Pourquoi le chiffre de la Croissance 2017 pourrait bien être le meilleur du quinquennat... tout en ne devant rien à Emmanuel Macron<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Pourquoi le chiffre de la Croissance 2017 pourrait bien être le meilleur du quinquennat... tout en ne devant rien à Emmanuel Macron
©GONZALO FUENTES / POOL / AFP

Pente descendante

Malgré les réformes mises en œuvre depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, les prévisions réalisées par les différents organismes internationaux laissent penser que le nouveau locataire de l'Elysée pourrait ne jamais pouvoir battre les chiffres de croissance de l'année 2017...ce qui pourrait être délicat à expliquer à ses électeurs.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

Voir la bio »

Atlantico : Alors que la France a connu une croissance économie de 2.3% pour l'année 2017, ce chiffre pourrait être inférieur pour cette année 2018, mais également pour les suivantes, selon les prévisions de divers organismes. Comment expliquer un tel résultat, et comment la politique d'Emmanuel Macron peut-elle être évaluée au travers de ce contexte ?

Nicolas Goetzmann : Le gouvernement prévoyait une croissance de 2% pour le pays pour cette année 2018, mais il est désormais probable que ce chiffre soit plutôt compris entre 1.5 et 1.8% au regard des dernières estimations ou prévisions, notamment celles de l'INSEE. On peut ainsi noter la révision à la baisse de ce chiffre par la Commission européenne à 1.7%, ce qui est une déconvenue importante en comparaison du chiffre de 2.3% constaté pour le pays en 2017.

Ce que l'on constate également, c'est que la Banque centrale européenne prévoit un tassement de la croissance qui devrait atteindre 1.7% pour l'année 2020 pour la zone euro, ce qui signifie qu'aucune repoussée de tendance n'est attendue pour le continent pour les prochaines années. Ceci est important parce que la croissance de 2.3% de 2017 en France s'est réalisée dans un contexte de 2.4% de croissance pour la zone euro. Il est ainsi assez peu probable que la France puisse dépasser son score de 2017 au cours des prochaines années.

Politiquement parlant,  c'est explosif. Cela contredit l'ensemble de la rhétorique développée par Emmanuel Macron, qui se voulait être le président de la croissance, celui qui agit, celui qui obtient des résultats. Comment expliquer à ses électeurs que la croissance en France était plus forte antérieurement à la mise en place de ses réformes, comme la loi Travail ? Pire encore, comment expliquer que le chiffre de 2017, où l'action de François Hollande prévaut, pourrait être supérieur à celui de l'ensemble des années qui composeront son quinquennat ? Le seul remède à un tel revers serait de dire que l'année 2017 fut "exceptionnelle", qu'il s'agirait d'une année de "rattrapage" des années de vaches maigres connues depuis 2008. Mais cet argument ne tient pas non plus, parce que la France est encore très loin d'avoir connu quelque rattrapage que ce soit. Entre le T2 2008 et le T2 2018, soit pour une période de 10 ans, la croissance du pays a été de 8.8%, soit une moyenne annuelle légèrement supérieure à 0.8%. Aux États Unis, sur la même période, la croissance a été supérieure à 17%. Le rattrapage est donc encore loin d'être achevé et il ne semble pas que la présidence d'Emmanuel Macron soit témoin de cette indispensable remise à niveau.

Comment expliquer que la politique menée depuis un an ne se retrouve pas dans les chiffres de la croissance ?

Emmanuel Macron a surfé sur l'idée qu'il allait mener de "vraies réformes", celles que ses prédécesseurs n'avaient pas eu le courage de faire, et que ces derniers n'étaient pas allé "assez loin". Mais cela veut tout dire, parce que cela signifie que le logiciel de pensée reste le même, et que seul le curseur change. Emmanuel Macron va plus loin - dans les discours au moins - que les anciens présidents, mais il va dans la même direction. Il n'est donc pas forcément illogique que ses résultats ne soient pas à la hauteur des attentes. Parce que dans le fond, le diagnostic reste donc inchangé. Et aucune réelle réflexion sur la crise de 2008 n'a eu lieu.

Le fameux rapport Attali dont Emmanuel Macron fut le rapporteur général adjoint a été commandé en juin 2007 et rendu en janvier 2008, et il s'agit là de la réflexion de base d'Emmanuel Macron. Pourtant, depuis cette date, il faut quand même noter que le pays - et le monde-  ont traversé une crise d'une ampleur incomparable depuis l'après-guerre. Et malgré cela, ce sont les mêmes idées que celles de 2007 qui sont aujourd'hui développées. Cela semble inimaginable, mais c'est le cas. Aucun diagnostic de crise sérieux n'a été réalisé, et logiquement, aucune solution n'est donc apportée.

Et même lorsque l'on regarde les propositions faites par Emmanuel Macron au niveau européen, tout ce que l'on peut constater, ce sont des propositions relatives à des outils destinés à faire face à une nouvelle crise future, mais absolument pas de réflexion sur les causes de cette crise et le traitement de ses causes. On conserve les causes, c’est-à-dire une politique macroéconomique mal construite au niveau européen, et on tente vaguement de préparer la prochaine crise que ces mêmes causes pourraient produire.

L'Europe est empêtrée dans une crise de croissance trop faible par rapport à son potentiel, ce qui se voit au travers de l'ensemble des indicateurs macroéconomiques depuis 10 ans, de l'inflation sous-jacente à la balance commerciale excédentaire, en passant par un taux de chômage deux fois plus élevé qu'aux États-Unis (qui sont quand même des indices plus que visibles), et on reste cantonné à une vision figée dans le contexte du milieu des années 2000. En guise de "monde nouveau", on pouvait espérer mieux.

Quels seraient les moyens à mettre en œuvre pour permettre un renversement de tendance pour retrouver un rythme de croissance plus élevé ?

La France a connu une croissance moyenne supérieure à 2% entre 1997 et 2007, ce chiffre n'est donc pas inatteignable pour le pays en guise de rythme de croisière. Mais avant d'en arriver là, c'est une croissance plus importante que la France devrait connaître, au moins pour rattraper une partie du retard pris. Lorsque l'on regarde ce qui se passe ailleurs, des Etats-Unis au Japon en passant par le Royaume Uni, on constate des années de croissance soutenue pour sortir de la crise, bien au-delà des chiffres de croissance potentielle qui sont battus années après années. Pour en arriver là en Europe, c'est un bouleversement intellectuel qui devrait voir le jour, et qui pourrait avoir lieu simplement en évoquant l'idée que la monnaie européenne doit se reposer sur l'idée qu'une monnaie doit avoir la croissance comme objectif. Cela pourrait être le cas si on se décidait au niveau européen de traiter la question de l'intégration d'un objectif de plein emploi dans les statuts de la BCE. Mais pour le moment, cette réflexion n'est pas menée, même pas abordée, et l'euro reste une monnaie de protection de l'épargne, et non une monnaie de développement économique. Il n'est pas nécessaire d'aller chercher plus loin les explications de cette contre-performance chronique de la zone euro, parce que cette contre-performance est devenue le projet lui-même. D'autres pays préfèrent s'armer de politiques monétaires dynamiques pour faire de la croissance une priorité. Ce n'est pas le cas en Europe, et cela s'est révélé pendant cette crise de 2008. C'est cette réflexion qui n'est pas encore menée à l'Élysée, malgré 10 années de crise et des preuves flagrantes.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !