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Pourquoi la dette ne disparaît pas... mais se transmet seulement
©Reuters

Bonnes feuilles

Nos dirigeants ont-ils tiré les leçons de la crise financière mondiale de 2008 ? Une telle catastrophe peut-elle se reproduire ? De toute part, on se veut rassurant : les banques seraient mieux encadrées, plus solides… Et pourtant, moins de dix ans après le krach, la dette mondiale a été multipliée par quatre ! Dans cet ouvrage détonnant, Lord Adair Turner livre un verdict implacable. Extrait de "Reprendre le contrôle de la dette" de Lord Adair Turner, aux Editions de l'Atelier (2/2).

Adair Turner

Adair Turner

Adair Turner est l'ancien Président de l'Autorité des services financiers du Royaume-Uni, ancien membre du Comité de la Bank of England en charge de la stabilité globale du système financier, ancien membre de la Commission des retraites, aujourd'hui Président du think tank "Institute for New Economic Thinking", créé à la suite de la crise financière mondiale de 2008. Son livre "Between Debt and the Devil" paraîtra aux éditions Princeton University Press à l'automne 2015.

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Entre 1990 et 2010, la dette des entreprises japonaises s’est réduite de 139 à 103 % du PIB : les entreprises japonaises se sont désendettées. Mais la dette brute du gouvernement japonais a augmenté, passant de 67 à 215 % du PIB. Et la hausse de la dette publique a été une conséquence directe du désendettement des entreprises. Celles-ci ont réduit leurs investissements, et l’économie est entrée en récession, de sorte que les déficits gouvernementaux ont augmenté à mesure que les recettes fiscales baissaient et que les dépenses sociales grimpaient.

Ces déficits publics ont joué un rôle utile en compensant l’impact déflationniste du désendettement du secteur prive : si le gouvernement japonais avait choisi de maintenir l'équilibre du budget public face au désendettement des entreprises, le Japon aurait sans doute souffert non pas simplement de deux décennies de croissance ralentie, mais d’une dépression massive. Pourtant, les déficits publics laissent une question ouverte : que faire du stock de dette publique qui s’accumule ? L’endettement n’a pas disparu ; il s’est seulement déplacé du secteur privé vers le secteur public.

Cette situation s’est reproduite dans de nombreux pays après la crise de 2007- 2008 (schéma 5.1). Aux Etats-Unis, la dette privée rapportée au PIB a baissé de 12 %, passant de 192 % en 2008 a` 180 % en 2013, avec un désendettement immobilier important de la part des me´nages, mais la dette publique a augmente dans le même temps, grimpant de 72 a` 103 %. En Espagne, la dette prive´e, après avoir connu une brusque hausse avant 2008, est redescendue de 215 à 187 % du PIB, mais la dette publique est passe´e de 39 % du PIB en 2008 a` 92 % en 2013 14. Le schéma 5.2 montre la tendance globale pour l’ensemble des e´économies avance´es : depuis 2009, la dette des me´nages a baisse´ en pourcentage du PIB, la dette des entreprises est stationnaire, mais la dette publique a connu une hausse spectaculaire. La dette totale de l’économie réelle (en excluant la dette interne au système financier) continue à augmenter.

L’augmentation de l’endettement public a attiré l’attention sur la dépense publique : elle semble indiquer que les problèmes actuels trouvent leur origine dans la prodigalité des gouvernements. C’était le cas dans certains pays, en particulier en Grèce. Des dépenses publiques trop importantes en regard des recettes fiscales ont joué un rôle clé dans les difficultés. Et toutes les économies avancées sont confrontées à des pressions à long terme sur les finances publiques, qui nécessitent d’être pilotées avec soin. Mais dans la plupart des pays, si la dette publique a augmente´ rapidement depuis la crise, c’est pour une simple raison : la création excessive de crédit a entrainé une crise et une récession post-crise.

De plus, dans presque tous les pays, c’est la récession post-crise qui a fait des ravages dans les finances publiques, et non le cout direct du sauvetage du système bancaire. En Grande-Bretagne, le cout total net du renflouement des banques – en comptant les injections de capitaux, les garanties et l’apport en liquidité´s des banques centrales – s’est élevé à environ 1,3 % du PIB , mais la dette publique est passe´e de 44 % du PIB en 2007 a` 92 % en 2013 17. Aux Etats-Unis, le cout total du sauvetage du système bancaire a été négatif : les autorités ont réalisé un bénéfice, mais la dette fédérale est passée de 76 % à 103 % du PIB. C’est seulement en Irlande et en Grèce que le cout direct du renflouement des banques explique une grande partie de la hausse de la dette publique. Ailleurs, la quasi-totalite´ de la hausse de la dette publique s’explique par le fait que la croissance excessive de l’endettement prive´ avant la crise a entrainé un surendettement, puis un désendettement du secteur prive´, et finalement une profonde récession. 

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