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Pourquoi la hausse des taux de marge des entreprises grâce au prix cassé du pétrole se fait à crédit
©Reuters

Gueule de bois en vue

31,2% : tel est le chiffre publié par l'INSEE, mercredi 23 décembre, concernant le taux de marge des entreprises. Un chiffre en augmentation depuis 2014 et qui devrait continuer à croître selon l'Institut. Parmi les explications avancées figure principalement la baisse du prix du pétrole. Mais pour que ces résultats soient pérennes, il faut également des mesures fiscales et sociales adaptées, notamment à l'intention des start-ups.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Atlantico : L'INSEE publiait ce mercredi 23 décembre une note traitant, notamment, des marges des entreprises. Celles-ci, qui se dégradaient depuis 2010, regonflent. Mieux encore : cette hausse devrait se prolonger dans le temps. Comment peut-on l'expliquer ? Qu'elles en sont les raisons ?

Jean-Paul Betbèze : De fait, l'étude de l'Insee montre que les marges des entreprises continuent de monter. Les voilà à 31,2 %au troisième trimestre 2015, 0,3 % de plus qu'au deuxième et 0,7 % de plus qu'en moyenne sur 2014. Les raisons derrière cette évolution sont au nombre de quatre. Il y a d'abord la baisse des taux d'intérêt tout au long de la période, qui réduit le poids des frais financiers dans la valeur ajoutée. Merci Monsieur Draghi. Vient ensuite la baisse du prix du pétrole (et des matières premières en général), suite au ralentissement chinois. Merci Arabie-Saoudite et Chine. Continue d’œuvrer le CICE, merci Monsieur Montebourg. Arrive enfin le calme salarial, mais seulement jusqu'à une date récente. Faut-il "remercier" le taux de chômage ou, là encore, le prix du pétrole ? Oui mais en partie, il ne s'agit pas de cynisme mais d'économie, car la baisse du prix du pétrole plus le CICE ont permis une certaine remontée des salaires. Dans ce contexte, le plus probable reste la remontée des marges sous l'effet du pétrole, les entreprises devenant plus prudentes sur les salaires.

Concrètement, ce seul facteur qu'est la hausse des marges des entreprises peut-il relancer durablement l'investissement ? Pourquoi ?

L'investissement dépend des profits et de la finance certes,  mais plus proprement des perspectives des entrepreneurs. Or celles-ci remontent, mais lentement - trop lentement. Ainsi, on voit repartir l'investissement depuis plusieurs mois pour ces diverses raisons, mais de manière mesurée, les conditions d'amélioration étant elles-mêmes mesurées. C'est ici que doivent intervenir des mesures fiscales et sociales, prolongeant cette remontée et plus encore l'installant dans la durée. Il peut s'agir d'une baisse de l'impôt sur les sociétés, ou d'un soutien nouveau à l'amortissement accéléré, ou encore d'une baisse significative de l'impôt dès lors qu'il serait mis en réserve (selon certaines conditions). En même temps, on comprend que l'inflexion des anticipations des entrepreneurs dépend de mesures favorisant la flexibilisation sociale, et qu'il est décisif que tout ceci soit durable. La remontée des profits est la précondition à celle de l'investissement. Pas plus.

Que manque-t-il à ces profits actuels pour devenir les emplois de demain, et par conséquent les investissements d'après-demain ?

Il manque des mesures qui s’inscriraient dans un vrai programme pro-croissance et pro-emploi. Aujourd'hui, les choses sont en effet devenues plus complexes avec les nouvelles technologies et " l'ubérisation de l'économie". Une part notable de la reprise viendra en effet des start-ups. Ceci implique de mettre bien plus l'accent sur des mesures pro-profit et pro-flexibilié, en ouvrant notamment un volet sur la fiscalité favorable aux créateurs d'entreprises et aux équipes d'innovation dans les entreprises (distribution d'actions gratuites).

Puisque la chute du prix du pétrole joue un rôle majeur dans cette situation économique, que peut-on attendre en cas de chute ? Quels sont les risques à entretenir cette dépendance économique, et comment s'en passer ?

Nous vivons une guerre à la baisse des prix du pétrole qui va fragiliser de nombreux pays : Brésil, Algérie... qui sont aussi des acheteurs, sans compter des risques sociaux qui peuvent être sérieux. Pour l'heure, le processus de baisse se poursuit, et il s'agit, au moins ici, de profiter de ses aspects positifs, notamment pour les marges des entreprises. Donc il s'agit aussi de ne pas répercuter systématiquement les baisses, mais plutôt d'en profiter pour réduire notre déficit budgétaire. En même temps, ce n'est pas parce que la facture pétrolière baisse qu'il faut réduire les efforts d'économie d'énergie et de transition vers une économie moins carbonée. Viendra toujours un moment, en effet, où le prix montera, parce que la demande augmentera avec la reprise, sachant par ailleurs que les baisses actuelles du prix du baril font fermer des puits ou diminuer leur production. Au fond, nous vivons toujours la mutation vers une économie de l'information, maintenant que la crise des subprimes s'éloigne.

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