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Le djihad près de chez de vous : pourquoi l'efficacité de la coopération des familles de fous de l'islam commence à montrer ses limites
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Ligne verte

Le numéro de téléphone mis en place par le ministère de l'Intérieur pour aider les familles qui souhaiteraient interpeller l'Etat sur la radicalisation et l'endoctrinement de leurs enfants connaît des limites. Cette "ligne verte", pourtant nécessaire, sert surtout à la communication du gouvernement, qui cherche à montrer qu'il n'est pas dans l'inaction.

Eric Denécé

Eric Denécé

Eric Denécé, docteur ès Science Politique, habilité à diriger des recherches, est directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R).

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Atlantico : Mise en place depuis 8 mois par le ministère de l'Intérieur, la ligne verte "anti-jihad" semble porter ses fruits. Les deux premiers mois, la plate-forme téléphonique a reçu plus de 200 appels de familles souhaitant alarmer les services de police de la radicalisation de leurs proches, candidats au djihad. Cette mesure vous semble-t-elle efficace ?

Eric Denécé : Disons que c’est une bonne mesure qui vient compléter un arsenal législatif et judiciaire déjà très complet, et un dispositif policier (DGSI, gendarmerie, police) très étoffé. 

Pour autant, ce n’est pas cette "Ligne verte", en dépit de son utilité, qui va changer l’issue de la lutte antiterroriste ni la face du monde. Elle n’a de sens et d’efficacité qu’adossée aux autres mesures existantes et qui ont été régulièrement revues et renforcées depuis le milieu des années 1980. Enfin, il me semble qu’il est un peu tôt afin pour évaluer son efficacité.

Quelles sont les limites ou obstacles logistiques que connaissent les services de police dans leur aide aux familles pour empêcher leurs proches de partir faire le djihad ?

Le numéro Vert n’a d’utilité que s'il est suivi d’actions : aide aux familles et aux jeunes radicalisés, surveillance policière, etc. Sinon, il perd tout son sens et va décevoir ceux qui ont recours à lui. Espérons que nous aurons les moyens de dépasser l’écoute et l’affichage, et qu’il sera répondu aux personnes signalant les dérives d’un proche par des mesures concrètes et efficaces.

La mise en place d'un numéro de téléphone vert, plus qu'un soutien psychologique aux familles, serait davantage un coup de communication politique ?

La mesure en elle-même n’est pas un coup politique, car elle était nécessaire. Elle est venue apporter un plus, pour l’instant encore marginal, à nos moyens de prévention et de lutte contre la radicalisation et le terrorisme.Ce qui relève du jeu politique, c’est la surexploitation qu’en a fait le gouvernement et en particulier le ministre de l’Intérieur, comme s’il n’avait que cela de nouveau à proposer.

L'arsenal dont disposent les services de police avec ce numéro vert est-il suffisant pour empêcher des actes meurtriers tels que nous les avons connus ce week-end à Dijon ?

Oui et non. Le dispositif français (législatif, judiciaire, policier) est l’un des plus complets et des meilleurs au monde. Certes, nous pourrions sans doute encore l’améliorer, mais pour l’essentiel il marche bien. Mais cela ne signifie pas que cela dissuade les malades et les fous qui décident de passer à l’action. Aucun système ne le peut ! Cessons donc de faire croire à nos concitoyens que c’est une question de moyens policiers.

Notre société traverse simultanément plusieurs crises (économique, sociale, identitaire, de valeurs...), ce qui génère frustration, instabilité et désorientation. Les individus les plus faibles psychologiquement ont alors vite fait d’être récupérés par des idéologies extrémistes (au premier rang desquelles l’islamisme radical) qui les conditionnent et les poussent à des actes insensés. Aucun service de police au monde ne peut lutter contre cela.

Quelles autres stratégies l'Etat et les services de renseignement peuvent-ils adopter pour lutter contre l'endoctrinement et la radicalisation ? Quels sont les autres outils disponibles et plus efficaces ?

Il n’existe pas de recette miracle, cela se saurait. Il convient de mixer toutes les solutions existantes, policières ou civiles, préventives ou répressives. De plus il faut être conscient d’un fait : au cours des années 1930, nous n’avons pas su empêcher des jeunes de tous milieux d’être happés par les idéologies d’extrême-droite; puis dans les années 1950 à 1970, nous n’avons pas non plus pu lutter contre l’attraction des idées communistes sur les esprits, alors qu’il s’agissait d’un autre totalitarisme fondé sur l’utopie.

C’est un peu la même chose avec l’islam radical aujourd’hui. Après les pestes brune et rouge, nous voici confrontés à la peste "verte". Mais comme avec les deux précédentes, j’ai l’intime conviction que nous en viendrons à bout, avec le temps, car notre système démocratique, malgré ses imperfections, est plus solide que beaucoup ne l’imaginent.

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