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Pourquoi la société française est prête à prendre une nouvelle respiration libérale
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Bonnes feuilles

La propagation des théories "déclinistes" a connu en France une formidable accélération depuis la crise de 2008. Ce mouvement fait aujourd'hui son lit avec la même exagération que déployaient les tenants de la France "locomotive de l'Europe" des années 2000. Pourtant la France a vécu, en une décennie, une véritable révolution culturelle passée inaperçue. Les Français se sont convertis de manière autonome mais généralisée, non par passion mais par raison, à l'individualisme libéral. Extrait de "La France est prête - Nous avons déjà changé", de Robin Rivaton, publié chez Les Belles Lettres (2/2).

Robin Rivaton

Robin Rivaton

Robin Rivaton est chargé de mission d'un groupe dans le domaine des infrastructures. Il a connu plusieurs expériences en conseil financier, juridique et stratégique à Paris et à Londres.

Impliqué dans vie des idées, il écrit régulièrement dans plusieurs journaux et collabore avec des organismes de recherche sur les questions économiques et politiques. Il siège au Conseil scientifique du think-tank Fondapol où il a publié différents travaux sur la compétitivité, l'industrie ou les nouvelles technologies. Il est diplômé de l’ESCP Europe et de Sciences Po.

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Les Français ont une vision étonnamment claire de l’économie pour un peuple dont on décrète un peu vite qu’il n’y comprend rien. Six Français sur dix estiment qu’il faut limiter au maximum le rôle de l’État dans l’économie pour relancer la croissance 21. Le redressement national aura pour seuls champions nos entreprises. Pour libérer ces dernières, la première étape est d’indiquer clairement le chemin d’une libéralisation de l’économie avec la suppression des monopoles protégés par les murailles des réglementations et protections administratives en tout genre. Tout d’abord le marché du travail, lieu de blocages injustes entre salariés protégés et salariés précaires et à partir duquel une rigidité paralysante contamine l’ensemble de la sphère productive. Il s’agit d’ailleurs du principal frein pour les investisseurs étrangers, un quart d’entre eux le citant spontanément d’après le World Economic Forum. Mais d’autres secteurs sont concernés : banque, formation professionnelle, assurance, transport, santé, éducation, métiers de la justice, services, livres… La liste est infinie tant l’État a réussi à s’immiscer dans chacun des secteurs économiques. L’aventure Free a eu des effets positifs mais la levée de boucliers qui a suivi montre la force et la capacité d’influence des rentiers de tout poil. La libéralisation c’est aussi autoriser la respiration, supprimer les réglementations qui nourrissent un autre Léviathan, le monopole de la production de la norme, l’État bien évidemment. La taxation devrait être également repensée pour tendre vers une plus grande neutralité. Ainsi, dans le secteur immobilier la récente augmentation des droits de mutation réduit la fluidité normale du marché alors que l’augmentation des taxes sur la propriété la renforcerait. Quel est l’intérêt de surtaxer les entreprises, leur cassant les jambes, pour ensuite leur donner des béquilles via des allègements de charge ? Si ce n’est celui d’assurer la viabilité du rôle de l’État qui prélève au passage des frais d’intermédiation élevés. La règle de bon sens est de supprimer tous les plafonds qui constituent autant d’entraves superfétatoires à la croissance normale de l’économie, qu’ils se trouvent dans les seuils de dix, vingt et cinquante salariés pour les entreprises dont il a été montré à quel point ils étaient destructeurs d’emplois ou que ce soit le plafond des dispositifs de réduction de l’impôt sur la fortune en cas d’investissement dans le capital de PME, alors que chaque euro investi à travers ceux-ci a un effet multiplicateur trois ou quatre fois supérieur que s’il était collecté sous forme d’impôt. Gardons à l’esprit que le marché, l’innovation, la compétition, telle l’eau qui emporte les barrages, finissent toujours par dépasser les barrières dressées face à eux, qu’elles soient le fait de l’État ou d’autres acteurs privés. Cette première étape est celle de la réforme hors coût, qui se fera par la simplification des multiples lois et réglementations. Elle générera des effets économiques rapides et puissants permettant ensuite de passer à la réforme coût impliquant des changements de nature budgétaire.

