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Pourquoi la résistance au changement est inhérente à l’homme (et comment faire pour que ça évolue)
©Flickr/okano

Bonnes feuilles

Vous avez tous en vous un Grand Moi qui ne demande qu'à s'exprimer, alors que votre saboteur intérieur veut vous limiter et vous culpabiliser. Extrait de "Libérez votre Grand Moi !", de Pauline Charneau, publié aux Editions Du Moment (1/2).

Pauline  Charneau

Pauline Charneau

Pauline Charneau est Coach Professionnelle Certifiée (ACC, CPCC) et partage ses découvertes sur son blog Passion Coaching (paulinecharneau.com). Elle collabore aussi à plusieurs projets de l'Université Paris-Dauphine. Elle a auparavant occupé pendant une vingtaine d'années différents postes de management au sein de groupes bancaires inter nationaux. Elle est diplômée de l'Institut d'études politiques de Paris, de l'Université Paris-Dauphine et de l'ESSEC.

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Pour l’heure, il vous reste à vaincre votre crainte du changement. Vous avez besoin de repères, de cadre. La routine vous rassure, la familiarité vous materne. Cette impression de maîtrise est très agréable, parce qu’elle est l’antithèse même du stress. Ce goût de la permanence se loge dans les plus petites et les plus grandes choses.

Cela me rappelle Esther, une cliente qui souhaitait ardemment changer de travail et ne supportait plus rien de la société qui l’employait. Elle trouve un nouvel emploi, se réjouit – brièvement – puis me dit qu’elle est triste de quitter son entreprise, celle dont elle me disait si souvent un mal fou. Intriguée, je l’interroge sur ce qui la perturbe. Elle me répond : « Je ne ferai plus ce chemin tous les matins, j’aimais bien, je le connaissais. » Je lui demande ce qu’elle appréciait dans le fait de bien connaître ce chemin, et elle me répond que ça la rassurait. Vous remarquerez qu’Esther ne m’a parlé ni de son travail, ni de ses collègues, ni de son équipe, mais bien du chemin qu’elle faisait tous les matins, de l’extrême familiarité de tout ce qu’elle croisait quotidiennement, de l’absence absolue de surprise de ce que cela représentait. C’était la chose, dans sa vie professionnelle d’alors, à laquelle elle tenait le plus. Tout le reste lui était assez pénible, mais pour ces quelques minutes de facilité pure, elle regrettait déjà l’ensemble.

Sara, elle, arrive un jour dans mon bureau en m’annonçant qu’elle avait compris qu’elle ne pouvait pas continuer à exercer son métier, qui avait changé et ne lui convenait plus. Elle éprouvait un grand soulagement à s’en être rendue compte, à avoir pris la décision d’arrêter grâce à nos travaux. Quelques instants plus tard, je comprends que son emploi du temps des jours qui suivent est fait de rendez-vous en relation directe avec l’activité qu’elle prétend vouloir quitter. Je l’interroge, lui rappelle qu’elle vient de me dire qu’elle ne pouvait plus la supporter – elle évoquait un vrai dégoût, des nausées. Je la défie d’y mettre vraiment un terme, comme elle semblait en avoir pris la décision trente minutes plus tôt. Je lis alors dans son regard une vraie souffrance et, après un petit temps de silence, elle me dit dans un souffle : « Je ne peux pas arrêter complètement tout de suite. » En effet, ce métier qu’elle exerçait depuis plus de dix ans, d’abord avec passion, puis avec désenchantement, structurait sa vie. Même malheureuse, Sara savait à peu près ce que chaque jour lui réservait, elle avait une sorte de raison de vivre, un statut social, elle était quelqu’un de clairement défini. Il est vrai qu’elle n’avait pas à ce stade de projet alternatif, ce qui rendait l’abandon du présent plus difficile. Le travail de coaching a consisté, à partir de ce moment-là, à lui permettre de se projeter dans une nouvelle activité professionnelle.

Mais j’ai aussi eu des clients qui avaient des projets très aboutis et ne parvenaient pas à lâcher leurs vieux schémas, se donnant mille et une excuses : ne pas faire de peine à un associé – qui aurait peut-être été ravi de se retrouver seul maître à bord –, ne pas abandonner un patron qui a toujours été formidable – s’il l’est vraiment, il comprendra fort bien les belles motivations de son collaborateur, et pourra le regretter tout en se réjouissant pour lui –, ne pas renoncer à une clientèle acquise – mais qui apparemment ne suffisait plus à rendre sa vie épanouissante – et bien sûr, encore et toujours, ne pas décevoir son conjoint ou ses enfants – qui seraient pourtant extrêmement fiers qu’il fasse un grand saut, quel courage, quelle passion, quelle leçon !

Le changement de cadre de vie familiale, même désiré, est aussi très souvent source d’une angoisse liée à l’inconnu. Ainsi Pablo, qui ne supporte plus son appartement, trop loin de son travail, de l’école des enfants, trop petit, mal chauffé. Après des semaines de travail ensemble – sur d’autres sujets aussi, rassurez-vous ! –, il comprend enfin qu’il fait un rejet de son lieu de vie, entreprend avec persévérance de longues recherches, car ses critères sont difficiles à réunir, trouve l’appartement de ses rêves. Le voilà près de quitter l’ancien, et… il lui découvre tout à coup des mérites insoupçonnés ! Il a fallu que je réanime en lui les motivations profondes de son déménagement pour que Pablo se rende compte qu’il s’agissait simplement d’une crainte de la nouveauté, ou d’un attachement au connu pour ce qu’il a de rassurant.

