu des premiers résultats de 2018 bien fragile. Si elle avait la mauvaise idée de repasser en-deçà de 1,5 %, les équilibres budgétaires de la France seraient remis en cause.

Quelle serait la cohérence de telles actions ? Le pari fait par le gouvernement pourrait-il s'avérer payant à un horizon de moyen long terme ? 

L’assainissement financier de la France est plus que précaire. Le déficit public a été de 2,6 % quand la croissance a été de 2,2 %. La moyenne de la zone euro est de 0,9 % du PIB et l’Allemagne ose même dégager un excédent de 0,9 % du PIB. La France sera nue en cas de retournement de cycle. A chaque crise, le déficit s’accroît un peu plus. Sa réduction prend de plus en plus de temps. Depuis 1973, la France n’a jamais dégagé un excédent.

Pour le moment, le Président de la République a tenté de gagner du temps en différant la réduction des effectifs dans la fonction publique ou la suppression du statut. Il n’a pas abordé l’épineuse question du périmètre des collectivités publiques. Au Canada ou en Australie, la réduction des dépenses est venue d’une action forte sur les structures avec des privatisations, des filialisations et la fermeture de doublons. En France, la Cour des Comptes a souligné le caractère anarchique des agences mais ces recommandations n’ont pas été suivies d’effet.

Certes, l’exécutif a évoqué l’idée de revoir le mode de calcul de certaines prestations sociales. Mais, il faut passer de l’annonce aux actes et sur ce sujet, rares sont les téméraires.

Le Gouvernement sera obligé de faire du donnant / donnant. Il supprimera certaines aides aux entreprises contre la suppression de certains impôts ou taxes. Il pourrait également revoir la politique d’aides au logement qui coûte 40 milliards d’euros. La France est un pays le plus pour le logement qui se paie le luxe d’avoir un problème dans ce secteur. Il pourrait également revoir les mécanismes d’exonération de charges sociales qui aboutissent à un nivellement vers le bas de notre économie.

Le retour de la croissance passe sans nul doute par l’innovation, l’investissement mais aussi et surtout par la baisse des dépenses publiques qui absorbent 56 % de notre richesse créée chaque année. La libéralisation des énergies exigent un Etat plus modeste, plus respectueux du principe de subsidiarité.

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