Ce libéralisme n’est pas un pas vers l’austérité, il en est au contraire son pendant puisqu’il réduit le budget de contrôle de l’État sur la sphère économique en suscitant un immense appel d’air en faveur de la création d’entreprise. Il ne réduit pas le ratio d’endettement par la baisse du numérateur, mais par les perspectives de hausse forte du dénominateur, à savoir la richesse créée. Parce que le long terme entre en jeu dans les anticipations des entrepreneurs, cette position doit garantir une stabilité juridique intangible. La seconde étape pour assurer la pérennité de ce mouvement dans la durée est de repenser le rôle de l’État et des organismes publics. Les entreprises françaises, asphyxiées par quinze années de surimposition, ne sont plus capables de rivaliser avec leurs concurrentes internationales. L’investissement est notre planche de salut – au moins autant que la baisse du coût du travail sur laquelle l’attention des hommes et femmes politiques est concentrée depuis qu’ils ont compris que la France n’était plus compétitive – mais il ne viendra que de la baisse de la charge fiscale et réglementaire sur les entreprises. Si cette démarche est enfin lancée, notre attractivité auprès des investisseurs internationaux remontera en flèche. Cette baisse de l’imposition trouve son corollaire dans une baisse drastique des dépenses publiques. Il ne s’agit pas de raboter un peu partout mais bien de refonder l’État en le rendant plus efficient là où existent des gisements de productivité, de se retirer des secteurs dans lesquels son efficacité n’est pas supérieure de manière avérée à celle de l’initiative privée – quitte à réaliser in concreto la comparaison dans des zones tests –, et de se concentrer là où il a une vraie légitimité. Ne nous y trompons pas, la France n’est pas faite pour un État réduit, la majesté de notre pays a été élevée par et pour l’État. Mais ce même État s’est noyé dans des missions dans lesquelles il a perdu de vue son rôle premier qui était de fournir un cadre positif pour l’expression des mérites des uns et des autres, ce même État s’est autonomisé des principes républicains qui fondaient le pacte social l’unissant aux citoyens au profit d’un fonctionnement autarcique dans son propre intérêt. La coproduction de services publics, qui rencontre une attente forte de citoyens de plus en plus autonomes, offre une occasion exceptionnelle de réaliser cette réforme. Pour refaire l’intérêt général, il faut défaire la bureaucratie et lui insuffler des méthodes de management modernes issues du monde de l’entreprise. À cet égard, le signal introduit par la suppression de la prime de fonction et de résultat par la ministre de la Réforme de l’État et de la Fonction publique, au motif qu’elle aboutissait à individualisation accrue au détriment du travail collectif, est plutôt une régression. La hausse des impôts des particuliers, sans parler de celle des entreprises, n’est plus une alternative envisageable. L’austérité ne l’est pas plus. Elle a été possible et culturellement acceptable en Irlande, en Espagne ou en Grèce où une partie non négligeable de la population avait connu des temps de frugalité avant les décollages économiques respectifs des années 1980, 1990 et 2000. Dans ces pays-là, où la croissance de la classe moyenne avait été trop rapide, il a été tolérable d’accepter que le mouvement de hausse soit interrompu par une période de réduction drastique des richesses mais ce n’est pas envisageable dans les pays où la classe moyenne est depuis longtemps installée dans son confort. L’Italie en est un parfait exemple. Aussi la solution libérale est-elle la seule porte de sortie vers un avenir prospère. Dans le cas contraire, la tentation individualiste ne cessera pas, en dépit de la tentative de contrôle croissant de l’État. Que les pleutres se rassurent, les temps des révoltes violentes sont bien loin, la révolution a été tuée le jour où la banque a fait le premier crédit à un ouvrier, une immense majorité des gens ont plus à gagner dans la conservation de leurs biens que ne saurait leur offrir une quelconque révolution. Mais une économie parallèle, faite de débrouille, de travail au noir, d’échanges informels verra alors le jour alors même qu’actuellement la France est l’un des pays qui sont le moins touchés par ce type d’économie souterraine 22 du fait de l’efficacité de l’appareil fiscal de l’État.

Extrait de "La France est prête - Nous avons déjà changé",  de Robin Rivaton, publié chez Les Belles Lettres, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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