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Pourquoi l’Europe passera difficilement l'année 2013 avec cet euro
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Que faire ?

Alors que l’économie met du temps à se rétablir et que de nombreux pays dévaluent leur devise entraînant une guerre des monnaies, l’Europe ne peut plus continuer à faire l’autruche.

Wolf  Richter

Wolf Richter

Wolf Richter a dirigé pendant une décennie un grand concessionnaire Ford et ses filiales, expérience qui lui a inspiré son roman Testosterone Pit, une fiction humoristique sur le monde des commerciaux et de leurs managers. Après 20 ans d'expérience dans la finance à des postes de direction, il a tout quitté pour faire le tour du monde. Il tient le blog Testosterone Pit.

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Cet article a déjà été publié sur le site Testosteronepit.com

"Je suis assis sur une pile de cash ». C’est ce qu’a déclaré Felix Zulauf lorsqu’on lui a demandé pendant une interview où il gardait tout son argent. Après des décennies d’expérience en gestion d’actifs, il a fondé Zulauf Asset Management en Suisse en 1990. Mais désormais il s’inquiète – et est négatif sur tous les sujets.

La croissance est faible en Europe. Aux Etats-Unis, « tout le monde » s’attendait à une croissance plus ou moins décente, mais Felix Zulauf voit plutôt la possibilité d’une « grande déception ». Les pays en développement ne se développent plus aussi rapidement que ces dernières années. Les Chinois retirent leur argent du pays. « Ils ont des antennes qui détectent les problèmes chez eux » explique-t-il. Les marchés s’attendaient à ce que l’économie mondiale se rétablisse, mais lui pensait que ni l’économie ni les bénéfices des sociétés ne se développeraient comme tout le monde l’espérait. A partir du moment où la distance entre « souhait » et « réalité » est devenue apparente, « cela pourrait causer un crash ».

Calendrier ? Cette année. L’optimisme pourrait bien rester en suspend un petit moment ; le deuxième trimestre serait alors plus problématique. Au fil du temps, les baisses de certains marchés pourraient même atteindre 20 à 30%. Malgré l’insistance incessante des politiciens de la zone euro expliquant que le pire était derrière nous, il n’a vu aucun retour à la normale. Les problèmes structurels étaient encore présents, ils étaient en fait cachés, « noyés temporairement dans un océan de nouvelles liquidités ».

« Jetez un œil aux données économiques » dit-il. « Il n’y a aucune amélioration visible ». Et pour justifier ses paroles, l’Index de l’Eurozone Purchasing Managers était publié. Il a encore baissé après trois mois de légère hausse qui avaient fait naître chez beaucoup l’espoir que « le pire était derrière nous ». L’activité commerciale décline depuis un an et demi. Les nouvelles commandes, un indicateur de l’activité future, a encore chuté pour le 19e mois d’affilée. Alors que l’Allemagne était à peine en terrain positif, l’indice PMI de la France a chuté à des niveaux pas vus depuis mars 2009 and suivait la même trajectoire qu’en 2008 lorsqu’on était en pleine crise financière !

Bien sûr, les marchés financiers se sont calmés, mais seulement parce que la BCE a tiré la « sonnette d’alarme » en déclarant qu’elle financerait les Etats en faillite pour que l’euro puisse survivre. C’était un signal pour que les banques achètent de la dette souveraine. Emprunter à la BCE à 1%, acheter de la dette italienne ou espagnole avec des rendements au-dessus de 5% quand c’est la BCE qui prenait tous les risques – « un gros business pour les banques » déclare-t-il. En conséquence, les banques étaient une fois de plus chargées avec de la dette souveraine. « Les problèmes n’étaient pas résolus mais ont tout simplement été arrêtés sur le chemin » explique-t-il.

Les politiques pourraient s’en sortir. La dette du gouvernement continuerait d’augmenter. Mais la prochaine fois qu’il y a un problème, ce serait aux citoyens de payer, dit-il. Les conditions de vie se sont détériorées. De nombreuses personnes ont perdu leur travail. Les salaires ont baissé. « Nous avons envoyé des millions de personnes vers la pauvreté ! » Les gens n’étaient pas contents. Et cela se comprenait si « un jour, ils décidaient d’aller dans la rue et de s’en prendre à ses décisions ».

Mais, mais, mais… la chancelière Angela Merkel n’a-t-elle pas souligné que l’euro serait important pour la paix en Europe ? « L’euro ne crée par la paix » explique-t-il « mais le mécontentement ».  

Les pays dévaluaient leurs devises pour gagner des avantages. Cette « course vers le bas » pourrait grimper jusqu’à ce que les gouvernements imposent des limites au libre-échange. La dévaluation du yen touche d’autre pays. En Allemagne, cela touche les fabricants des machines-outils, et les autres.  En milieu d’année, explique-t-il, « l’Europe atteindra un point où elle ne pourra plus vivre avec cet euro ».

L’euro devrait donc être dévalué. Le président français François Hollande s’agite depuis un moment pour que ce soit le cas. « Et il se doit de le faire car l’économie française est dans une situation catastrophique. Elle n’est plus compétitive. La France se transforme en deuxième Espagne ».

Mais la BCE n’a-t-elle pas mis en avant l’idée que les taux de change étaient sans rapport avec la politique monétaire ? Et la Bundesbank ne résistait-elle pas à la dévaluation ?

« Les politiques de la Bundesbank sont hélas mortes » déclare-t-il, et ses représentants étaient seulement « autorisés à aboyer, mais pas à mordre ». La politique monétaire de la BCE était décidée par Draghi, « un Italien ». Il avait ainsi soutenu une « lira-isation de l’euro » explique-t-il, « pas parce qu’il aime cela, mais parce qu’il n’avait pas le choix ». C’était le seul moyen de garder l’euro en bonne santé. « Mme Merkel le sait également, mais elle ne peut pas dire la vérité ; sinon les citoyens comprendraient ce qu’il se passe ».

Compte tenu de ce scénario lugubre, qu’est-ce que les investisseurs pourraient faire ? A long terme, les actions étaient le bon choix, assure-t-il, mais ce n’était pas le moment d’acheter.

L’or ? Qu’il ait été en baisse par rapport à son pic d’un an et demi plus tôt était « normal » précise-t-il. Actuellement, les fonds d’or ont été contraints de liquider, ce qui pourrait entraîner de soudaines chutes, mais cela signifiait également « la fin du mouvement ». Il espérait que la correction se terminerait ce printemps. « A long terme, la tendance à la hausse est intacte » ajoute-t-il finalement.

Les obligations ? Elles ont eu un beau parcours pendant 30 ans mais sont désormais « complètement surévaluées » - en partie à cause des banques centrales qui ont acheté pour 10 trillions de dettes « avec de l’argent nouvellement imprimé » ces cinq dernières années. Les marchés de la dette étaient totalement déformés, mais les banques centrales sont capables de maintenir tout cela « un petit peu plus longtemps ». Il admet donc « avoir vendu l’été dernier de la dette à long terme ».

Mais où mettait-il donc tout son argent ? Il fit alors une remarque qui me donna à réfléchir : « Je suis assis sur une pile de cash ».

La Fed augmente ses dépôts bien rapidement que ce que les banques peuvent déployer, ou que ce que l’économie peut utiliser. Ca augmente bien plus rapidement que ce que les personnes veulent ou ont besoin. Et maintenant il y a « des centaines de milliards de dollars de carburant potentiel inexploité » comme l’a expliqué Bloomberg. Un potentiel pour de gros problèmes…

Cet article a déjà été publié sur le site Testosteronepit.com

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