D’autres ne seront même pas allés jusqu’à chercher, parce qu’il est plus confortable de se plaindre de l’existant que de se risquer à bouleverser sa vie. Combien de mes clients aimeraient vivre à la campagne, pour ceux qui vivent en ville, ou inversement, en parlent avec émotion, imaginent comme leur vie en serait changée, plus douce, plus pleine, en tout cas plus belle, mais n’ont même pas franchi le pas de consulter les annonces immobilières !

Cette aversion au changement est applicable à tout : au travail, au lieu de vie, au partenaire amoureux, aux habitudes de vacances, aux façons de faire. « J’ai toujours fait comme ça » la sauce tomate… l’écriture d’un livre… l’éducation de mes enfants… la comptabilité de ma société… un sport… mes devoirs de maths… peu importe ! Pourquoi changer ? Ça pourrait sans doute être mieux, mais ce n’est déjà pas mal. Et sans grand stress – croyez-vous. Vous verrez que cet immobilisme peut en réalité conduire à s’imposer de fortes doses de stress sans s’en rendre compte.

La résistance au changement est inhérente à l’homme. C’est sans doute une sorte de protection du système nerveux. Pour éviter ledit changement, vous êtes prêts à beaucoup de souffrances. En effet, ce que vous prenez pour une solution facile – ne pas déménager, ne pas changer de travail, ne pas quitter son conjoint, ne pas adapter sa méthode d’apprentissage, ne pas remettre en cause son mode d’éducation… – est souvent en réalité très stressant et vous détruit à petit feu. Car si la tentation, forte, de changement apparaît, elle est en réalité le signal de quelque chose d’enfoui, parfois très profondément, qui est en train de sourdre à travers les pierres du mur que vous avez édifié autour. Je ne parle pas de vos petites bulles de rêves ou d’envie nées d’un pré qui avait l’air plus vert que le vôtre, et qui éclatent dès que l’on tente de les saisir, mais de cette  chose au fond de vous qui remue, qui fait masse, aux dimensions et au poids variables, parfois doux et chaud, parfois gluant et froid, qui vous habite comme un alien, qui vous porte ou vous écrase selon les jours, et que vous aime- riez expulser. C’est un désir lancinant qui, comme certaines douleurs chroniques, sait parfois être là sans vrai désagrément pourvu que l’on pense à autre chose, mais se rappelle toujours à vous. Dans le sommeil, devant le spectacle d’une autre vie, lors d’une promenade en forêt. La sensation varie, parfois aiguë, parfois sourde, parfois si légère que vous l’oubliez, parfois violente comme un coup de poing.

C’est le rêve de votre vie. Certains traversent l’existence sans jamais l’écouter, et pour ce faire consomment des antalgiques sous forme de drogues diverses : alcool, nourriture, travail, sport, tout cela bien sûr en excès. Il me semble inutile de préciser la quantité de stress qu’ils cherchent ainsi à diluer. Sauf choc exogène, les chances sont extrêmement minces que leur comportement change jamais, puisqu’il vise à anesthésier la bête. Mais si le choc a lieu – comme c’est probable –, ceux-là ne sauront pas y faire face et risquent de s’écrouler tout à fait.

D’autres caressent leur rêve, lui parlent, tentent de l’amadouer, de lui faire comprendre pourquoi il n’aura jamais droit de cité. Cette dualité entre le désir et les actes, cette tension née de la distorsion entre ce que l’on s’impose et ce que l’on veut, cette privation de liberté intérieure, tout cela crée un stress permanent, de basse fréquence mais lancinant, et souvent ignoré. Il s’exprime pourtant : mal au dos, mal au ventre, mal à la tête. Mais on préfère mettre ça au compte d’une mauvaise position de travail, de la pollution ou du gluten. Cependant la porte est entrouverte, et à contempler ainsi leur rêve par l’entrebâillement, il n’est pas exclu qu’un jour ceux-là en tombent vraiment amoureux, et finissent par l’accueillir dans leur vie. Et je serai là pour ouvrir grand la porte et préparer le festin !

Lorsque vous prendrez conscience du système dans lequel vous vivez, de la façon dont il contribue à ces résistances, et des souffrances que vous endurez en son nom, l’envie d’explorer autre chose éclora. Allez donc voir un médecin chinois, qui vous fera pleurer de douleur en appuyant sur une région de votre pied – de votre ventre, de votre oreille, peu importe – à laquelle vous n’aviez jamais prêté attention et vous parlera de votre stress. Ce sera peut-être le début d’une interrogation : « Moi stressé ? Hmm… C’est vrai que ce que je vis ne me convient pas complètement. C’est vrai que mes renoncements, je les ai ensevelis sous des édredons de bonheurs : mes enfants, mon jardin, mes amis. Mais c’est toujours là. Et ça fait mal. Très mal. »

Alors, il y aura sans doute la peur.

Extrait de "Libérez votre Grand Moi !", de Pauline Charneau, publié aux Editions Du Moment, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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